8. Jean-Didier Cavallo, médecin chef des services de classe normale, directeur adjoint à l'école du Val-de-Grâce

Le service de santé des armées a toujours considéré les maladies infectieuses émergentes comme une priorité comme en atteste sa culture axée sur la lutte contre les maladies infectieuses et tropicales. Dans les années 60, 1200 médecins militaires exerçaient Outre-mer et ils étaient encore 800 dans les années 1970. Le docteur évoque un « âge d'or de la lutte contre les maladies infectieuses et de la médecine tropicale ». La culture de médecine tropicale tend toutefois à se restreindre considérablement ces dernières années du fait de la pression accrue sur les effectifs ; on ne compte plus actuellement qu'environ 150 médecins militaires Outre-mer.

Les grandes menaces identifiées par le docteur Cavallo sont d'abord le paludisme et les diarrhées, mais également des maladies vectorielles telles que la dengue ou d'autres arboviroses. La prise en charge du risque sanitaire lié aux agents infectieux ou toxines du risque biologique accidentel ou agressif est également une préoccupation prioritaire du Service de santé des armées. Le service de santé des armées regroupe sa recherche dans le domaine des maladies infectieuses dans un nouveau centre de recherche installé dans le sud francilien à Brétigny sur Orge qui devrait être inauguré début 2014.

Ce nouveau dispositif de recherche biomédicale comprendra notamment un laboratoire de sécurité P4 et des laboratoires classés comme centres nationaux de référence dans le réseau animé par l'institut de veille sanitaire. L' Institut de Recherche Biomédicale des Armées (IRBA) va mobiliser environ 450 personnes dont 190 chercheurs avec un recentrage complet sur les spécialités dites militaires : facteurs humains et neurosciences, protection NRBC, protection et soutien sanitaire des forces en opérations.

Au début de l'émergence, les efforts doivent se concentrer sur l'identification rapide des agents infectieux, condition sine qua non d'une prise en charge adaptée des patients et de la mise en place de mesures de prévention et protection adaptées:

- si le pathogène est déjà connu, on peut utiliser les batteries de tests disponibles ;

- si le pathogène est inconnu, il faut alors procéder à son identification grâce à des méthodes moléculaires incluant l'utilisation de séquenceurs à haut débit et la bioinformatique.

Parallèlement au diagnostic, l'évaluation de la gravité au niveau de l'individu et des populations de la menace infectieuse (à travers des indicateurs de mortalité et de morbidité 48 ( * ) ) doit être réalisée grâce à des outils de surveillance et d'analyse épidémiologique performants. En guise d'illustration, le docteur évoque les estimations initiales effectuées par les autorités sanitaires mexicaines en mai 2009 lors de la pandémie de grippe A(H1N1) qui attribuaient au virus une mortalité de 15 % ; avec un tel degré de virulence, la maladie aurait fait des ravages. Ces estimations ont heureusement été révisées rapidement en forte baisse par les autoritaires sanitaires américaines, l'indice de mortalité de cette grippe pandémique étant ramené à 1 décès pour 1 000 malades, ce qui correspond à la mortalité d'une grippe saisonnière.

L'identification des modes de transmission des agents infectieux est également un élément important dans le processus de réponse aux émergences. S'agissant de la grippe, les voies de transmission du virus sont à la fois une transmission par contact (mains) et par voie aérienne. Le vrai risque de l'infection à virus Ebola n'est pas la transmission aérienne, mais la transmission par le contact avec du sang contaminé; les précautions d'hygiène hospitalière sont donc au tout premier plan avec une prévention particulièrement stricte des contacts avec le sang, par exemple lors des prélèvements sanguins effectués au moment du diagnostic chez ces patients. Chaque type d'infection appelle une réponse bien spécifique en fonction du mode de transmission des agents infectieux.

Les moyens non-spécifiques de prévention sont fondamentaux car ils sont applicables dans des situations très variées. Il s'agit par exemple des mesures dites « barrière » qui permettent de prévenir la transmission et ainsi la diffusion des agents infectieux. Les mesures d'isolements des patients susceptibles d'être contagieux s'inscrivent dans ce cadre.

En termes de perspectives, la situation demeure préoccupante dans les pays du Sud, notamment les pays d'Afrique subsaharienne qui sont des foyers d'émergence dans lesquels la situation sanitaire réelle n'est parfois ni connue, ni maîtrisée. La résistance accrue des bactéries aux antibiotiques dans les pays ou séjournent nos forces armées est une menace particulièrement prise au sérieux par le service de santé des armées.

Cette situation découle essentiellement d'une absence de politique de contrôle des antibiotiques qui sont souvent diffusés sur les marchés locaux sans régulation. Ces formes de consommation anarchiques de médicaments s'ancrent dans un contexte plus global : renoncement aux soins ou difficultés d'accès aux soins médicaux liés à des problèmes socio-économiques ou culturels. La maîtrise de l'utilisation des antibiotiques est un levier d'action majeur dont l'efficacité est subordonnée à la mise en place d'un plan d'action au niveau mondial pour maîtriser les flux et l'utilisation des antibiotiques.


* 48 La morbidité est moins impactante que la mortalité sauf au point de vue économique (par exemple : le nombre des arrêts de travail).

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