b) Les facteurs incitatifs à l'évasion fiscale

La stratégie fiscale relevant de l'optimisation abusive et de la fraude conduit le plus souvent le contribuable à prendre en compte divers facteurs tels que le risque encouru apprécié à l'aune de la complexité des dispositions fiscales et de la probabilité de la sanction.

(a) Le rapport à la loi

Le respect de la loi requiert stabilité et lisibilité des dispositifs. Or le Rapport Fouquet 495 ( * ) observait en 2008 que 20 % en moyenne des articles du code général des impôts étaient alors modifiés chaque année. La complexité et la multiplication des exemptions des assiettes conduisent à une illisibilité du code dénoncée par l'OCDE 496 ( * ) . S'agissant des dépenses fiscales, trente-deux dispositifs avaient été créés en moyenne chaque année entre 2000 et 2008 alors que vingt mesures avaient été supprimées, ce qui représente cinquante-deux modifications moyennes par an, soit 12% du stock de dépenses fiscales.

Cette instabilité est source également de complexité et d'insécurité juridique ainsi que l'a jugé le Conseil Constitutionnel en 2005 en censurant le dispositif de plafonnement des niches fiscales 497 ( * ) Considérant que la complexité de ces règles se traduit notamment par la longueur de l'article 78, par le caractère imbriqué, incompréhensible pour le contribuable, et parfois ambigu pour le professionnel, de ses dispositions, ainsi que par les très nombreux renvois qu'il comporte à d'autres dispositions elles-mêmes imbriquées ; que les incertitudes qui en résulteraient seraient source d'insécurité juridique, notamment de malentendus, de réclamations et de contentieux ».

Or, le cycle d'auditions a permis de mettre en lumière le rôle de la complexité et l'instabilité des dispositifs fiscaux dans l'incitation à l'évasion fiscale. M. Christian Babusiaux 498 ( * ) a ainsi constaté que: « L'existence d'un grand nombre de dispositifs fiscaux et de niches fiscales entraîne un nombre également important de possibilités d'optimisation, voire de fraude . ».

(i) L'insuffisance de dialogue avec l'administration

La qualité du dialogue avec l'administration fiscale constitue à certains égards un facteur intervenant dans la mise en place de stratégies fiscales agressives. Me Gutmann a ainsi fait valoir qu'en dépit d'une amélioration certaine 499 ( * ) : « il reste quand même un climat parfois tendu entre l'administration et les entreprises, ce qui est d'ailleurs normal dans certains cas, mais inutile dans d'autres ».

Il a ainsi souligné les difficultés d'accès à l'administration en mentionnant que 500 ( * ) : « Si vous n'êtes pas dans le cadre d'un texte pour lequel le ruling est organisé, vous envoyez une bouteille à la mer. Soit vous disposez d'un accès à un responsable de l'administration qui va faciliter l'obtention d'une réponse de l'administration fiscale, soit vous êtes un contribuable lambda ne présentant pas d'enjeu particulier, et l'administration vous répondra si elle a le temps ou si elle le juge utile ; et parfois, sa réponse vous semblera fort obscure . Par ailleurs, il y a des cas où le ruling échoue, tout simplement parce qu'on n'ose pas aller voir l'administration . » Il a conclu que les nécessaires progrès à réaliser en la matière étaient de « nature presque sociologique » puisque relevant de la confiance.

Votre rapporteur, sans faire siens ces propos, en relève le sens, qu'il partage, tout en estimant que les torts sont peut-être, au mieux, partagés.


* 495 Cf . Rapport au ministre du Budget, des comptes publics et de la fonction publique en juin 2008 intitulé : « Améliorer la sécurité juridique des relations entre l'administration fiscale et les contribuables : une nouvelle approche » et présenté par M. Olivier Fouquet, président de Section au Conseil d'Etat, Julie Burguburu, rapporteur général, David Lubek, rapporteur général, Sylvie Guillemain, rapporteur.

* 496 Cf. rapport de l'OCDE Tax in France de juillet 2005, p. 32.

* 497 Décision n° 2005-530 DC du 29 décembre 2005.

* 498 Cf . audition du 6 mars 2012 de M. Christian Barbusiaux.

Cf . également audition de M. Charles Prats du 17 avril 2012 : « Cette complexité est source de problèmes, d'opacité, mais aussi de fraude ».

* 499 Cf. audition du 2 mai 2012.

* 500 Cf . audition du 2 mai 2012.

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