B. QUELS CHOIX POLITIQUES POUR L'ORGANISATION DES SYSTÈMES SANITAIRES DANS LES PROCHAINES DÉCENNIES ?
1. La gouvernance des outils d'alerte épidémique
a) Le fonctionnement d'un système d'alerte sanitaire
Un système d'alerte sanitaire fonctionne selon le schéma qui fait intervenir trois étapes principales :
- une étape de collecte et d'analyse en continu par les structures de veille/santé publique de signaux pouvant représenter un risque pour la santé publique dans une perspective d'anticipation sinon d'alerte et d'action précoce ;
- une étape de signalement d'un phénomène de santé ou d'exposition à un danger qui nécessite une investigation afin de le valider ou de l'écarter ;
- une étape d'alerte montrant que la situation considérée après investigation et expertise représente une menace potentielle pour la santé publique.
Le recueil des signaux s'effectue à travers différents canaux d'information :
- des systèmes dédiés avec des indicateurs sanitaires ;
- des systèmes de surveillance spécifiques ;
- des systèmes de surveillance syndromiques ;
- des signaux issus de diverses sources : événements ;
- le signalement d'événements de santé inhabituels ;
- des réseaux d'alerte et de surveillance internationaux ;
- la veille scientifique ;
- la veille médiatique et internationale.
Le signalement implique une analyse des signaux et de la menace avec :
- une caractérisation de la menace : fréquence, gravité, potentiel d'extension, populations concernées ;
- une estimation du risque sanitaire : probabilité et impact sanitaire ;
- une interface avec les partenaires nationaux et internationaux (ECDC)
L'alerte et la réponse à l'alerte impliquent :
- des connaissances en lien avec la recherche et les partenaires et des études épidémiologiques ou la mise en place d'une surveillance ;
- des recommandations en matière de contrôle : interface avec les autorités sanitaires, les professionnels de santé et le public ;
- des démarche d'anticipation du risque : plan de préparation à l'émergence (surveillance, mesures de gestion du risque) ;
- une coordination européenne .
b) L'exemple du Cabinet Office Briefing Room A (COBRA)
Le COBRA est un comité de riposte aux situations de crise et d'urgence intégré dans le Cabinet Office et dépendant directement de l'autorité du Premier ministre. Le COBRA a eu à traiter de sujets aussi sensibles que les attentats terroristes de Londres en juillet 2005. Les membres du comité varient en fonction de la nature des crises à traiter. Le Premier ministre, les ministres responsables (notamment le Home secretary, équivalent du ministre français de l'Intérieur) et certains hauts fonctionnaires de la police assistent régulièrement aux réunions de ce comité de pilotage.
Le gouvernement britannique a défini plusieurs niveaux d'urgence qui conditionnent le recours au COBRA 23 ( * ) :
1) une situation d'urgence considérable ( significant emergency) niveau 1 nécessite une intervention des administrations centrales pilotée par un département ministériel de référence en complément du travail des services d'urgence et des collectivités locales. Ce niveau d'urgence ne nécessite cependant pas une réponse collective et concertée de l'ensemble de l'équipe gouvernementale.
2) une situation d'urgence sérieuse ( serious emergency) niveau 2 constitue une crise dont l'impact est qui nécessite une coordination gouvernementale et interministérielle. La réponse du gouvernement central à ce type de crise est coordonnée par le COBRA et pilotée par un département ministériel de référence.
3) une situation d'urgence catastrophique ( catastrophic emergency ) niveau 3 : il s'agit d'une situation caractérisée par un évènement dont l'impact est exceptionnellement important et qui requiert une gestion immédiate par le gouvernement central. Cela se traduit par une centralisation de la réponse à la crise si les collectivités locales ne peuvent plus faire face à la catastrophe, ou que la mise en oeuvre des pouvoirs d'urgence par le Gouvernement est rendue nécessaire 24 ( * ) .
Dans ce cas de figure, le COBRA devient le lieu de formulation de la réponse à la crise par le gouvernement. Les réunions du comité couvrent les enjeux stratégiques posés par la situation de crise et les membres du COBRA identifient les leviers d'action à disposition du gouvernement et conseille les ministres sur les actions prioritaires à mettre en oeuvre.
Confronté à une forte poussée de fièvre aphteuse dans les élevages en août 2007, le gouvernement britannique a mis en oeuvre une réponse rapide, claire et centralisée avec l'appui du COBRA. Cette culture de la réactivité s'est développée dans la gestion des crises sanitaires après la crise de la vache folle (ESB) survenue à la fin des années 1990.
Dès la confirmation des premiers cas de fièvre aphteuse par les services vétérinaires, le gouvernement britannique a pris la décision de suspendre la circulation des convois de bétail sur l'ensemble du territoire britannique jusqu'à nouvel ordre. A travers des réunions courtes mais régulières, le gouvernement a établi une réponse coordonnée à cette menace sanitaire, valorisant par ailleurs les différents exercices effectués depuis 2001.
Source : Cabinet Office, Avril 2010 |
* 23 Cabinet Office, UK Central Government Arrangements for responding to an emergency, March 2010
* 24 En cas de crise particulièrement grave (par exemple, une attaque à la bombe) et en concertation avec les membres du COBRA, le Gouvernement peut disposer de prérogatives extraordinaires encadrées par le Civil Contingencies Act. Ces pouvoirs de crise incluent la possibilité pour un ministre de suspendre les séances du Parlement et de déclarer un jour férié (bank holiday) afin d'interrompre l'activité des entreprises.