Audition de M. Denis Baupin, adjoint au maire de Paris, chargé du développement durable, de l'environnement et du plan climat
(9 mai 2012)
M. Ladislas Poniatowski, président . - L'ordre du jour de ce matin appelle l'audition de M. Denis Baupin, adjoint au maire de Paris, chargé du développement durable, de l'environnement et du plan climat.
Comme vous le savez, monsieur Baupin, notre commission d'enquête a été créée sur l'initiative du groupe écologiste, qui a fait application de son « droit de tirage annuel », afin de déterminer le coût réel de l'électricité. Cela nous amènera notamment à nous interroger sur l'existence d'éventuels « coûts cachés », qui viendraient fausser l'appréciation portée sur l'efficacité de telle ou telle filière, et à déterminer sur quels agents économiques reposent les coûts réels de l'électricité, afin d'éclairer les choix énergétiques français.
À cette fin, notre commission d'enquête a jugé utile de vous entendre, afin que vous nous fassiez partager votre expérience locale.
Je vous rappelle que toutes les informations relatives aux travaux non publics d'une commission d'enquête ne peuvent être divulguées ou publiées, et qu'un faux témoignage devant notre commission serait passible des peines prévues aux articles 434-13, 434-14 et 434-15 du code pénal.
Pour ce qui concerne la présente audition, la commission a souhaité qu'elle soit publique et un compte rendu intégral en sera publié.
Avant de donner la parole à M. le rapporteur pour qu'il pose ses questions préliminaires, je vais vous demander de prêter serment, conformément à la procédure applicable aux commissions d'enquête, de dire toute la vérité, rien que la vérité. Veuillez lever la main droite et dire : « Je le jure. »
( M. Denis Baupin prête serment .)
M. Ladislas Poniatowski , président . - La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean Desessard, rapporteur . - Monsieur Baupin, pouvez-vous présenter la politique menée à Paris en termes de consommation d'électricité et de gestion des réseaux, notamment dans le cadre du plan climat ?
Quelles sont les perspectives quant au développement des réseaux d'électricité et à leur coût pour une métropole telle que Paris ?
Quel est votre regard sur les mécanismes de lutte contre la précarité énergétique et les différentes mesures proposées, outre le tarif de première nécessité : chèque énergie ou chèque chauffage, tarif progressif ? Comment encourager les rénovations thermiques sans que les coûts soient insupportables pour les ménages à faibles ressources ?
Quel jugement portez-vous sur les mécanismes d'incitation aux économies d'énergie visant les collectivités, en particulier sur les certificats d'économie d'énergie ? Ceux-ci sont-ils compris de la population ?
Pensez-vous que les mécanismes destinés aux particuliers, notamment les incitations fiscales, soient efficaces ? Quelle devrait être, par exemple, la répartition des incitations entre le propriétaire et le locataire d'un logement ?
D'une manière générale, quel rôle les collectivités doivent-elles jouer dans les domaines de l'information, de l'incitation, de la subvention pour promouvoir les efforts d'économie d'énergie auprès des particuliers et des entreprises ?
Par ailleurs, quel jugement portez-vous sur la réglementation thermique 2012 ? Estimez-vous qu'elle est favorable ou défavorable au chauffage électrique ? Comment gérer et mieux réguler le stock d'installations de chauffage électrique existant ?
Enfin, selon vous, quel est l'intérêt du compteur Linky et des réseaux intelligents ?
M. Ladislas Poniatowski, président . - La parole est à M. Denis Baupin.
M. Denis Baupin, adjoint au maire de Paris, chargé du développement durable, de l'environnement et du plan climat . - Selon moi, il est très pertinent de mener aujourd'hui un débat sur les politiques énergétiques, plus particulièrement sur leur coût. Je note que, au cours de la campagne électorale qui vient de se dérouler, pour une fois, cette question a été évoquée.
Lors de l'exposé que je vais faire, j'essaierai de répondre aux questions posées par M. le rapporteur et d'expliquer la réflexion que nous conduisons sur la place que doivent avoir les collectivités locales dans les politiques énergétiques. Cette réflexion rejoint celle de nombreuses autres de personnes.
Tout d'abord, force est de remarquer que nous sommes confrontés à une crise énergétique. La production d'énergies fossiles étant inférieure à la consommation, il existe donc une tendance très forte à l'explosion des prix. Quelle réponse pouvons-nous y apporter en termes de sobriété et d'efficacité énergétiques ?
Par ailleurs, la question de la relocalisation de la production nous paraît importante. Au cours de la campagne électorale, la question du « produire français » a été évoquée à plusieurs reprises. Or on ne peut que constater le fait que la balance des paiements de la France est « plombée » par les dépenses engagées en matière d'achat d'énergie à l'étranger. Par conséquent, produire localement de l'énergie permettrait de faire en sorte que l'argent de l'économie française ne serve pas à financer des pétromonarchies ou d'autres régimes étrangers, mais soit réinvesti localement. Cette question nous paraît essentielle au niveau non seulement national, mais également local.
Les élus parisiens, qui réfléchissent avec leurs collègues des communes voisines, souhaitent que leur ville soit de moins en moins dépendante du pétrole, tout en assurant un faible impact environnemental et social de cette nécessaire transition. Comme dans toutes les villes, ils doivent agir sur un territoire existant. Mais le territoire parisien est petit et totalement enclavé. Les espaces disponibles sont peu nombreux pour réellement permettre d'imaginer une nouvelle urbanisation. À l'heure actuelle, à l'échelon métropolitain, il n'existe aucun outil en matière de gouvernance.
Il convient non pas simplement d'agir, au niveau de la municipalité, du haut vers la base, mais aussi d'essayer de mobiliser les acteurs du territoire - les acteurs économiques ou même l'ensemble de nos concitoyens - et de les inciter à réfléchir à la façon dont ils consomment.
Par ailleurs, une question majeure se pose de plus en plus : celle de la précarité énergétique. En raison de l'augmentation très importante du coût de l'énergie et des problèmes de pouvoir d'achat que rencontrent nos concitoyens, à l'échelon national, le nombre de précaires énergétiques s'élève entre 8 et 10 millions de personnes. Bien évidemment, Paris n'est pas épargné par cette précarité.
L'action que nous essayons de mener, et qui vise à répondre aux questions énergétiques, a des développements intéressants pour une collectivité. Il s'agit, d'une part, de la réduction de la précarité énergétique, qui permet aux collectivités de réduire le coût des politiques sociales qu'elles conduisent, et, d'autre part, de la création d'emplois non délocalisables, qui a donc un impact économique positif. En effet, le fait de produire localement au lieu de recourir à des importations concourt à la dynamisation du tissu économique local et à une réduction de la vulnérabilité et de la dépendance de nos territoires.
Les élus - je suis particulièrement concerné, moi qui suis porteur du plan climat de la Ville de Paris, lequel vise à diviser par quatre nos émissions de gaz à effet de serre à l'horizon 2050 -, doivent non seulement faire en sorte de réduire les émissions de gaz à effet de serre, mais aussi s'interroger sur les facteurs de vulnérabilité de leur propre territoire. Selon moi, ceux-ci sont très largement sous-estimés, même pour des éléments aussi basiques que l'énergie, l'eau ou l'alimentation.
Je vous donne un simple exemple, même s'il est un peu hors contexte. Aujourd'hui, seulement 1 % de la consommation alimentaire des 11 millions à 12 millions d'habitants d'Île-de-France, région pourtant agricole, est produit localement ; 99 % des denrées venant de l'extérieur, leur transport consomme de l'énergie. Il s'agit donc d'un facteur de vulnérabilité important que nous devons prendre en compte. Il en est de même pour l'énergie et pour l'eau.
J'en viens à la question de la réduction des risques majeurs. Nos convictions ont été renforcées à la suite de la catastrophe de Fukushima. Certaines technologies comportent des risques. Ce fait a d'ailleurs été confirmé par l'Autorité de sûreté nucléaire, qui considère qu'une catastrophe majeure n'est pas impossible. Paris étant située à une centaine de kilomètres de la centrale nucléaire de Nogent-sur-Seine, si ses élus réussissent à mener une politique permettant de ne pas recourir aux technologies les plus dangereuses, l'incidence sur la réduction des risques majeurs ne sera pas négligeable.
Selon cette philosophie, nous jugeons pertinent d'aller dans le sens d'une affirmation d'autorités locales de l'énergie. C'est ainsi que nous souhaitons faire évoluer notre plan climat.
Ce plan a été adopté à l'unanimité du Conseil de Paris, toutes tendances politiques confondues, en 2007, juste avant les élections municipales, autrement dit à une époque qui n'était pas forcément propice à ce que se dégage une unanimité. Dans ce document, sont fixés des objectifs légèrement supérieurs aux objectifs 3x20 du paquet énergie-climat européen, soit atteindre 20 % de réduction des gaz à effet de serre, 20 % d'énergie renouvelable et 20 % d'efficacité énergétique. En effet, ont été retenues pour le territoire parisien les fourchettes de 3x25 et de 3x30 pour tout ce qui concerne le bâti municipal, les déplacements municipaux, l'éclairage public.
M. Jean Desessard, rapporteur . - Vous avez retenu 3x25 pour aboutir à 75 % ?
M. Denis Baupin . - En fait, nous avons retenu l'objectif de 75 % à l'horizon 2050. Il ne s'agit pas d'une multiplication des réductions ! Il s'agit d'atteindre 25 % de réduction des émissions de gaz à effet de serre du territoire, 25 % de réduction des consommations énergétiques et 25 % de consommation énergétique du territoire provenant des énergies renouvelables.
Une révision du plan climat ayant été prévue tous les cinq ans, nous sommes aujourd'hui dans cette phase de révision. C'est d'autant plus nécessaire que, au regard des lois Grenelle, chaque collectivité territoriale doit adopter un plan climat-énergie territorial. Cette obligation est une bonne occasion pour la Ville de Paris de mettre à jour, en fonction des résultats déjà obtenus, ses politiques et la façon de réaliser ses ambitions.
J'en viens au bilan énergétique de Paris. Sur son territoire, les consommations d'énergie les plus importantes concernent le secteur du bâti, qu'il s'agisse du bâti résidentiel ou du bâti tertiaire. À cet égard, je vais donner un ordre de grandeur qui frappe toujours les esprits : la consommation énergétique des bâtiments parisiens correspond à l'équivalent de la production de quatre réacteurs nucléaires... On le constate, la consommation énergétique, notamment électrique, du territoire parisien, de petite taille mais extrêmement dense, est très élevée. Par conséquent, les économies potentielles sont loin d'être négligeables.
En matière énergétique, le plan climat de la Ville de Paris nous a amenés à agir sur de très nombreux leviers.
Aujourd'hui, je n'évoquerai pas la politique de mobilité, dont j'étais en charge entre 2001 et 2008, et qui a visé à réduire de façon très significative la circulation automobile au profit des transports collectifs et d'autres moyens alternatifs. De ce fait, notre dépendance au pétrole a été diminuée. Certes, tel n'est pas le sujet qui nous occupe ce matin, mais les déplacements contribuent aussi à la consommation énergétique d'un territoire. De surcroît, eu égard aux enjeux énergétiques auxquels nous sommes confrontés, qu'ils concernent le pétrole, le dérèglement climatique ou la réduction des risques de catastrophes majeures, le facteur de la mobilité doit être pris en compte.
Par ailleurs, voilà quelques mois, la Ville de Paris a adopté un nouveau contrat de partenariat de performance énergétique de grande ampleur qui permettra, dans dix ans, de réduire de 30 % la consommation d'électricité due à l'éclairage public, à la signalisation lumineuse et aux illuminations des bâtiments parisiens. Sur dix ans, sont en jeu 800 millions d'euros. C'est le plus gros marché passé par la Ville de Paris au cours de la présente mandature. Il vise non seulement la réduction de la consommation électrique, mais aussi l'entretien du patrimoine en matière d'éclairage. Si la Ville Lumière doit, évidemment, rester bien éclairée, grâce aux nouvelles technologies, sa consommation doit être abaissée.
M. Jean Desessard, rapporteur . - Par quels moyens ?
M. Denis Baupin . - Il s'agit d'utiliser des ampoules basse consommation, d'éclairer non plus le ciel mais les endroits adéquats. Tout n'est pas fixé dans le marché. Autrement dit, en fonction de l'évolution des technologies, on laisse la possibilité au prestataire de s'adapter. Ainsi, dans certains lieux ne nécessitant pas un éclairage continuel la nuit, on peut envisager d'installer des détecteurs de présence permettant de renforcer l'éclairage en tant que de besoin. De telles pistes sont expérimentées dans un certain nombre de collectivités. Elles peuvent rendre possible la réalisation d'économies d'énergie.
J'en viens au bâti, qui est de différents types, tant du point de vue de l'architecture et de la période de construction que d'un point de vue juridique. On ne peut pas agir de la même façon sur des bâtiments appartenant à la Ville, sur des logements sociaux, des logements privés ou encore sur des locaux relevant du tertiaire.
D'un point de vue juridique, les bâtiments appartenant à la Ville sont les plus simples à gérer. Nous avons conclu le plus important contrat de partenariat de performance énergétique jamais signé en France portant sur les 600 écoles situées à Paris. Par lots de 100 écoles - un premier a d'ores et déjà été défini -, nous allons lancer la rénovation thermique de ces établissements pour réduire leur consommation énergétique de 30 %, en agissant à la fois sur le bâti, sur le système de chauffage et sur les comportements tant des enfants, des personnels de l'éducation nationale ou de la Ville, voire des parents, même si leur présence est moindre dans les écoles. Tout un travail de sensibilisation doit être mené. À la suite d'un dialogue, un groupement a été retenu. Ainsi pourra être expérimentée la mise en place du système.
Pour ce contrat de partenariat de performance énergétique, un groupement a été retenu après un « dialogue compétitif ». Cela nous permettra d'expérimenter la mise ne place du dispositif. Son gros avantage, c'est que, sur les vingt ans de durée du contrat, le prestataire doit assurer les performances, faute de quoi il ne percevra pas le loyer prévu pour la fourniture de sa prestation. Je parle de « loyer » parce que les économies d'énergie qui résulteront de l'isolation thermique effectuée, qui ont donc vocation à rapporter de l'argent, ne suffiront pas à financer les travaux sur vingt ans. Les simulations que nous avons effectuées au terme d'une pré-étude portant sur cinq écoles représentatives du bâti parisien ont montré que, si l'on se « contentait » d'une réduction de 20 % de la consommation énergétique de ces établissements, les investissements seraient financés par les économies d'énergie, car les investissements lourds à réaliser sont finalement assez limités. Mais nous sommes allés plus loin puisque l'objectif fixé est d'atteindre une réduction de la consommation de 30 %. La Ville contribuera à hauteur de 50 millions d'euros environ sur cette période de vingt ans aux travaux qui seront réalisés dans les cent premières écoles. Le même dispositif sera mis en oeuvre afin que les 600 écoles parisiennes soient rénovées à l'horizon 2020.
Nous travaillons également à la rénovation des chaufferies de la Ville de Paris. Je n'insisterai pas sur ce point, qui ne concerne pas directement l'électricité.
J'en viens aux 220 000 logements sociaux parisiens. L'objectif retenu dans le plan climat est d'en rénover thermiquement un quart d'ici à 2020, soit 55 000. Chaque année, seront traités 4 500 logements sociaux grâce à des aides de l'État, de la région, de la Ville de Paris, une contribution propre des bailleurs sociaux.
M. Ladislas Poniatowski, président . - Est-ce que cela concerne aussi bien l'isolation que les chaufferies ?
M. Denis Baupin . - Bien entendu, nous agissons sur tous les facteurs qui permettent d'atteindre les objectifs de réduction fixés.
La principale difficulté concerne le parc du logement privé, avec cette spécificité parisienne qui fait qu'il est quasi exclusivement constitué de copropriétés. Or les dispositifs légaux mis en place visent principalement des pavillons ; là, l'éco-PTZ est particulièrement adapté pour agir. Nous devons continuer à faire progresser ce chantier majeur, sur lequel je reviendrai dans quelques instants.
Les bureaux posent encore plus de problèmes. J'ai eu l'occasion d'en discuter à plusieurs reprises avec l'équipe Bâtiment du Grenelle de l'environnement, qui essaie d'élaborer des outils concernant le tertiaire. Aujourd'hui, il y a la spécificité des consommations électriques de ces bâtiments, qui sont parfois plus importantes que celles relatives au chauffage : informatique, data centers , éclairage, climatisation... Il faut donc intervenir à la fois sur le bâti et sur cette consommation électrique spécifique. Or, sur ce point, nous sommes, si je puis dire, en demande d'outils. Je profite de mon audition par une commission parlementaire pour souligner que les collectivités ont besoin d'être aidées par la loi et le Gouvernement afin d'agir plus efficacement.
Pour ce qui concerne l'application du plan climat, nous agissons bien évidemment sur toutes les zones d'aménagement qui restent sur le territoire parisien et qui relèvent du grand projet de renouvellement urbain. Notons quelques opérations d'urbanisme emblématiques réalisées sur les secteurs Paris Nord-Est, Clichy-Batignolles, où se situera le futur palais de justice, Bercy-Charenton. Je le dis avec modestie, car ce n'est pas dans la culture des collectivités locales ; il s'agit par conséquent de mener un travail de sensibilisation des élus, des services, de l'ensemble des acteurs du territoire. En l'espèce, au moment des travaux préparatoires relatifs à ces chantiers, nous essayons d'élaborer une stratégie énergétique. Autrement dit, on ne se pose pas simplement la question de savoir quels équipements publics seront mis en place à tel ou tel endroit, combien de bureaux ou de logements sociaux seront installés ; on se demande également quels services énergétiques seront apportés. Une spécificité parisienne, qui constitue un énorme avantage, doit être soulignée : le réseau de chauffage urbain de la Ville de Paris, aujourd'hui délégué à la CPCU, est le troisième au monde après ceux de Moscou et de New York. Tout comme moi avant que je sois adjoint chargé du plan climat, nombre de Parisiens, y compris des élus, l'ignorent. Cet atout de la collectivité est peu valorisé et peu pris en compte.
Si l'on se penche sur les questions énergétiques, on se rend compte que, voilà quelques décennies, nos prédécesseurs - pas forcément les élus locaux, mais en tout cas l'État - avaient des idées plus avancées que nous sur ce qu'il convenait de faire sur le territoire parisien. Et certains outils ont été laissés en déshérence : les acteurs économiques, les énergéticiens n'ont pas toujours agi en ayant en tête une stratégie. Aujourd'hui, à l'occasion de la révision du plan climat, nous avons la volonté d'affirmer plus fortement notre vision en matière de politique énergétique, notamment pour ce qui concerne les zones d'aménagement.
Par ailleurs, nous nous sommes dotés d'un outil de sensibilisation de l'ensemble des acteurs du territoire, à savoir l'Agence parisienne du climat, qui est chargée de l'information des usagers. Elle compte une trentaine de personnes, principalement des conseillers info-énergie-climat. L'ADEME est associée au financement.
J'en reviens au bâti et à la question des copropriétés. Plusieurs outils existent.
Le plan « copropriétés : objectif climat » a été lancé voilà quatre ans. Il permet d'aller, par l'intermédiaire des conseillers info-énergie-climat, à la rencontre des 40 000 copropriétés parisiennes. Cela vous laisse imaginer l'ampleur de la tâche ! Nous finançons à 75 % les diagnostics énergétiques des bâtiments. Nous octroyons ensuite des aides, qui complètent celles qui sont accordées par l'ANAH, lorsque les travaux sont engagés.
Le processus est très long. Entre le moment où l'on commence à sensibiliser les copropriétaires et celui où une copropriété réunit la majorité nécessaire pour engager les travaux, plusieurs années peuvent s'écouler. Aujourd'hui, à peu près 1 % des logements parisiens privés se sont engagés dans ce dispositif. Toutefois, tous n'ont pas encore entrepris des travaux.
Cela nous a conduits à développer, depuis deux ans, un outil complémentaire plus spécifique : les opérations programmées d'amélioration thermique des bâtiments. L'une concerne 330 tours ou grands immeubles du XIII e arrondissement. De ce fait, chiffre significatif, 2 % de la population parisienne est concernée. La démarche entreprise va plus loin que la précédente : des équipes vont rencontrer les copropriétés, les syndics ; un diagnostic thermique pris en charge financièrement par la ville est effectué ; à cette occasion, tous les bouquets de travaux possibles sont étudiés afin de permettre aux copropriétaires de prendre ou non la décision d'agir sur leur bâtiment. Mais une fois que la copropriété dispose de tous ces éléments, que démonstration de la pertinence économique des travaux lui a été faite, décidera-telle d'engager des travaux ? En l'espèce, la Ville de Paris essaie d'aller le plus loin possible du point de vue réglementaire.
D'ores et déjà, nous réfléchissons à la manière de développer le même dispositif sur d'autres secteurs du territoire parisien : autour de la place de la République, où le bâti, plus ancien, est très différent de celui du XIII e arrondissement, ou encore dans le XIX e arrondissement, deux secteurs dans lesquels la précarité énergétique est grande. Il faut noter un lien avec le plan bâtiment Grenelle, dont les acteurs, qui sont à la recherche d'outils pour ce qui concerne les copropriétés, s'appuient beaucoup sur ce qui est fait à Paris.
À cet égard, je salue la décision qui a été prise de permettre l'octroi de prêts à taux zéro directement à la copropriété, et non plus à chaque propriétaire. Nous avons contribué à l'élaboration de cet outil. Il reste à vérifier que celui-ci va bien fonctionner. Une telle affectation d'un prêt de cette nature facilite grandement les démarches et donne un argument à ceux qui essaient d'agir à l'échelon de la copropriété.
Pour autant, aujourd'hui, la seule incitation ne suffira pas pour atteindre les objectifs que se sont fixés la France et l'Europe dans le domaine de la réduction des émissions de gaz à effet de serre et de la consommation énergétique. À un moment, il faut oser passer à la réglementation. Certes, il ne s'agit pas de « taper » sur tous les copropriétaires et de les sanctionner s'ils ne rénovent pas leur bâtiment d'ici à trois ans.
La directive sur l'efficacité énergétique est en cours de discussion entre les différentes institutions européennes. En la matière, la France peut évidemment jouer un rôle lors du Conseil européen. Il faut tout mettre en oeuvre pour que l'on puisse passer de la simple incitation à l'adoption de mesures réglementaires permettant d'agir de façon plus efficace, que ce soit en termes de réglementation, mais aussi d'outils financiers, afin de favoriser la prise de décision par une copropriété.
Par ailleurs, une copropriété regroupant une multitude d'acteurs, il en résulte une complexité supplémentaire. N'oublions pas non plus la différence de revenu qui peut exister entre les différentes personnes concernées. De surcroît, il y a des propriétaires bailleurs, des propriétaires occupants, des locataires et leurs intérêts ne sont pas les mêmes. Par conséquent, il convient de trouver, en quelque sorte, une juste répartition des droits et des devoirs.
Le Grenelle de l'environnement prévoit de créer une ligne supplémentaire sur la quittance permettant de faire contribuer le locataire au titre des travaux de rénovation thermique à hauteur de 50 % du montant des économies de charge réalisées. Cette mesure me semble équilibrée. Certes, en fonction de la situation de précarité dans laquelle se trouve tel ou tel, on peut faire varier le système. Mais l'idée de partager la charge entre propriétaire et locataire paraît juste. En effet, si le propriétaire paie l'investissement alors que le locataire bénéficie des économies d'énergie réalisées, le système se bloquera forcément : le propriétaire ne sera pas incité à entreprendre des travaux. À un moment donné, tous les acteurs doivent bien avoir un intérêt à agir. Il convient de partager de façon équitable les économies d'énergie réalisées.
J'en viens aux actions possibles. Pour notre part, nous pensons nécessaire d'instaurer à un moment quelconque une obligation de diagnostic thermique sur tous les bâtiments afin de connaître véritablement l'état du bâti.
La Ville de Paris a commencé à agir de façon « macro » sur son territoire. Elle a réalisé une thermographie aérienne qui a consisté à photographier les toitures. Mais, comme le bâti parisien est élevé du fait de la densité de population, nous disposons de peu d'éléments relatifs aux étages inférieurs. C'est pourquoi une thermographie de façade a été effectuée sur 500 bâtiments représentatifs des différents bâtis parisiens. Ainsi nous avons aujourd'hui une base de données assez importante sur les économies d'énergie potentielles.
Désormais, un Parisien, en tapant son adresse sur un site Internet, peut obtenir directement la thermographie de son bâtiment, si toutefois celui-ci a été photographié. Et si tel n'est pas le cas, il pourra se référer à un bâtiment de même style, construit à la même période, ce qui lui permettra de se faire une idée des endroits où se situent les principales déperditions énergétiques. Cette pratique, qui n'est cependant qu'un outil de sensibilisation et d'orientation générale, permet d'inciter à réaliser le diagnostic.
En tout cas, si l'on veut réussir à mener un jour une action concrète, il faudra, selon un échéancier donné, obliger les propriétaires qui veulent mettre soit en vente, soit en location leur bien, à réaliser préalablement les travaux de rénovation thermique nécessaires. On pourrait, par exemple, prévoir que, d'ici à 2017, tous les bâtiments de classe G devront être rénovés puis qu'il en sera de même d'ici à 2019 pour tous ceux de classe F. Certes, les modalités du dispositif peuvent faire l'objet de discussions.
Un tel dispositif doit être accompagné de mesures de financement. En effet, si l'on n'apporte aucune aide financière, nombre de propriétaires ne seront pas capables d'entreprendre les travaux. L'étude de différentes copropriétés nous a permis d'établir un constat. Le plus souvent, la pertinence d'agir sur un bâtiment peut être démontrée. Ainsi, il peut être fort probable que les travaux de rénovation thermique d'un bâtiment donné seront amortis sur les cinquante prochaines années par les économies d'énergie réalisées et par la valorisation du patrimoine. Mais, même si, sur la table, l'équation paraît pertinente et si le propriétaire en convient, lorsque celui-ci s'est lourdement endetté pour acquérir son appartement, il rétorquera qu'il ne pourra pas réaliser les travaux. La question est donc de savoir comment externaliser l'endettement.
L'idée de mettre en place des dispositifs de tiers investisseur est donc apparue. Cette pratique développée à l'étranger - avec les Energy saving companies - est rentable, mais peu répandue en France. On peut se demander pour quelles raisons on a toujours pensé dans notre pays que l'énergie n'était pas chère et qu'il n'était donc pas nécessaire de l'économiser !
Quoi qu'il en soit, un grand nombre de collectivités de l'Île-de-France se sont déclarées favorables à un tel dispositif, sous le pilotage du conseil régional. Afin de l'expérimenter, elles sont en train de mettre en place une société d'économie mixte de tiers investissement, dénommée Énergies Posit'if. L'idée consiste à prendre en charge le bâtiment considéré pendant une période donnée, à réaliser les travaux d'économie d'énergie adéquats et à se rémunérer sur ces économies ; une fois les investissements compensés, le reste des économies d'énergie est affecté à la copropriété. Le système doit être neutre pour les propriétaires.
Ce type de simulation se heurte à une difficulté : il faut essayer d'anticiper le prix qu'atteindra l'énergie dans dix, quinze ou vingt ans. Pour l'instant, personne ne le sait autour de cette table.
M. Jean Desessard, rapporteur . - Nous le saurons lorsque sera publié le rapport de la commission d'enquête, monsieur Baupin. (Sourires.)
M. Denis Baupin . - Monsieur le rapporteur, je suis heureux d'avoir obtenu ce matin cette information, que tous les marchés vont acheter extrêmement cher ! Ils sauront ainsi où investir !
À supposer que des sociétés de tiers investissement soient mises en place un peu partout sur le territoire, peut-être faudra-t-il prévoir des mécanismes de péréquation en fonction de l'évolution des prix de l'énergie pour assurer l'équilibre.
Pour inciter à la rénovation thermique et pour l'aider, nous pensons qu'il faudra instaurer un dispositif généralisant le système du bonus-malus et qui pourrait être inventé lors de l'élaboration de la directive sur l'efficacité énergétique. C'est indispensable si nous voulons que nos concitoyens comprennent ce que nous voulons faire. Il faut favoriser, d'un point de vue économique, les comportements vertueux et sanctionner les comportements les plus polluants. À défaut de ces deux leviers, le système est souvent incompréhensible politiquement.
Quant au mécanisme des certificats d'économie d'énergie, qui a le mérite d'inciter à des économies de cette nature, nous le considérons comme positif et pensons qu'il doit être développé. Certes, il est peut-être possible de trouver mieux. Il faut aller plus loin et multiplier par trois les obligations d'économies d'énergie. Il faut obliger les énergéticiens à faire en sorte que la moitié au moins des certificats provienne de leurs clients. Qu'ils puissent acquérir des certificats sur le marché, soit, mais ils doivent aussi être incités à agir. Il est par ailleurs souhaitable que les budgets dégagés soient affectés à la lutte contre la précarité énergétique.
La réglementation thermique 2012 est évidemment une bonne chose - tout ce qui va dans le sens d'une réglementation est positif -, même si elle concerne uniquement des bâtiments neufs. Tout à l'heure, j'ai évoqué le bâtiment existant. Or, comme vous l'imaginez, à Paris, le neuf représente 1 % et l'existant, 99 % ; c'est donc ce dernier qui nous importe le plus. Nous sommes d'accord sur le fait que le calcul en énergie primaire est la bonne façon de calculer pour inciter à la bonne chaîne de production d'énergie. À Paris, nous essayons d'ores et déjà d'être en avance sur la réglementation thermique 2012 puisque, dans le plan climat que nous avons adopté voilà cinq ans, nous fixions déjà comme objectif de consommation énergétique 50 kilowattheures par mètre carré, notamment dans tous les bâtiments que nous construisons.
M. Jean Desessard, rapporteur . - 50 kilowattheures par mètre carré ?
M. Denis Baupin . - Oui, 50 kilowattheures par mètre carré et par an. C'était dans le plan climat. À l'époque, cela faisait hurler : l'objectif paraissait trop ambitieux. Certes, il l'est plus que celui qui est prévu dans la réglementation thermique 2012 puisque, si l'on applique les coefficients géographiques, on devrait être plutôt à 60 kilowattheures ou 65 kilowattheures. Aujourd'hui, pour tous les bâtiments construits par la Ville de Paris, notamment tous les logements sociaux, on vise 50 kilowattheures par mètre carré.
J'ai déjà abordé la question de la précarité énergétique. Tout ce qui peut aider à payer les factures des ménages en situation de précarité énergétique va dans le bon sens. Avec l'Agence parisienne du climat, nous sommes en train de développer des programmes pour aller à la rencontre de ces ménages. L'une des difficultés, c'est que nous les connaissons peu. Nous avons lancé, voilà un an, une opération pour les aider à remplacer leurs ampoules à incandescence par des ampoules basse consommation. Pour la première fois, on a acheté 100 000 ampoules, si ma mémoire est bonne, et, à chaque ménage qui nous apportait une ampoule à incandescence, on donnait trois ampoules basse consommation. On a écrit à tous les bénéficiaires du TPN, le tarif de première nécessité, en leur proposant de se rendre dans leur mairie pendant quinze jours pour réaliser cet échange. Seulement 40 % d'entre eux se sont déplacés.
M. Jean Desessard, rapporteur . - Ce n'est pas mal !
M. Denis Baupin . - Oui, c'est ce que beaucoup nous disent. Malgré tout, cela signifie que 60 % de ceux qui avaient droit à quelque chose de gratuit - il suffisait de se déplacer - n'en ont pas profité.
On est face à un public que l'on connaît mal. Certes, les différents services sociaux de l'État ou de la Ville ont des éléments d'information. Comme une partie de ces ménages n'ose pas se déclarer en situation de précarité énergétique, il n'est pas facile de les identifier. Par le biais de l'Agence parisienne du climat, on essaie d'organiser des rendez-vous particuliers avec ceux que l'on a pu identifier, pour discuter avec eux et leur donner des conseils. On a maintenant développé une mallette de petits outils afin de leur apporter des éléments de réponse : ampoules, économiseurs d'eau, etc. En effet, la question de la consommation de l'eau est souvent conjointe de celle de la consommation énergétique.
M. Ladislas Poniatowski, président . - Vous avez eu accès à la liste des ménages concernés ?
M. Denis Baupin . - Non, nous n'y avons pas eu accès : c'est EDF qui a envoyé le courrier.
M. Ladislas Poniatowski, président . - Ah...
M. Denis Baupin . - Oui, il était notre partenaire. Nous n'avions pas, nous, le fichier. Nous avons travaillé en partenariat.
Cette opération les intéressait parce qu'il y avait des certificats d'économie d'énergie à la clef. Nous avions donc des intérêts conjoints.
Puisque cela intéresse tout le monde, faisons-le ! Cela prouve d'ailleurs bien l'intérêt des certificats d'économie d'énergie : sans eux, peut-être qu'EDF n'aurait pas été intéressé par l'idée de remplacer des ampoules très consommatrices par des ampoules qui le sont moins.
Ce que nous pensons, puisque la question est posée, c'est qu'il faut aller vers une tarification progressive des énergies. Je crois que le Président de la République qui vient d'être élu s'y est engagé ; cela devrait, comme je l'espère, voir le jour à un moment ou à un autre. Vous serez alors appelés, en tant que parlementaires, à voter sur ces questions. Faire en sorte que celui qui consomme peu ait droit à un tarif de base et que ce soient les gaspillages qui soient plus facturés paraît une mesure de bon sens en matière d'efficacité énergétique.
Cependant, et c'est ma conclusion sur cette question, pour notre part, nous préférerions largement prévenir la précarité énergétique par des mesures d'isolation thermique des bâtiments et de moindre consommation qu'apporter des aides sociales pour contribuer au paiement des factures. Il est plus pertinent de fermer le robinet lorsque la baignoire fuit que de passer son temps à éponger sans fermer le robinet...
J'en viens au chauffage électrique. Cela ne vous surprendra pas, nous y sommes très peu favorables. D'un point de vue thermodynamique, c'est une aberration qui conduit aujourd'hui la France à être très largement importatrice d'électricité en hiver, en période de pointe de consommation, alors que, pendant des années, paraît-il, nous devions être indépendants d'un point de vue non pas énergétique - je ne crois pas que quiconque y ait jamais cru -, mais au moins électrique.
Dans les périodes de grand froid, la généralisation du chauffage électrique conduit la France à être responsable de la moitié de la pointe de consommation électrique et à acheter de l'électricité quand elle est à la fois la plus chère et la plus carbonée. D'une certaine façon, heureusement que l'Allemagne compte beaucoup d'éoliennes : cela permet de décarboner l'électricité française en période de pic de consommation. Mais je ne suis pas sûr que ce soit la logique qui a été jusqu'à présent développée à l'échelon national, celle qui consiste à dire qu'on a de l'électricité décarbonée, et cela grâce aux éoliennes de nos voisins !
Bien sûr, c'est une petite pique un peu ironique, mais la situation est assez aberrante, d'autant que le chauffage électrique contribue beaucoup à la précarité énergétique.
Que faire face à un bâti dans lequel sont largement installés des chauffages électriques ? À cette question très pertinente posée par le rapporteur, je dois avouer que je ne suis pas en mesure de répondre complètement.
Évidemment, dans les constructions neuves, il faut arrêter d'installer des chauffages électriques et, chaque fois que l'opportunité de rénover un bâtiment se présente, il faut les remplacer. Certes, passer d'un système de chauffage à un autre peut impliquer des travaux relativement lourds, ce n'est pas simple, mais la rénovation thermique d'un bâtiment doit à chaque fois être l'occasion de procéder à ce changement.
On peut malgré tout d'ores et déjà agir pour installer des systèmes de chauffage électrique plus performants que ceux qui existent dans de nombreux bâtiments, par exemple en installant des thermostats. En d'autres termes, il est possible de faire beaucoup mieux que les grille-pain qui ont été posés dans beaucoup de logements et à cause desquels nous sommes aujourd'hui confrontés à ce problème de précarité énergétique !
J'en viens à la question de la production. On a beau être sur un territoire exigu avec une énorme consommation par habitant, nous voulons affirmer la potentialité de production d'énergie locale. Nous avons réalisé des simulations. Certes, elles valent ce qu'elles valent, car elles ont été menées sur ce qu'on pouvait imaginer de ce qu'on sait aujourd'hui des potentialités du territoire parisien.
Ces études nous permettent de penser que, même sur un territoire comme le nôtre, à l'horizon 2020, si l'on développait l'ensemble des potentialités d'énergies renouvelables que l'on a identifiées, 5 % de la consommation énergétique - je dis bien énergétique et non électrique, parce qu'une bonne partie de tout cela est dans le chauffage, au travers du réseau de chauffage urbain - pourraient venir d'énergies renouvelables produites intra-muros, et ce dans le cadre où l'on aurait réduit globalement la consommation énergétique du territoire de 25 %.
Bien sûr, 5 % de la consommation d'énergie en renouvelable, ce n'est pas 25 % de renouvelable, soit l'objectif que nous nous sommes fixé à l'horizon de 2020. Cela signifie que, si 5 % de la consommation énergétique provenaient de la production d'énergie renouvelable locale, il faudrait aller chercher ailleurs les 20 % restants. Dans le plan climat, on n'a pas affirmé l'autarcie énergétique de Paris ! Je ne sais pas si nous pourrons l'atteindre un jour, mais ce n'est pas dans un horizon proche.
La photo que vous voyez n'est pas très parlante si vous ne connaissez pas le petit livre produit par l'Agence parisienne du climat, que j'aurais d'ailleurs dû vous apporter. Voilà un an, nous avons fait réaliser une étude « + 2° C... Paris s'invente » par une équipe d'architectes et d'artistes qui avaient déjà accompli ce travail pour des villes comme Rennes. Nous leur avons demandé de « positiver » l'adaptation de la ville à un réchauffement de deux degrés et d'envisager ce que l'on pouvait faire sur le territoire. Ils ont pris vingt images pour les vingt arrondissements de Paris et ont imaginé tout ce qui était possible en matière d'adaptation de réseaux de transport, qu'il s'agisse du tramway, notamment pour le transport de marchandises, de montgolfières, de téléphérique, ou en matière de récupération d'eau sur les immeubles.
Ce que vous voyez sur cette photo, c'est la couverture des voies du réseau gare de Lyon. Il s'agit de couvrir ce réseau, de faire de l'agriculture urbaine dans Paris et de s'autoriser à installer de grandes éoliennes. Cette image n'a pas de valeur contractuelle, comme disent les agences immobilières. Si je vous présente cette photo, c'est pour souligner que les 5 % que j'ai évoqués précédemment, c'est à technologies et à réglementation existantes. Si l'on s'autorise demain à installer de grandes éoliennes sur le Champ-de-Mars ou dans des zones similaires, par exemple parce que l'on a besoin de plus de production énergétique locale, on pourra produire plus ! Il ne faut pas s'interdire de penser ces choses-là.
Mais parlons de l'actualité, et pas seulement de l'avenir rêvé. Aujourd'hui, en matière de production énergétique, nous essayons vraiment de travailler sur tout ce qui est opportunité locale en matière d'énergies renouvelables. Cela signifie qu'il faut regarder tout ce que nous offre notre territoire, avec ses spécificités.
Je pense tout d'abord à la géothermie. Elle constitue un potentiel extrêmement important sur le territoire de l'Île-de-France. Le puits de géothermie que l'on a creusé à Paris-Nord-Est nous permet de chauffer 50 000 logements. C'est l'équivalent d'une petite ville, grâce à un puits de 1 500 mètres de profondeur.
M. Jean Desessard, rapporteur . - Où se trouve-t-il ?
M. Denis Baupin . - Dans le XIX e arrondissement.
Nous étudions la possibilité d'en créer un autre aux Batignolles, dans le quartier de Paris-Nord-Ouest.
Je dois l'avouer, nous sommes confrontés au problème suivant : nous allons produire ainsi plus d'énergie que nous ne savons en consommer. En effet, dans la mesure où la moitié de la production servira au système de chauffage, à part le quartier concerné qui est à urbaniser, il faudra utiliser l'autre moitié sur les territoires adjacents. Or, dans ces zones, les systèmes de chauffage mis en place ne semblent pas compatibles avec les boucles d'eau chaude issues de cette géothermie. Nous n'avons donc pas encore trouvé les réponses pour utiliser ce surplus d'énergie. Cela handicape le projet parce que son équilibre économique devient extrêmement déficitaire si l'on ne sait pas vendre cette énergie.
La situation est très paradoxale. On a des sources d'énergie, comme si on avait une source de pétrole sous le territoire, qui plus est d'énergie renouvelable, mais on ne sait pas les utiliser de façon simple. Cela suppose un travail : je ne dis pas que c'est impossible à moyen terme, mais, à court terme, il n'est pas simple de trouver des systèmes qui, d'un point de vue économique, sont pertinents pour utiliser ces potentiels d'énergie.
M. Jean Desessard, rapporteur . - On ne peut pas le relier au réseau CPCU ?
M. Denis Baupin . - C'est compliqué par rapport aux bâtiments qui sont juste à côté et, si les réseaux sont trop longs, la déperdition de chaleur se révèle importante. Pour être honnête, je ne suis pas un expert en la matière, mais le travail déjà réalisé montre que c'est complexe.
Il existe d'autres potentialités de ressources auxquelles on ne pense pas forcément, notamment tout ce qui est récupération de chaleur. On a énormément de déperdition de chaleur dans une ville comme Paris. Ainsi, certains bâtiments comme les gares qui sont chauffés se trouvent à côté d'autres qui sont refroidis. À Stockholm, ils ont établi une liaison entre la gare et le centre commercial qui permet d'utiliser la chaleur de l'un et le froid de l'autre pour réguler thermiquement. Envisager le même dispositif sur un territoire comme Paris, en termes d'économie de chaleur, est très important.
On peut utiliser les eaux usées des égouts, les eaux grises des bâtiments pour chauffer ces mêmes bâtiments, etc. Tout cela est progressivement pensé d'un point de vue géo-ingénierie et permet des avancées importantes.
Certains bâtiments ont été testés en banlieue parisienne où quasiment la moitié du chauffage du bâtiment est aujourd'hui produite par les eaux des douches. En effet, quand on prend une douche, on utilise de l'eau chaude qui est ensuite perdue. Si l'on est capable d'isoler cette eau, que l'on appelle les eaux grises, d'en garder la chaleur et de la réutiliser pour le bâtiment, on réalise des économies d'énergie potentielles importantes.
La Seine et les canaux offrent également des potentialités. Les voies d'eau qui traversent la ville sont des régulateurs thermiques permanents : on réfléchit aujourd'hui à la manière d'utiliser le froid ou le chaud, selon les périodes, que produisent ces voies d'eau.
De nombreuses autres pistes existent, mais je ne veux pas être trop long.
Comme tous les territoires, nous avons rencontré d'énormes difficultés sur le développement du solaire, en raison de tous les changements de réglementation qui sont intervenus. Je veux dire à quel point c'est pénalisant : sur la zone de Paris-Nord-Ouest, nous avons constitué une société d'économie mixte, Solarvip, de manière à lier la construction d'immeubles à l'installation de panneaux solaires. Lorsque le moratoire a été décidé sur toute la politique mise en place jusqu'alors, ce sont non seulement les projets solaires qui ont été handicapés, mais aussi les projets immobiliers ! Alors qu'on faisait preuve d'intelligence et d'anticipation, on s'est retrouvé pénalisé par les changements répétitifs de réglementation !
On a évidemment besoin d'un cadre stable et, à Paris, territoire dont le patrimoine esthétique est très important - c'est une spécificité -, on a aussi besoin de trouver des dispositifs qui nous permettent de concilier les contraintes patrimoniales et le développement des énergies renouvelables.
On travaille sur notre territoire au développement de la même SEM Énergies posit'if dont j'ai parlé tout à l'heure, qui sera axée à la fois sur l'efficacité énergétique et sur le développement des énergies renouvelables. Nous pensons également que nous devons travailler au développement et à la structuration de filières locales en matière énergétique.
Je tiens maintenant à évoquer un sujet très important, la distribution de l'électricité.
Sur cette question, Paris a conclu un traité de concession depuis 1955 avec EDF à l'époque, devenu ERDF, principalement pour la distribution, qui inclut aussi les tarifs de première nécessité. Il arrivait à terme à la fin de 2009. S'est donc posée la question pour Paris de savoir ce que nous faisions à l'égard de notre concessionnaire, puisque c'est ainsi qu'il faut l'appeler, même si je me dis que c'est un concessionnaire très bizarre.
Je préside la Commission supérieure de contrôle de la concession de distribution d'électricité depuis onze ans, c'est-à-dire depuis qu'est intervenue la séparation entre ERDF et EDF. Quasiment pendant onze ans, la commission a rendu des rapports soulignant qu'elle n'était pas satisfaite des informations que lui donnaient ses interlocuteurs. Nous étions toutefois loin d'imaginer, lorsque nous avons découvert la réalité, à quel point nous avions été grugés ; je me permets d'utiliser ce terme, même si ce n'est pas le vocabulaire de mise au sein de cette enceinte ; dans la presse, j'ai parlé de « hold-up ». À la suite de cela, la chambre régionale des comptes a remis un rapport, confirmant que ce qui s'était passé n'était pas normal et devait cesser.
De quoi s'agit-il ? En 2000, la concession parisienne de distribution avait engrangé 1 milliard d'euros de provisions pour le renouvellement et l'entretien du réseau. Entre 2000 et 2010, ces provisions sont passées de 1 milliard d'euros à 350 millions d'euros : 650 millions d'euros ont disparu ! Et pas qu'ils ont été investis dans le réseau ! Pas du tout puisque, pendant ce temps-là, les investissements ne faisaient que chuter. Ils ont été rapatriés dans la maison-mère, EDF, au bénéfice d'autres politiques que je ne me permettrais pas de juger ici.
On peut le dire, ces 650 millions d'euros ont été volés aux usagers parisiens, sans que la collectivité ait été à aucun moment associée, informée de ce qui était en train de se passer. Et si nous n'y avions pas mis le holà, les 350 millions d'euros restants auraient été prélevés de la même façon.
Au même moment, comme nous arrivions en fin de concession, nous réalisions différents audits dans notre réseau : un audit juridique, un audit financier et, évidemment, un audit technique. Or ce dernier audit a montré un besoin d'investissements d'un montant compris entre 700 millions d'euros et 1 milliard d'euros pour maintenir le réseau en bon état. Cela veut dire que les provisions avaient été bien calculées et que le milliard d'euros qui avait été prévu en 2000 pour entretenir le réseau correspondait bien aux besoins. Or ce milliard n'a pas été investi sur le territoire parisien.
Il n'est pas étonnant qu'aujourd'hui on ait de plus en plus de pannes sur le réseau parisien. ERDF répondra que Paris est privilégié, compte beaucoup moins de temps de panne que d'autres secteurs. Certes, mais on n'est pas forcément obligé de vouloir toujours tirer vers le bas. Le problème est le suivant : les Parisiens ont payé pour cet entretien du réseau, l'argent est allé ailleurs et le réseau n'a pas été entretenu. De plus en plus, les élus du Conseil de Paris s'insurgent contre les pannes à répétition que nous rencontrons sur notre réseau, faute d'entretien et faute d'investissements.
Cela ne signifie pas que nous sommes contre la péréquation. Mais avant d'évoquer ce sujet, je dois ajouter un élément. Lorsqu'est arrivée la fin du contrat de concession s'est posée la question pour la Ville de Paris de savoir si elle appliquait le droit européen ou le droit français. En effet, aujourd'hui, le droit européen et le droit français sont contradictoires : le premier impose la mise en concurrence ; le second prévoit qu'il faut attribuer le contrat à ERDF. Cela ne me paraît pas totalement conforme. Selon certains juristes, on aurait pu mettre le droit français en conformité avec le droit européen en mettant le prestataire obligatoire en concurrence avec d'autres, au moins à l'échelon national, mais cela n'a pas été le cas.
La Ville de Paris a contourné l'obstacle en décidant de proroger la concession qui était en cours de quinze ans, ce qui évitait de devoir choisir entre les deux dispositifs. Néanmoins, cette question se posera à toutes les collectivités qui vont arriver en fin de concession : leur faudra-t-il appliquer le droit européen ou le droit français ? Ma position personnelle était que c'était une bonne occasion de poser le débat et on aurait pu opter pour une mise en concurrence. Je n'ai pas été suivi sur ce point. Comme je représente aujourd'hui la Ville de Paris, je donne la parole officielle de celle-ci.
M. Ladislas Poniatowski, président . - La directive sur la concession est en ce moment en cours d'élaboration. Rien n'est tranché et cette question ne concerne pas seulement l'électricité : elle vise toutes les concessions. Le dossier est en cours. C'est un enjeu essentiel du débat.
M. Denis Baupin . - Certains citoyens parisiens ont attaqué la Ville de Paris sur cette prolongation de la concession, estimant que nous n'étions pas en conformité avec le droit européen. Nous verrons bien comment la chose sera jugée.
M. Ladislas Poniatowski, président . - Ce n'est pas propre à Paris.
M. Denis Baupin . - Bien sûr ! Mais comme nous étions les premiers à être confrontés à ce problème du renouvellement, la question s'est d'abord posée à nous. Et s'il y a bien une ville qui peut engager un rapport de force avec un concessionnaire, c'est bien Paris ! Les autres villes attendaient donc avec intérêt comment évoluait la situation. Pour l'instant, les choses sont en l'état.
Pourquoi mets-je des guillemets au terme concessionnaire ? En tant qu'élu parisien qui attribue des concessions et des délégations de service public dans de nombreux domaines, depuis de nombreuses années, je peux dire que c'est véritablement le seul concessionnaire qui, non seulement ne verse pas l'argent prévu, mais en prélève sans en justifier ni le montant ni l'usage. Voilà la situation !
Moi qui préside la commission supérieure de contrôle et qui ai en face de moi des interlocuteurs d'ERDF, je le leur rappelle systématiquement : ils se contentent de répondre que c'est le droit. Voilà une façon bien singulière, pour une entreprise qui pourrait demain se retrouver en concurrence, de se préparer à dialoguer avec les collectivités territoriales !
Nous ne sommes pas contre la péréquation : celle-ci paraît pertinente, car les territoires ne sont pas les mêmes. Mais, au minimum, il faut en discuter, fixer des critères, afin de savoir pour quelle raison on a prélevé à Paris telle somme et telle autre à une autre collectivité. D'autant que nous savons que c'est à peu près l'équivalent de la somme prélevée à Paris qui, chaque année, remontait dans les comptes d'EDF, la maison-mère d'ERDF, alors que les deux entités étaient censées être séparées... On se demande si l'on sert véritablement à la péréquation ou à autre chose.
Puisque je suis devant une commission nationale, je me permets de demander si la péréquation n'est pas liée à la façon dont on a décidé d'organiser le réseau de distribution. À partir du moment où le réseau est centralisé sur très peu de lieux de production, on a forcément énormément de pylônes un peu partout sur le territoire qui s'écroulent à chaque tempête. Cela provoque une vulnérabilité et des coûts peut-être plus élevés que si l'on avait choisi d'autres moyens pour assurer la production et la distribution. Même si ce n'est pas une compétence, nous nous reconnaissons une compétence locale, et nous nous retrouvons à devoir financer une politique qui a été décidée à un autre niveau, celui d'une péréquation qui n'est pas forcément la plus pertinente.
J'en viens à l'avenir des réseaux. Outre le fait que nous aimerions bien avoir un peu plus de compétences en la matière, nous souhaitons des réseaux plus intelligents, les smart grids - c'est un terme que tout le monde utilise. Pour un territoire comme Paris, c'est la capacité d'absorber des énergies renouvelables, mais ce n'est pas là un sujet très compliqué, car nous disposons d'un réseau très dense ; nous ne sommes pas au fin fond de la Corrèze !
M. Jean Desessard, rapporteur . - Ne parlez pas de la Corrèze ! ( Sourires .)
M. Ronan Dantec . - C'est le centre de la France !
M. Denis Baupin . - Vous avez raison ! Disons la Lozère ! ( Nouveaux sourires .)
Mais la question qui se pose est celle des compteurs. Nous l'avons dit à nos interlocuteurs d'ERDF et on a fait voter un voeu au Conseil de Paris. Nous ne sommes pas satisfaits de Linky, car ce n'est pas l'outil dont on a besoin aujourd'hui. Certes, il est un peu mieux que les compteurs existants, mais, franchement, il ne permet pas aux consommateurs d'avoir une politique d'efficacité énergétique. Or l'objectif que l'on doit se fixer, c'est une politique d'efficacité énergétique, la réduction de la consommation.
Linky est non pas un compteur intelligent, mais un compteur communiquant, et c'est d'ailleurs le terme qu'ils utilisent : il communique uniquement dans un sens, c'est-à-dire entre le compteur et le producteur d'électricité. Il ne permettra pas au consommateur de maîtriser sa consommation énergétique. Nous demandons donc une nouvelle génération de compteurs. Sur ce sujet, nous sommes en accord avec l'ADEME, les associations de consommateurs ou la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies, la FNCCR : ce n'est pas le bon compteur.
En conclusion, nous estimons que la transition énergétique qui est aujourd'hui nécessaire passe, en tout cas en partie, par les villes et les collectivités territoriales ; les villes ont un rôle à jouer. Nous demandons à être des acteurs. Et comme ces territoires disposent de moyens financiers, je trouve que ce serait dommage que l'État n'utilise pas ces volontés.
J'observe ce qui se passe dans les autres pays européens. C'est dans les pays les plus fédéraux que se dessinent les politiques d'efficacité énergétique les plus pertinentes. Il n'est pas question d'attendre que la France devienne un État fédéral pour agir. En tout état de cause, on peut déléguer les compétences. Nous sommes favorables à des délégations de compétences supplémentaires, voire à une expérimentation. Si l'on n'a pas envie de vouloir déléguer ou que l'on n'est pas sûr de ce que l'on souhaite déléguer, on peut procéder à une expérimentation et confier des compétences nouvelles pendant cinq ans ou dix ans à une collectivité en fonction d'un certain nombre de critères. Ensuite on évalue et, si c'est pertinent, on étend à l'ensemble des territoires ou à tous ceux qui sont candidats.
Je vous prie de me pardonner d'avoir été un peu long. Je ne pensais pas être si volubile.
M. Ladislas Poniatowski, président . - Je vous remercie de cet exposé long, mais complet. Ce faisant, vous avez répondu à un certain nombre de questions que se posaient les uns et les autres.
M. Jean Desessard, rapporteur . - Oui, c'était un très bon exposé !
M. Ladislas Poniatowski, président . - Monsieur le rapporteur, avec votre accord, je propose que nous laissions la parole à nos collègues.
La parole est à M. Jean-Pierre Vial.
M. Jean-Pierre Vial . - Je poserai une question « macro » et une question « micro ».
Vous avez présenté les enjeux - 25 % d'économie d'énergie - et vous nous avez dit que vous arriviez au terme de la première étape des cinq ans. Avez-vous aujourd'hui une manière d'évaluer la politique que vous avez mise en place, de façon à avoir une vision quantitative et non plus seulement qualitative ?
Sur le plan « micro », disposez-vous d'évaluations des bâtiments ou des projets pour savoir comment se mettent en place vos politiques ? En gros, quand vous décidez de réaliser des économies d'énergie sur un bâtiment ou un groupe de bâtiments, mesurez-vous la mise en oeuvre des politiques que vous accompagnez ?
M. Denis Baupin . - Nous sommes parvenus au bout des cinq ans. Mais nous avons fixé le top départ de l'évaluation de la consommation d'énergie et des émissions de gaz à effet de serre des territoires en 2004. Or le plan climat a été adopté en 2007. Par conséquent, lorsque l'on a réalisé cette photographie en 2009, le plan climat n'avait que deux ans. On constate cependant une diminution de 2 % de nos émissions de gaz à effet de serre sur l'ensemble du territoire, qui est notamment due à la politique de modalités et à un ensemble de politiques engagées avant même le plan climat. En effet, depuis 2001, nous menions une politique d'efficacité énergétique et de réduction de nos émissions.
Sur la politique des mobilités que j'ai conduite, l'évaluation réalisée par Airparif montre que la réduction de 25 % de la circulation automobile obtenue à Paris en sept ans a permis de réduire de 9 % les émissions de gaz à effet de serre dues aux déplacements. Il faut aussi tenir compte de la transformation des véhicules, etc. La tendance est bonne et la situation va plutôt dans le bon sens, mais c'est insuffisant.
Nous sommes en train d'affiner tous ces chiffres, mais, soyons honnêtes, dans certains secteurs, par exemple le transport de marchandises - certes, ce n'est pas l'électricité, mais ce sont des émissions de gaz à effet de serre sur le territoire -, on ne sait pas du tout si on s'est amélioré. En effet, les statistiques sur lesquelles on s'est appuyé en 2004 pour réaliser cette photographie n'existaient plus en 2009 : l'INSEE ne produit plus un certain nombre de statistiques dont on aurait besoin pour réaliser nos évaluations. Il est des domaines dans lesquels nous sommes dans le noir absolu.
L'évaluation des bâtiments que l'on met en rénovation thermique reste à faire. Nous avons contractualisé avec Cerqual une évaluation a posteriori des travaux que l'on finance, notamment dans les logements sociaux. Pour le dire honnêtement, aujourd'hui, nous n'avons pas assez de recul pour savoir si tout se met en place correctement. Lorsque l'on construit du neuf et que nous avons des objectifs en matière d'efficacité énergétique, nous savons qu'il faut largement accompagner, expliquer les comportements à tenir afin d'éviter les effets rebonds qui font que, comme l'électricité coûte moins cher, on en consomme plus, etc. Là-dessus, nous n'avons pas d'évaluation globale. Cela fait partie de ce que nous souhaitons mettre en place dans une nouvelle version du plan climat.
M. Ladislas Poniatowski, président . - Pensez-vous atteindre votre troisième objectif de 30 % d'énergies renouvelables ? Je pense que, en matière d'économie d'énergie, une ville comme Paris peut être très ambitieuse et atteindre l'objectif de 30 % qu'elle s'est fixé, mais, en matière d'énergies renouvelable, est-ce jouable ? Y croyez-vous ?
M. Denis Baupin . - En production locale, non. J'ai dit que l'on pouvait produire 5 % d'énergies renouvelables localement ; pour atteindre le reste, on peut acheter de l'électricité verte. Tout dépend du mix énergétique...
M. Ladislas Poniatowski, président . - Ah !
M. Denis Baupin . - C'est bien la question ! Notamment sur l'électricité, car même si nous produisons sur notre territoire une part de notre électricité avec des énergies renouvelables, cette part ne sera jamais majoritaire.
M. Ladislas Poniatowski, président . - Il faudra acheter des énergies renouvelables ailleurs.
M. Denis Baupin . - Une bonne partie de notre chauffage urbain est produite à partir des déchets. Nous sommes quasiment à 50 % de mix énergétique dans la CPCU aujourd'hui, mais pas encore. C'est pourquoi nous développons actuellement des projets sur la géothermie que j'ai évoqués, l'usine de biomasse, etc. Mais comme le chauffage par la CPCU représente entre 25 % et 30 % des immeubles, cela suppose de développer aussi notre réseau de chauffage urbain.
M. Jean Desessard, rapporteur . - C'est l'usine d'incinération d'Ivry ?
M. Denis Baupin . - Il y en a un certain nombre d'autres.
M. Ronan Dantec . - Sans doute pourrez-vous nous fournir ce document parce que vous ne connaissez peut-être pas les chiffres par coeur. Je souhaite avoir une vision un peu globale de l'ensemble des flux financiers avec le concessionnaire, ERDF, y compris avec les taxes locales - amortissements, provision -, afin de comprendre comment tout cela s'articule. Vous pourriez nous fournir les chiffres pour nous permettre d'avoir une idée sur cette question.
Il est vrai que nous nous sommes assez peu intéressés, pour l'instant, à la part des taxes locales dans le prix de l'électricité. Or il est intéressant de le savoir, comprendre comment cela s'articule dans une grande ville comme Paris, par exemple. C'est un enjeu important en matière de taxes locales.
M. Denis Baupin . - Un rapport annuel est élaboré sur la concession et nous pouvons vous le transmettre. De la même façon, sur le plan climat, nous produisons chaque année un « bleu climat » qui permet d'avoir une évaluation de l'ensemble des actions. Nous pouvons évidemment vous transmettre ces documents - ils se trouvent également sur le site de la Ville de Paris - qui permettent d'avoir une évaluation.
M. Ronan Dantec . - Vous gardez un peu de recettes sur la taxe locale dans le budget général ?
M. Denis Baupin . - J'avoue mon incompétence. Je me suis plus intéressé aux questions d'énergie et d'efficacité énergétique qu'aux taxes. Mon collègue adjoint aux finances est très attentif à ces questions.
M. Ladislas Poniatowski , président. - Il y a automatiquement une part de la taxe d'électricité qui va directement à la Ville.
M. Ronan Dantec . - Oui, cela fait partie du prix de l'électricité.
M. Jean Desessard, rapporteur . - Je remercie M. Baupin de la précision des chiffres qu'il nous a fournis. Il nous apporte un éclairage différent par rapport aux autres auditions que nous avons menées. Cela permet de savoir comment fonctionne une ville, quelle est sa politique énergétique, notamment en matière de réduction de consommation.
Nous pourrons certainement bénéficier de vos travaux dès que vous les transmettrez à la commission d'enquête. Sans organiser une nouvelle audition sur les points financiers posés par M. Ronan Dantec, peut-être pourrait-on avoir un document de quelques pages qui explique le différend qui vous a opposé à ERDF.
M. Ladislas Poniatowski , président. - Paris a servi de cobaye. Les provisions par ERDF ont été faites dans tous les départements français. Elles ont été validées de manière surprenante. Cela remontait à EDF, la maison-mère. On a tous suivi l'affaire.
M. Jean-Pierre Vial . - Sur la géothermie, je ne connaissais pas les capacités du XIX e arrondissement et de Paris. Je connaissais celles de l'Île-de-France, mais j'ignorais celles-là.
M. Denis Baupin . - La région de l'Île-de-France est la première au monde en matière de production de géothermie. Nous avons sous nos pieds une importante ressource dans ce domaine.
M. Jean-Pierre Vial . - Pouvons-nous avoir des documents pour avoir des précisions ? Je connais beaucoup de partisans de la géothermie.
M. Denis Baupin . - On peut faire à peu près quatre puits de cet ordre-là sur le territoire parisien. Cela signifie tout de même 4 fois 50 000 logements, soit 200 000 logements. En matière de contribution au chauffage, c'est extrêmement significatif pour le territoire.
Le puits de Paris-Nord-Est se trouve à la frontière avec Aubervilliers. Sur les 50 000 logements concernés, 12 000 concernent Paris et 38 000, Aubervilliers. Il s'agit donc d'une ressource partagée, métropolitaine. Dans le Val-de-Marne, de nombreux puits de géothermie existent.
M. Jean-Pierre Vial . - L'ancien président du CLER, le Comité de liaison énergies renouvelables, avait beaucoup travaillé sur la géothermie de Paris.
M. Ladislas Poniatowski, président . - Monsieur Baupin, je vous remercie.