B. CHAUMONT (HAUTE-MARNE) 26 JANVIER 2012

Composition de la délégation : Mme Anne-Marie Escoffier, présidente, M. Charles Guené, rapporteur, M. Philippe Dallier, vice-président.

1. Rencontre avec les services de la Préfecture, de la direction départementale des finances publiques et du conseil général

Le territoire du département est globalement gagnant à la réforme . Toutefois, certains bassins, le Haut-Marnais, les bassins de Saint-Dizier et Nogent sont moins bénéficiaires. Par ailleurs, la comparaison TP/CET est impossible à établir au niveau local du fait de l'absence des éléments nécessaires comme le montant réel de la TP due par les entreprises et la part des dégrèvements.

L'ensemble de la DCRTP pour la Haute-Marne s'élève à 7,8 millions d'euros auxquels s'ajoutent 4,4 millions d'euros de frais de gestion « restitués » aux collectivités. Il n'est pas possible en revanche de disposer du coût par département du dégrèvement barémique pris en charge par l'État.

Au total, la taxe professionnelle représentait 65 millions d'euros dans le département contre un montant actuel de 40 millions d'euros de produit de la fiscalité professionnelle.

Les services de l'Etat font observer que l'année 2011 a été un « cauchemar » pour les collectivités territoriales compte tenu d'une part des incertitudes quant aux estimations de leurs ressources et d'autre part de la multiplicité des taxes remplaçant la TP et de la complexité des dispositifs de compensation.

En ce qui concerne les rôles supplémentaires , la DDFiP insiste sur le fait que les interprétations des textes ont été très favorables aux collectivités territoriales. En particulier, il n'a pas été tenu compte des dégrèvements pour le calcul du FNGIR.

S'agissant de la concomitance entre la réforme de la fiscalité locale et celle de la carte intercommunale , les services de l'Etat font observer que la fiscalité n'a pas eu d'impact en 2011 sur la reconfiguration de la carte. C'est la nécessité de regrouper les collectivités autour de compétences et sur la base des bassins de vie qui a primé. Les questions fiscales n'interviennent qu'ultérieurement.

Selon une étude réalisée sur un panel d'entreprises du département , les petites entreprises sont celles qui ont le plus bénéficié de la réforme. Or 70 % des entreprises en Haute-Marne ont un chiffre d'affaires inférieur à 500 000 euros. Les communes du département n'ont jamais mis en oeuvre la cotisation minimale de TP afin de récupérer une part de potentiel fiscal. La fixation d'une base minimale pourrait cependant intéresser potentiellement les collectivités compensées par le FNGIR.

Les entreprises industrielles ont plutôt bénéficié de la réforme mis à part quelques exceptions qui peuvent être dues à des circonstances particulières (plafonnement à la valeur ajoutée, dégrèvements antérieurs au titre des investissements nouveaux).

Le secteur du commerce enregistre des baisses de taxation pour plus de la moitié des entreprises. En revanche, au-delà de 3 millions de chiffre d'affaires, les augmentations peuvent être significatives.

L'artisanat est gagnant à hauteur de 80 à 90 % du montant de l'impôt économique antérieurement acquitté.

Les professions libérales ont beaucoup gagné avec la réforme, faute de pouvoir taxer ce secteur sans pénaliser d'autres domaines d'activités économiques moins bénéficiaires.

Malgré les effets bénéfiques reconnus de la réforme (fin de la compétition fiscale entre collectivités, fiscalité fondée sur la valeur ajoutée et non plus l'investissement), il n'est pas possible d'estimer l'impact réel de la mise en place de la réforme sur l'activité des entreprises en Haute-Marne. Certes, le chiffre d'affaires de celles-ci a augmenté de 7,8 % entre 2009 et 2010, l'investissement de 21 %, mais l'impact de la fiscalité sur ces chiffres ne peut être réellement évalué en raison notamment de l'instabilité des bases et des taux entre 2008 et 2011 .

Au sein du département, la territorialisation de la CVAE n'a pas donné lieu à des transferts de richesse entre collectivités dans la mesure où il n'existe pas de lieu de concentration de la valeur ajoutée. Au total, 327 communes sur 433 sont contributrices au FNGIR.

2. Déjeuner de travail avec les élus

Le président du conseil général souligne que la réforme de la fiscalité locale a été bénéfique pour le département de la Haute-Marne. Les recettes fiscales ont été plus que préservées passant de 60,6 millions d'euros en 2009 à 65,6 millions en 2010 et 67,6 millions en 2011, soit une hausse de produit fiscal de 3 % en un an. Il regrette seulement que le levier fiscal du département ne repose plus que sur le foncier bâti (50 % des recettes).

Une bonne nouvelle a été enregistrée en ce qui concerne les IFER . Les recettes estimées à 300 000 euros se sont élevées en définitive à 800 000 euros.

Le représentant de la Région Champagne-Ardenne fait valoir que si la collectivité a été compensée intégralement des conséquences de la taxe professionnelle, la réforme a eu pour effet la chute de l'autonomie fiscale , dont le taux est passé de 33 % à 8 %, la rupture du lien entre le territoire et les entreprises, et entre les ménages et les entreprises. En outre, la Région a perdu l'effet bases de la TP (+ 4 % par an depuis 10 ans) et sa fiscalité est désormais assise plutôt sur des flux (TIPP, IFER) que sur des stocks, source de volatilité.

Pour le département , le ratio d'autonomie financière est resté stable (les mécanismes de compensation et de péréquation sont compris dans le calcul). Des interrogations demeurent sur l'évolution de la CVAE au delà de 2011 dans un territoire où l'industrie prédomine par rapport aux services.

Des représentants d'EPCI (communautés de communes) font valoir la trop grande complexité des critères de redistribution des reversements de péréquation horizontale (fonds de péréquation des ressources intercommunales et communales FPIC) à l'intérieur des EPCI et soulèvent la question des valeurs locatives.

Le produit qui pourrait être tiré de la taxation des éoliennes , à travers l'IFER, suscite beaucoup d'attentes, de même que les reversements au titre de la péréquation horizontale.

Les élus de la ville de Chaumont soulignent que l'augmentation du montant de la base minimum de CFE pourrait permettre de compenser le gain des professions libérales qualifié de « cadeau fiscal ». Ils se félicitent de la réduction de la concurrence fiscale entre collectivités liée à l'adoption d'un taux national pour la CVAE. La « danse du ventre des élus » est terminée et seuls les facteurs d'environnement économique devraient jouer désormais.

Les EPCI se félicitent de la fin de la grande disparité des taux de taxe professionnelle qui déterminait les lieux d'implantation notamment des artisans. Si un représentant d'EPCI regrette de ne plus pouvoir faire bouger les taux que sur le foncier et les impôts ménages, il concède « qu'on ne peut pas se plaindre ».

Les élus de la ville de Langres, à fort tissu industriel, rappellent que la TP était un mauvais impôt et qu'il est préférable de taxer la valeur ajoutée plutôt que l'investissement. En outre, ce n'est pas la fiscalité qui fait la différence pour les implantations d'entreprises.

Certains élus considèrent enfin que la réforme amplifie la complexité fiscale.

3. Rencontre avec la chambre de commerce et d'industrie territoriale (CCIT) et les acteurs économiques

Les représentants de la CCIT soulignent que -sur un panel de 35 entreprises- les cotisations ont baissé pour 50 % des entreprises artisanales et augmenté pour 37 % d'entre elles. Les baisses peuvent aller jusqu'à 70 % en valeur. Le secteur du bâtiment en a profité pour ¾ des entreprises, les services sont également bénéficiaires.

Généralement, c'est en dessous du seuil de 2 millions de chiffre d'affaires que les entreprises sont les gagnantes de la réforme . Les gains sont particulièrement sensibles dans les secteurs de la restauration (70 %) et l' artisanat (67 %).

Cet allègement d'impôt n'a pas eu d'impact sur les embauches ou sur les prix de vente des produits . Les gains de la réforme auraient été « gommés » par les effets de la crise et le renchérissement du coût des matières premières.

Les représentants de la CCIT ont formulé des craintes par rapport à la révision des valeurs des locaux professionnels qui pourrait entraîner d'importants transferts de charges entre secteurs et entre entreprises.

La réforme a été accueillie, au moins à son annonce, avec beaucoup de scepticisme, les entrepreneurs étant attentifs à ce qu'elle ne s'accompagne pas d'une augmentation d'autres taxes en parallèle.

A cet égard, il est apparu difficile d'expliquer certaines anomalies liées à des situations très particulières et la réforme de la taxation des enseignes publicitaires est intervenue aussi comme un élément perturbateur donnant un mauvais signal.

Le cas particulier des entreprises de transport routier international , désavantagées par rapport au transport maritime et aérien, car taxées sur le chiffre d'affaires réalisé à l'étranger, a été évoqué.

La mise en place de la réforme n'a pas entraîné de difficultés particulières en ce qui concerne les obligations procédurales et déclaratives. On regrette cependant la multiplication des échéances en lien avec l'augmentation du nombre de taxes .

S'agissant des critères qui fondent la décision d'implantation des entreprises , la fiscalité apparaît nettement secondaire. Les acteurs économiques citent en priorité la proximité des marchés, les infrastructures, la main d'oeuvre et le tissu industriel et de sous-traitants. De ce point de vue, le département de la Haute-Marne est pénalisé par l'absence de main d'oeuvre qualifiée locale, sa faible densité de population et l'absence d'agglomération ayant une masse critique suffisante, soit 80 à 100 000 habitants. La communauté d'agglomération de Chaumont compte 36 000 habitants.

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