II. QUELLES TENDANCES POUR DEMAIN ?
L'avenir est certes imprévisible. A fortiori pour les maladies infectieuses dont le développement dépend en grande partie de comportements humains qui sont, eux-mêmes, souvent à la racine de nombre d'émergences. Cet aspect non linéaire de la dynamique des émergences rend en effet toute prévision impraticable .
En revanche, rien ne nous interdit - bien au contraire - de réfléchir dès à présent aux facteurs, et à la combinaison des facteurs, qui forment l'environnement de ces pathogènes, qui expliquent leur apparition ou leur développement et qui peuvent ou non structurer une réponse sociétale.
Dans leurs grandes lignes, ces facteurs sont bien connus et ils peuvent être répartis en deux grandes catégories :
- les facteurs qui influent sur la transmission des pathogènes (modes de transports, grands rassemblements humains, modes d'élevage ou proximité avec le monde animal, etc...) ;
- les facteurs qui influent sur la virulence des pathogènes (comme le fonctionnement des systèmes de santé, la préparation de la population aux pandémies, les capacités d'accès aux soins en urgence, etc....).
Source : OMS Sylvie Briand
Dans une classification des déterminants principaux à l'origine de l'émergence dans les populations humaines de 177 agents étiologiques responsables de maladies infectieuses émergentes, Woolhouse et Gowtage-Sequeria ont présenté en 2005 quelques exemples de pathologies associées à ces facteurs principaux.
Les dix principaux facteurs d'après leur importance, sont, dans l'ordre les suivants :
1. Changements d'usage des sols, pratiques agricoles et agronomiques et procédés liés (exemples : infection à virus Nipah en Asie du Sud-Est, ESB) ;
2. Changements démographiques, sociétaux et comportementaux (exemples : coqueluche humaine, VIH, syphilis) ;
3. Précarité des conditions sanitaires (exemples : Choléra, tuberculose) ;
4. Conditions liées à l'hôpital ou à des erreurs de soins et de pratiques médicales (exemple : maladies nosocomiales, staphylococcus aureus, pseudomonos assuginosa) ;
5. Evolution des agents pathogènes (résistance aux antibiotiques, augmentation de virulence (ERG, Chikungunya, A :HN, H5N1) ;
6. Contamination par les aliments ou l'eau (E coli, ESB, Salmonela) ;
7. Voyages et échanges humains intercontinentaux (Dengue, grippe saisonnière, H5N1) ;
8. Défauts, désorganisation des systèmes de santé et de surveillance (Maladie du sommeil en Afrique centrale, maladies à tique et tuberculose en ex-URSS) ;
9. Transports économiques de biens commerciaux et d'animaux (Virus Monkeypox, H5N1, Salmonela) ;
10. Changement climatique (Paludisme en Afrique de l'Est, dengue en Asie du Sud-Est, letshmaniose viscérale dans l'Europe du Sud).
Ce classement est confirmé par une autre étude de 2008 qui place en tête des facteurs déterminants des évolutions entre 1940 et 2004 les changements dans l'usage des terres, les changements dans l'agriculture et l'industrie agricole, le commerce et les voyages internationaux, la sensibilité de l'homme à l'infection et le changement dans « les industries médicales » .
A. EVOLUTION FUTURE DES PRINCIPAUX FACTEURS OU VARIABLES
1. La démographie et la concentration urbaine
Les évolutions récentes de la démographie humaine constituent nécessairement un élément déterminant dans le développement de nouvelles maladies infectieuses. Non seulement, la population mondiale est en augmentation constante -passant de 6,5 milliards d'habitants en 2012 à 9 milliards en 2025-, mais en outre elle se rassemble dans de vastes mégalopoles . Désormais, plus de la moitié de la population du Globe vit dans des villes.
EVOLUTION DE LA POPULATION MONDIALE RURALE ET URBAINE 1950-2030
La plupart de ces nappes urbaines - qui sont autant de viviers pour de potentielles explosions virales - sont situées dans des pays du Sud, comme le montrent les cartes suivantes de la répartition d'ici à 2030 des populations rurales et urbaines et des 44 futures mégacités de l'an 2020 qui seront toutes à proximité de zones marquées par une forte biodiversité ou occupées par la faune sauvage.
RÉPARTITION DES POPULATIONS RURALES ET URBAINES 1950-2000-2030
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Ces zones sont précisément celles où les virus émergents possèdent des capacités importantes de recombinaisons et de réassortiments génétiques favorisant les mutations ouvrant la voie à des infections humaines. Souvent dépourvues en outre de conditions sanitaires minimales, ces villes sont ainsi propices à l'amplification des épidémies.
POPULATIONS N'AYANT PAS ACCÈS
À DES
SERVICES SANITAIRES CONVENABLES
Source : Philippe Rekacewicz Le Monde Diplomatique 2008
Les conséquences de cette concentration urbaine de la population mondiale sont une circulation plus rapide et plus intense des éléments pathogènes, une phase primaire de développement des infections plus précoce, de nouvelles immunités de certaines maladies. Les évolutions urbaines qui tendent à supprimer les limites entre le monde urbain et le monde rural conduisent à la création de nouveaux niveaux modes de transmission des pathogènes qu'amplifient en outre les inégalités sociales à l'intérieur des villes ou entre les villes et les campagnes.
DÉVELOPPEMENT DES TAUDIS DANS LES PAYS DU SUD ET DU NORD
(NAIROBI ET PARIS)
Source : Gérard Salem (IRD)
Il faut souligner que près d'un milliard d'êtres humains sur les 3 milliards actuels de citadins - soit environ 15 % de la population mondiale totale -, vivent dans des bidonvilles. Si les campagnes comptent beaucoup de paysans pauvres, c'est néanmoins dans les villes que les populations les plus défavorisées vivent dans les conditions les plus pénibles. En Amérique du Sud, 26 % de la population vit dans des bidonvilles, en Afrique du Nord, 25 %, en Asie du Sud, 14 %, au Moyen-Orient, 13 %. 90 % des bidonvilles se trouvent au Sud, la Chine et l'Inde concentrant toutes deux 40 % des taudis du monde. Dans toute l'Afrique, ce sont trois urbains sur quatre qui vivent dans des conditions d'hygiène déplorables.
Des pathologies nouvelles (comme la dengue, la malaria ou le Chykungunia) ou anciennes (comme la dysenterie, la tuberculose) apparaissent dans les quartiers défavorisés ou les bidonvilles aussi bien des villes du Sud que du Nord, n'épargnant plus les catégories mieux loties 8 ( * ) , un peu à l'image de ce que fut le choléra pour les villes occidentales au XIXème siècle (Londres ou Paris). Cette évolution démographique tendancielle globale et favorable à la concentration urbaine des populations défavorisées ne pourra que se poursuivre, car il s'agit d'une tendance lourde que ne pourraient inverser que des mesures volontaristes portant sur l'éducation, l'hygiène, l'assainissement ou la solidarité.
2. Les pratiques agricoles et la modification de l'usage des sols
La déforestation est devenue massive en Amazonie, en Indonésie, à Madagascar ou en Afrique tropicale. Cette tendance qui ne peut que s'accentuer au fur et à mesure des besoins en carburants d'origine agricole parallèlement à la diminution de l'extraction des huiles minérales, favorise le contact entre l'homme et les arbovirus autrefois abrités dans les grandes forêts humides équatoriales. Les routes ouvertes pour l'exploitation des bois exotiques rapprochent l'homme des grands singes, vecteurs en particulier des virus du Sida ou de la fièvre Ebola. La consommation de viande de brousse par les ouvriers de ces nouvelles exploitations forestières augmente encore la menace de contamination humaine.
L'installation d'élevages intensifs d'animaux divers comme les poulets, les cochons, les ruminants ou les poissons est à l'origine de nombreuses épidémies qui se sont développées ces dernières décennies : fièvre hémorragique du Venezuela, grippe H5N1 en Chine, virus Nipah en Malaisie, grippe H1N1 au Mexique.
Les déplacements d'hommes et d'animaux entre espaces urbains, agricoles et naturels (forêts adjacentes aux habitations notamment) favorisent également le développement de maladies infectieuses. En France, c'est la reforestation et la pullulation des rongeurs et cervidés qui semblent être à l'origine de l'émergence de la maladie de Lyme, transmise à l'homme par les tiques.
SCHÉMA CAUSAL DE L'ÉCOLOGIE DES MALADIES INFECTIEUSES ÉMERGENTES
Source : Haut Conseil de la Santé Publique 2010
Cette variable agricole et environnementale semble maintenant devenue déterminante pour les prochaines décennies . Elle apparaît en tête des classements dans les causes d'apparition des nouvelles maladies infectieuses. Elle implique de ce fait la prise en compte du rapprochement entre médecine humaine et médecine animale : des évolutions positives pourront avoir lieu si ce rapprochement est effectif, si des recherches biomédicales sont menées de manière pluridisciplinaire entre médecins et vétérinaires, si l'ensemble des activités liées à la chaîne alimentaire agissent dans le sens de la protection sanitaire des populations.
3. La mondialisation des échanges de biens et de marchandises
Les dernières décennies ont été marquées par une modification en profondeur des méthodes de transport des biens et des marchandises - et par là des volumes transportés à travers la planète - par le système du containeur qui a été inventé en 1956 par un chauffeur routier américain. A titre d'exemple, c'est maintenant presque un containeur par seconde qui franchit un port américain toutes les secondes, 72 000 par jour et plus de 26 millions par an. Mille porte-conteneurs passent chaque jour par le détroit de Gibraltar. Ce flux de containeurs reflète l'ampleur prise par le commerce international et l'importance du trafic maritime pour le transport de marchandises (90 % des marchandises produites et consommées dans le monde passent une fois par la mer) qui porte sur environ 200 millions de conteneurs par an transportés par 100 000 cargos.
Or, après la phase d'émergence d'une nouvelle maladie, les échanges de biens par voies aériennes ou maritimes sont souvent à l'origine de la phase de diffusion du pathogène d'origine. Les transports de marchandises sont ainsi devenus un des facteurs déterminants de l'explosion de certaines épidémies dans le monde.
Source : Haut Conseil de la Santé Publique
Ce fut probablement le cas pour le virus du Monkeypox qui aurait atteint les Etats-Unis au moyen d'une cargaison de rongeurs sauvages infectés en provenance du Ghana. Ce fut aussi sans doute le cas pour le Chikungunya et le virus de la dengue qui se sont répandus dans le monde entier par l'intermédiaire de moustiques ou de larves transportés sur des bateaux dans de vieux pneus usagés destinés à des trafics de rechapage.
DISSÉMINATION DU VIRUS ET SES VARIANTES DU CHIKUNGUNYA DANS LE MONDE PAR LES ÉCHANGES DE DE MARCHANDISES
Sources : Philippe Parola, Xavier de Lamballerie, Jacques Jourdan, Clarisse Rovery, Véronique Vaillant, Philippe Minodier, Philippe Brouqui, Antoine Flahaut, Didier Raoult, Rémi N. Charrel www.cdc.gov/eid 2006
Mais d'autres modes de transport (voitures ou trains) sont aussi des moyens d'expansion des pathogènes . Ce fut sans doute le cas du virus H5N1 transporté, peut-être par des oiseaux migrateurs, mais aussi probablement par des volailles importées de Chine par le transsibérien dans le cadre d'un trafic illégal. L'intensification des échanges de marchandises dans le cadre de la mondialisation de l'économie a eu surtout pour conséquence la disparition de fait des mesures de quarantaine et de contrôles sanitaires aux frontières. En effet leur réactivation aurait des conséquences économiques et financières considérables. Il est peu probable que ce facteur évoluera en tendance de manière inverse.
4. La progression du transport aérien
Parallèlement à la progression considérable du transport maritime, on constate également la progression considérable du transport aérien de marchandises, comme de passagers, comme l'indique l'Organisation internationale de l'aviation civile (OACI).
LES PRINCIPALES ROUTES AÉRIENNES DANS LE MONDE
En moyenne, le trafic de passagers transportés par avions progresse chaque année de 6 % avec 80 millions de personnes se déplaçant dans les pays du Nord et un milliard de personnes franchissant annuellement les frontières. En 2011, le trafic aérien dans le monde a, malgré la crise dans les pays développés, continué à progresser de 7,4 %, de près de 12 % au Moyen-Orient ; la zone Asie-Pacifique représente maintenant près du quart du trafic mondial international malgré le ralentissement des déplacements aériens à destination du Japon à la suite des catastrophes de 2011.
Source : OACI 2012
Mais cette tendance continue de la progression des déplacements par avion représente aussi un danger de propagation des maladies infectieuses émergente à période d'incubation courte. Plusieurs exemples semblent le confirmer. Le virus West Nile s'est propagé en 1999 à New-York par l'intermédiaire d'un passager contaminé venu du Moyen-Orient. Le virus du SRAS est arrivé de Chine, où il avait démarré chez l'homme à Shanghai, au Canada à Vancouver et à Toronto en 2003 dans les mêmes conditions après avoir essaimé en moins de deux semaines dans différents hôpitaux de Hong-Kong, de Singapour et de Hanoï. Aucune région du monde, aucun pays ne peut plus se dire à l'abri des risques allogènes.
L'exemple de la diffusion du SRAS en tant que maladie émergente est particulièrement illustratif de certaines menaces potentielles en termes de santé publique. Cette épidémie subite, qui a emprunté le transport aérien pour se répandre sur la planète entière, a montré la fragilité des sociétés humaines face à l'apparition de nouveaux agents infectieux : en quelques mois (de novembre 2002 à juillet 2003), cette maladie a provoqué la mort de 774 personnes, dont la grande majorité était des personnels soignants. Les hôpitaux ont été paralysés. Les isolements, quarantaines et restrictions de circulation des personnes ont eu un impact économique temporaire limité aux secteurs du tourisme et des voyages. Est on d'ailleurs bien certain qu'il serait possible dans un pays comme la France d'interdire pendant plusieurs semaines les entrées et les sorties des personnes présentes dans un hôpital 9 ( * ) ?
Source : OMS
Heureusement, dans le cas du SRAS, l'agent pathogène était peu transmissible à courte distance, contrairement au virus de la grippe. La contagion n'était effective seulement quelques jours après l'apparition des symptômes alors que les personnes infectées étaient déjà alitées. Comme l'a estimé le Professeur Arnaud Fontanet : « Nous avons eu beaucoup de chances ! ». Mais le raisonnement prospectif ne peut pas toujours recourir à la chance...
5. Les déplacements humains
Les déplacements de populations dans le monde sont massifs. On estime que, à l'heure actuelle, 200 millions de personnes vivent en dehors du pays où elles sont nées . De très courtes durées dans le cadre de voyages touristiques, de pèlerinages ou d'affaires, ces déplacements peuvent être de plus longues durées en cas de conflits, de violences politiques ou de changements des modes de vie à la suite des modifications du climat. Dans chacune de ces migrations, des populations immunologiquement « naïves » sont confrontées à des maladies pour lesquelles elles ne sont pas ou protégées ou préparées, devenant ainsi lors de leur retour dans leur pays d'origine des vecteurs de nouvelles maladies.
Selon les statistiques fournies par EuroTravNet 10 ( * ) , chaque mois 100 millions de voyageurs se déplacent vers les pays développés. 50 000 rencontrent des problèmes de santé pendant leur voyage, 8 000 consultent un médecin, 5 000 doivent être alités, 1 100 sont incapables de poursuivre leur voyage ou de retourner chez eux, 300 doivent être hospitalisés pendant ou après leur voyage, 50 doivent être rapatriés et 1 décède. La part des maladies infectieuses dans l'origine de ces problèmes de santé est de 1 %. Dans un scenario de l'OMS sur la dissémination de la fièvre jaune partant par exemple de Lagos au Nigeria avec des passagers dans des avions, la maladie toucherait l'ensemble de la planète en moins d'une journée .
Par ailleurs, selon le Haut Commissariat aux réfugiés, il y aurait actuellement 43 millions de personnes déplacées dans leur propre pays en raison de facteurs multiples qui se combinent comme la pression démographique, la rareté des ressources en eau, l'insécurité alimentaire, l'urbanisation et le changement climatique. Ce phénomène a tendance à s'amplifier depuis quelques décennies et l'humanité n'a pas les ressources ou les solutions pour freiner ces nouvelles migrations de populations. Les réfugiés victimes de violences politiques seraient environ 16 millions et les demandeurs d'asile un million 11 ( * ) .
Ces déplacements de populations posent plusieurs problèmes : risques pour les personnes en mouvement d'être contaminées par des maladies pour lesquelles elles ne sont pas immunisées, possibilité de transférer une maladie vers le pays de résidence et de conduire les soignants à effectuer de mauvais diagnostics, augmentation des potentialités de transfert des pathogènes par les voyageurs devenus vecteurs des infections. Le graphique suivant montre cet effet à travers l'exemple de l'apparition des cas de Chikungunya en France.
Source : Philippe PAROLA EuroTravNet European Centre for Disease Prevention and Control Collaborative Network for Travel and Tropical Medicine
Il est en outre frappant de constater que les nappes urbaines les plus touchées par les déplacements de population sont également celles qui sont situées dans les zones principales d'apparition des nouvelles maladies infectieuses comme le montre cette carte des forces armées canadiennes où sont pris en compte les principaux facteurs : ressources en eau, déclin des récoltes, démographie, famine, risques d'inondation, conflits.
LES PRINCIPALES CAUSES DE DÉPLACEMENTS DES POPULATIONS DANS LE MONDE
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Source : Forces armées canadiennes
Sans tomber dans un catastrophisme excessif, on peut penser que ces tendances lourdes vont se poursuivre, voire s'accentuer, dans les prochaines décennies notamment du fait des conséquences d'un changement climatique annoncé qui aurait de multiples impacts comme la montée des eaux dans les grandes mégalopoles côtières de l'Asie ou le déclin des récoltes dans les zones touchées par la désertification 12 ( * ) . Dans ces conditions il est probable que les risques de dissémination de nouveaux pathogènes vont également augmenter avec des populations en migration non protégées par la prémunition acquise par les populations des régions hôtes.
6. Le changement climatique
Le changement climatique n'est pas classé parmi les facteurs importants pour l'apparition de nouvelles maladies infectieuses émergentes . On pense néanmoins que le réchauffement climatique, en atténuant les contrastes entre les différentes régions du globe, favorise l'implantation de vecteurs ou de pathogènes nouveaux sur des milieux jusqu'alors indemnes de certaines pathologies comme la dengue ou le Chikungunya en Europe, le virus de West Nile aux Etats-Unis, la fièvre de la Vallée du Rift dans certaines régions d'Afrique ou même la grippe aviaire.
Néanmoins les recherches sur le développement chrono-environnemental ou les fluctuations temporo-spatiales de certaines maladies comme le choléra ou le paludisme - en particulier en zones urbaines - laissent à penser que les bouleversements climatiques auxquels notre planète est aujourd'hui exposée ne pourront qu'exacerber les tendances épidémiologiques actuelles. La multiplication des épisodes de canicule dans les villes a conduit par ailleurs à l'installation de systèmes de climatisation artificielle requérant des tours aéro-réfrigérantes souvent à l'origine de manifestations de cas de légionelloses transmises par voies aériennes.
LA RELATION ENTRE LE PHÉNOMÈNE D'EL NINO ET LA FIÈVRE DE LA VALLÉE DU RIFT
Pour autant, le lien direct entre le changement climatique et l'apparition de nouvelles maladies n'est pas établi . L'enchaînement des facteurs est trop complexe et l'apparition d'une infection soumises à trop d'incertitudes et de hasards pour que ce facteur soit, pour l'heure, considéré comme déterminant, même s'il joue incontestablement un rôle dans l'orientation des autres variables (modes de vie, conditions d'exploitation des sols, évolution des pratiques d'élevage, etc...).
LES PRINCIPAUX BASSINS D'ÉMERGENCE DE LA DENGUE ET DU CHIKUNGUNYA
En revanche, la multiplication de certains vecteurs (tiques, moustiques, moucherons etc...) et leur pullulation à la suite des modifications de certains éléments climatiques (humidité et chaleur notamment) est probablement à l'origine de l'apparition de nouvelles maladies animales dans des zones jusqu'alors préservées (comme la fièvre catarrhale du mouton en Europe du Nord transportée par un moucheron hématophage venant de l'Afrique, du Maghreb ou du Moyen-Orient ou comme la maladie de Schmallenberg apparue fin 2011 en Allemagne et qui s'est depuis répandue dans toute l'Europe de l'Ouest).
Or les zoonoses présentent, elles, un risque majeur d'émergence de nouvelles maladies infectieuses chez l'homme. C'est donc par le lien indirect entre santé animale et santé humaine que le facteur climatique joue indiscutablement un rôle. Rôle qui ne peut malheureusement pas baisser à l'avenir si on se rapporte aux prévisions du GIEC.
7. L'évolution de la recherche médicale
La recherche médicale a fait des bonds considérables avec les progrès des outils d'investigation (puissance des calculateurs permettant le séquençage à haut débit, l'utilisation de la puce à ADN, etc...), la rapidité de transmission des résultats et des travaux entre laboratoires dispersés dans le monde entier grâce à internet, la possibilité d'accéder à des souches de plus en plus variées et d'origines lointaines du fait de la facilité des transports à longue distance, et, d'une manière générale aux progrès des échanges dans le cadre de la mondialisation.
Néanmoins un certain nombre d'obstacles au développement de la recherche médicale existent résultant pour l'essentiel des nouvelles réglementations mises en oeuvre dans le cadre du principe de précaution ou en fonction de nouvelles préoccupations environnementales (OGM, protection des animaux, prélèvements humains, etc...).
Source : Institut Pasteur 2012
Dans l'hypothèse où, sauf accident économique majeur, la recherche se poursuivrait dans des conditions similaires à celle des dernières décennies, il est probable que ce facteur restera un contributeur déterminant pour limiter les menaces que font peser l'apparition de nouveaux virus ou de nouveaux vecteurs de maladies infectieuses.
* 8 Même si dans certaines villes du Sud, certains aménagements urbanistiques dans les quartiers privilégiés (jardins, plans d'eau etc...) sont aussi à l'origine du développement de maladies infectieuses comme l'a montré le géographe Handschumacher
* 9 En Chine populaire et au Vietnam, les quarantaines des malades et des soignants sur leur lieu de travail ont été en outre militairement gardées
* 10 European Centre for Disease Prevention and Control Collaborative Network for Travel and Tropical Medicine
* 11 Depuis de l'occupation du nord du Mali par des groupes armés début 2012, selon l'ONG Médecins sans Frontières, 300 000 personnes auraient fui leurs villages et se cacheraient dans la brousse ou seraient parties pour le Burkina Faso, le Niger et la Mauritanie où elles seraient victimes du paludisme, du choléra et de la malnutrition
* 12 L'accès à l'eau est déjà un problème aujourd'hui. Les difficultés naissent ici moins jusqu'à présent des changements climatiques que du non développement économique, social et politique.