B. UNE VIABILITÉ ÉCONOMIQUE EN QUESTION
1. Aujourd'hui, les agro-carburants dépendent généralement de l'intervention publique
Une étude réalisée par l'OCDE montre qu'en l'état des marchés, en 2004 les coûts de production des biocarburants excédent généralement les prix des carburants fossiles hors taxes, ce qui explique les mesures prises pour en aider la production.
Source : OCDE
Cependant, l'éthanol fabriqué à partir du maïs aux États-Unis peut être produit à des coûts inférieurs aux coûts d'approvisionnements régionaux (CAR) et l'éthanol est compétitif au regard de ce dernier coût mais aussi du prix de l'essence (hors taxes) à la pompe.
L'écart entre les coûts des différentes énergies s'explique principalement par le coût des matières premières utilisées par la consommation d'énergie nécessaire à la production et par les prix des sous-produits de chaque procédé.
Les biocarburants sont vendus moins cher au litre que les carburants pétroliers.
Dans le graphique ci-dessus, les prix sont corrigés pour tenir compte de l'inégale teneur énergétique des produits.
Source : OCDE Groupe de travail des politiques et
marchés agricoles
6 février 2006
Cet avantage de prix vient des régimes fiscaux.
À ce propos, on peut rappeler qu'en 2004, seul l'éthanol brésilien était en mesure de concurrencer l'essence classique sans avantage fiscal39(*). L'avantage du maïs brésilien provient essentiellement du prix de production de la céréale.
Le graphique retrace l'avantage compétitif du Brésil sur le marché des biocarburants qui paraît assez important pour se maintenir longtemps à l'avenir. Il montre aussi que les producteurs européens n'ont pas d'avantages comparatifs sauf à importer les matières premières nécessaires à la production des biocarburants, avec toutefois des perspectives plus favorables pour le biodiesel que pour l'éthanol.
Le seuil de rentabilité économique des biocarburants varie considérablement selon les filières et les pays considérés.
Le graphique ci-après en figure la diversité, aux conditions technologiques du moment et aux cours des matières premières végétales de 2004.
Source : OCDE Groupe de travail des politiques et
marchés agricoles
6 février 2006
Dans les conditions d'alors (prix du baril à 39 dollars), le seuil de viabilité économique n'était atteint que par l'éthanol de canne à sucre brésilien. Ce n'est qu'autour de 100 dollars le baril que la plupart des biocarburants devenaient viables.
2. Demain, les scénarios de prix des énergies fossiles mais aussi les progrès techniques pourront justifier plus largement la production d'agro-carburants
Les perspectives de prix du pétrole de l'Agence internationale de l'énergie conduisent à envisager que le seuil de viabilité des biocarburants puisse être franchi, sous certaines réserves toutefois.
Projection des coûts des biocarburants comparés au prix du carburant pétrolier selon différents scénarios
Source : AIE
Note : la ligne bleue représente le coût du biodiesel conventionnel ; la ligne noire, le prix du carburant pétrolier ; la ligne en vert foncé représente le coût de l'éthanol cellulosique ; la ligne mauve du biodiesel de seconde génération, les lignes en vert clair de l'éthanol conventionnel et de l'éthanol de canne à sucre.
Lge : litre d'équivalent essence
Le scénario pétrolier de l'AIE prévoit une hausse du prix du pétrole de l'ordre de 65 % qui serait presque complètement acquise dès 2030.
À ce niveau de prix un assez grand nombre d'agro-carburants deviendront compétitifs mais à la condition que leurs coûts de production baissent.
Dans cette perspective, l'une des variables majeures réside dans les hypothèses de prix des matières premières agricoles utilisées. Ces hypothèses paraissent dépendre de manière cruciale des progrès réalisés dans le développement des nouveaux agro-carburants. Ceux-ci sont également une variable essentielle pour apprécier les effets d'éviction des biocarburants sur les surfaces agricoles. En particulier, le développement de biocarburants de deuxième génération (voire de troisième génération) est un horizon nécessaire du raisonnement prospectif, même s'il faut s'abstenir de succomber à tout irénisme techno logico-scientifique et préférer un volontarisme réaliste.
Les biocarburants, perspectives technologiques Un certain nombre de technologies nouvelles pourraient être développées dans le domaine des biocarburants dont certaines concernent les agro-carburants eux-mêmes. Les biocarburants de deuxième génération, voire de troisième génération, sont regroupés par l'Agence internationale de l'énergie sous la dénomination de « biocarburants avancés » par opposition aux « biocarburants conventionnels » actuellement disponibles. Certaines innovations portent sur les agro-carburants tandis que d'autres en sont indépendantes. Pour le bioéthanol, le progrès technique pourrait consister à utiliser la matière première végétale dans sa totalité à partir de la lignocellulose qui est le principal constituant des parois secondaires des cellules végétales par thermochimie ou par biochimie. La voie thermochimique nécessiterait de réorganiser les investissements en place pour produire la première génération de biocarburants tandis que la voie biochimique pourrait être empruntée avec les infrastructures actuelles. Toutefois, dans les deux cas, des investissements importants devraient intervenir qui viendraient compenser une partie des économies que ces nouvelles techniques semblent promettre du côté des coûts des matières premières végétales utilisées. Pour le biodiesel, plusieurs techniques innovantes sont en phase plus ou moins avancées, la moins invasive pour le potentiel alimentaire étant sans doute celle offerte par les micros algues qui demeure toutefois aujourd'hui à un stade de recherche fondamentale. D'autres carburants et additifs, sans effet notable pour l'alimentation, sont, pour certains, en phase de commercialisation sommaire, comme le méthanol, le bio méthane étant de son côté déjà utilisé à travers la production d'anérobie du bio-gaz en attendant le bio-gaz synthétique. Enfin, les potentialités de l'hydrogène qui sont encore au mieux en phase de démonstration paraissent épargner totalement le potentiel alimentaire. |
L'essor des agro -carburants de deuxième génération se traduirait en soi par une augmentation des matières premières disponibles pour fabriquer des carburants.
En dehors des effets sur les prix de production des agro-carburants qui pourraient être compris dans les proportions figurées dans les graphiques ci-dessus, ces innovations limiteraient l'éviction que pourrait provoquer la production de biocarburants la production alimentaire.
* 39 Le maïs américain n'en était alors éloigné que de cinq cents.