B. DES BESOINS D'INVESTISSEMENT À RÉESTIMER
Si l'estimation par la FAO d'un besoin d'investissement s'élevant à 83 milliards de dollars par an pour remporter le défi alimentaire a été largement relayée, en réalité, ce chiffre peut être trompeur.
En effet, il correspond à un investissement net alors que les besoins d'investissement brut sont supérieurs à 200 milliards , ce qui est déjà sensiblement plus exigeant.
Mais là ne s'arrête pas la nécessaire correction des besoins d'investissement prévisibles.
Aux yeux de votre rapporteur les besoins d'investissement nécessaires à une mise en oeuvre effective du droit à l'alimentation seront probablement bien supérieurs.
1. L'estimation de la FAO
Les besoins en investissements agricoles dans les pays en développement ont été estimés par la FAO à 9 200 milliards de dollars pour la période 2005-2050.
Ce besoin d'investissement serait réparti entre des investissements agricoles « stricto sensu » (5 200 milliards de dollars et 56 % du total) et des investissements dans les infrastructures d'amont et d'aval (4 000 milliards et 44 % du total), dans le stockage ou pour les transports par exemple.
Les besoins d'investissement dans l'agriculture des
pays en développement
à l'horizon 2050 selon la FAO
(93 pays, en milliards de dollars)
Investissements nets |
Amortissements |
Investissements bruts |
|
INVESTISSEMENTS AGRICOLES STRICTO SENSU DONT : |
2 378 |
2 809 |
5 187 |
CULTURES |
864 |
2 641 |
3 505 |
EXTENSION DES TERRES, CONSERVATION DES SOLS ET AMÉNAGEMENT DES EAUX |
139 |
22 |
161 |
IRRIGATION |
158 |
803 |
960 |
MISES EN CULTURE |
84 |
411 |
495 |
MÉCANISATION |
356 |
956 |
1 312 |
ÉNERGIE |
33 |
449 |
482 |
FORMATION |
94 |
0 |
94 |
ÉLEVAGE DONT : |
1 514 |
168 |
1 683 |
EXTENSION DES TROUPEAUX |
413 |
0 |
413 |
PRODUCTION DE VIANDE ET LAIT |
1 101 |
168 |
1 269 |
INVESTISSEMENTS DANS LES INFRASTRUCTURES |
1 257 |
2 729 |
3 986 |
STOCKAGE |
277 |
520 |
797 |
ORGANISATION DES MARCHÉS |
410 |
548 |
959 |
PREMIÈRE TRANSFORMATION |
570 |
1 661 |
2 231 |
TOTAL |
3 636 |
5 538 |
9 178 |
Source : FAO - Josef Schmidhuber, Jelle Bruinsma and
Gerold Boedeker
«
Capital requirements for agriculture in
developing countries to 2050
»
La décomposition par région des évaluations de la FAO fait ressortir des besoins d'investissements qui seraient disparates .
Estimation régionale des besoins
d'investissement entre 2005 et 2050
(en milliards de dollars)
Source : FAO
La Chine et l'Inde exceptées, qui totalisent à elles seules 39 % des besoins d'investissement, c'est en Asie que ces besoins se concentreraient avec 57 % de l'ensemble .
Par contraste, les besoins d'investissement en Afrique subsaharienne ou en AN-MO seraient de l'ordre de 10 % du total mondial pour chacune de ces régions.
L'évaluation des besoins d'investissements proposée par la FAO peut sembler formidable mais cette impression doit être corrigée par la considération de quelques éléments qui viennent la relativiser.
Plusieurs considérations interviennent pour relativiser l'impression première d'un effort d'investissement gigantesque à réaliser pour développer l'agriculture dans les pays en développement.
Quelques ordres de grandeur doivent être rappelés.
L'investissement dont il s'agit doit être ramené à une estimation annuelle, soit une moyenne de 208 milliards de dollars par an 65 ( * ) . Par ailleurs, il faut considérer que cette estimation concerne 93 pays en développement. Ainsi, même si cette moyenne n'a qu'une portée illustrative, par pays et par an , l'évaluation des besoins d'investissement agricole de la FAO peut être ramenée à 2,2 milliards de dollars . Cette somme représente à peine 0,50 dollars par habitant des zones rurales des pays en développement, soit à peu près la moitié d'une baguette de pain.
La FAO indique que les estimations des besoins d'investissement, en dépit de leur ampleur, traduisent une inflexion de leur rythme de croissance.
Par rapport à la croissance de la production agricole observée dans le passé, 3,5 % par an lors des 46 dernières années, les années à venir verraient s'infléchir le rythme de progression de la production qui n'excéderait pas 1,5 % par an.
Enfin, il faut souligner que l'estimation globale de la FAO porte sur des investissements bruts : 60 % de ces investissements seraient en réalité consacrés à amortir le capital, si bien que 40 % d'entre eux seulement serviraient à augmenter les capacités de production (5 500 milliards de dollars d'un côté, 3 600 milliards de l'autre).
Au total, les besoins d'investissements de capacité sont limités à 83 milliards de dollars par an.
Une partie significative des besoins d'investissement estimés par la FAO concerne la mécanisation (1 312 milliards de dollars dont 956 pour le remplacement des équipements et 356 pour l'augmentation des capacités) et l'irrigation (18,5 % des besoins d'investissement dans le secteur agricole proprement dit (à l'exclusion des infrastructures d'accompagnement).
Source : Josef Schmidhuber FAO 2009
Compte tenu du fait qu'au cours de la période sous revue la totalité du stock de capital aujourd'hui installée devra être amortie au moins une fois, les investissements nets, de capacité, reviennent à peu près à doubler le stock de capital par rapport à la situation existante .
Cette estimation est cohérente avec le scénario alimentaire de la FAO qui table sur une contrainte d'augmentation de la production comprise entre 70 et 100 % à l'horizon 2050. Elle ne représente pas une perspective héroïque en soi mais votre rapporteur veut souligner les incertitudes qui entourent cette évaluation.
* 65 Pour un investissement additionnel net, de capacité de 83 milliards de dollars.