B. LA « CONSCIENCE DE L'EUROPE »9 ( * )
1. Le gardien du respect des droits de l'homme en Europe
La Cour européenne des droits de l'homme, dont les arrêts sont obligatoires pour les États condamnés, a joué un rôle inestimable dans la protection des droits et libertés reconnus par la Convention.
Dès le départ, elle a en effet été guidée par le souci d'assurer à ces droits leur pleine effectivité . Elle a ainsi très vite reconnu que « la Convention a pour but de protéger des droits non pas théoriques ou illusoires, mais concrets et effectifs » (CEDH, 9 octobre 1979, Airey c. Irlande ).
Cette conception volontariste de son rôle s'est traduite par une jurisprudence dynamique et finaliste , reposant sur le principe selon lequel « la Convention est un instrument vivant à interpréter à la lumière des conditions actuelles » (CEDH, 25 avril 1978, Tyrer c/ Royaume-Uni ). C'est ainsi que, se fondant sur les stipulations de la Convention, elle s'est prononcée sur de nombreux sujets de société, concluant à une violation de la Convention par les États mis en cause, dans des affaires relatives par exemple aux droits des enfants naturels (CEDH, 13 juin 1979, Marckx c/ Belgique ) ou adultérins (CEDH, 1 er février 2000, Mazurek c. France ), à la répression pénale de l'homosexualité (CEDH, 22 octobre 1981, Dudgeon c/ Royaume-Uni ) ou encore au transsexualisme (CEDH, 11 juillet 2002, Goodwin c/ Royaume-Uni ).
Cette volonté d'assurer leur pleine effectivité aux droits reconnus par la Convention l'a également conduite à juger qu'une attitude purement passive de l'État pouvait rendre illusoire de nombreux droits et que la garantie de ces derniers pouvait impliquer « des obligations positives » à la charge de l'État (arrêt Marckx c/ Belgique précité). Dans un arrêt Siliadin c. France du 26 juillet 2005, la Cour a par exemple mis en cause l'insuffisance du droit pénal français pour assurer une protection concrète et effective à une requérante victime d'esclavage domestique.
Enfin, si elle reconnaît la nécessité de maintenir « une certaine forme de conciliation entre les impératifs de la défense de la société démocratique et ceux de la sauvegarde des droits individuels » (CEDH, 6 septembre 1978, Klass c. Allemagne ), la Cour s'assure que les restrictions apportées par les États à certains droits sont prévues par la loi, qu'elles poursuivent un but légitime et qu'elles sont nécessaires au fonctionnement d'une société démocratique 10 ( * ) .
En tout état de cause, aucune dérogation ne saurait être admise dans la mise en oeuvre de certains droits : interdiction de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (article 3 de la Convention) ; interdiction de l'esclavage (article 4) ; principe de légalité des délits et des peines et non-rétroactivité de la loi pénale (article 7) et respect de la règle non bis in idem (article 4 du Protocole n°7).
A plusieurs reprises, les arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme ont contraint des États parties à modifier leur législation afin de se conformer à sa jurisprudence. En effet, les arrêts de violation sont obligatoires pour les États condamnés, qui sont donc tenus de les exécuter. Le comité des ministres du Conseil de l'Europe est compétent pour veiller à cette exécution.
Depuis sa création, 62% des violations constatées par la Cour concernaient l'article 6 de la Convention (droit à un procès équitable) et l'article 1 er du protocole n°1 (protection de la propriété). Dans 9% des cas, la Cour a conclu à une violation grave de la Convention concernant le droit à la vie ou l'interdiction de la torture et des traitements inhumains ou dégradants (articles 2 et 3 de la Convention).
* 9 Ce titre s'inspire de celui d'un ouvrage que la Cour européenne des droits de l'homme a publié à l'occasion de son cinquantième anniversaire, grâce à une contribution du Grand-Duché de Luxembourg, en octobre 2010 et qui a fourni à vos rapporteurs de précieuses informations sur l'histoire et le fonctionnement de la Cour.
* 10 Voir notamment Pierre-Henri Imbert, fascicule 80 : Convention européenne des droits de l'homme de 1950 et ses protocoles, Jurisclasseur Libertés.