DEUXIÈME
PARTIE :
L'IMPACT DE LA BIOLOGIE DE SYNTHÈSE SUR LES
RÉGULATIONS ET LES ENJEUX SOCIÉTAUX
Le fait que la BS ait des liens avec d'autres disciplines - génie génétique ou nanotechnologies, entre autres - tout en étant considérée comme un champ émergent confère nécessairement une dimension ambivalente aux débats sur sa régulation et sur les enjeux sociétaux. D'un côté, comme l'ont déclaré certaines personnalités auditionnées par la Commission présidentielle américaine de bioéthique, ces débats entretiennent un sentiment de « déjà-vu », rappelant ceux qu'a soulevés le génie génétique il y a une quarantaine d'années. De l'autre côté, les spécialistes des sciences humaines et sociales - notamment - ne manquent pas de souligner les particularités de la BS suscitées par le contexte économique et social dans lequel elle se développe.
C'est bien cette ambivalence qui domine les enjeux dans les domaines suivants :
- l'appréciation et la gestion des risques,
- la propriété intellectuelle,
- la recherche et la formation,
- l'appropriation des sciences et des technologies émergentes par les politiques et les citoyens.
I.- L'APPRÉCIATION ET LA GESTION DES RISQUES
A.- LES APPRÉCIATIONS DIVERGENTES SUR LES RISQUES LIÉS À LA BIOLOGIE DE SYNTHÈSE
Ces divergences peuvent être constatées dans le cadre de l'analyse traditionnelle du rapport bénéfices-risques, mais aussi dans celui d'analyses qui pourraient être qualifiées d'iconoclastes, du fait des critères d'appréciation très sensiblement différents qu'elles retiennent. C'est le cas des positions de l'ONG canadienne ETC et du rapport réalisé par une équipe de sociologues de la London School of Economics.
1.- LES DIVERGENCES AU TITRE DU RAPPORT BÉNÉFICES-RISQUES
On distingue deux types de risques, selon qu'ils renvoient à des problèmes de sûreté ou des problèmes de sécurité. Reprenant une définition de l'OMS, la réglementation française, telle qu'elle résulte de l'article R. 5139-18 du code de la santé publique, prévoit les dispositions suivantes :
« On entend par :
« 1° Sécurité biologique : l'ensemble des mesures et des pratiques visant à protéger les personnes et l'environnement des conséquences liées à l'infection, à l'intoxication ou à la dissémination de micro-organismes ou de toxines ;
« 2° Sûreté biologique : l'ensemble des mesures et des pratiques visant à prévenir les risques de perte, de vol, de détournement ou de mésusage de tout ou partie de micro-organismes ou de toxines dans le but de provoquer une maladie ou le décès d'êtres humains . »
Qu'il s'agisse de bio-sûreté ou de biosécurité, l'appréciation des risques liés à la BS fait l'objet d'analyses contrastées, parfois contradictoires.
a) La diversité des interprétations des risques en matière de biosécurité
1° La question de l'adéquation de l'appréciation des risques liés aux OGM
Dans une étude déjà citée précédemment 128 ( * ) , Markus Schmidt fait observer que lorsque les méthodes d'appréciation des risques liés aux OGM se sont développées, l'approche actuelle de la BS aurait probablement été considérée comme utopique. C'est pourquoi, selon lui, il nous faut nous demander si la pratique actuelle de l'appréciation des risques liés aux OGM est suffisante pour couvrir dans les années à venir tous les développements qui seront menés dans le cadre de la BS.
Les réponses à cette question sont diverses.
Selon une première approche, la BS, issue, comme les OGM, des progrès du génie génétique intervenus au cours des quarante dernières années, ne comporte pas plus de risques que ce dernier, étant précisé que le génie génétique lui-même n'a été à l'origine d'aucun accident à ce jour. Certaines méthodes de recherche et de travail de la BS contribuent d'ailleurs, dans leurs objectifs, sinon à supprimer, du moins à limiter le risque de dissémination involontaire de micro-organismes dans l'environnement.
Ainsi, Markus Schmidt considère-t-il qu'un organisme doté d'un génome minimal est déjà l'accomplissement des objectifs de bio-sûreté. Parce que cet organisme est minimal, il ne possède pas de système redondant, ce qui le rend extrêmement vulnérable aux mutations. Un organisme doté d'un génome minimal ne serait pas en mesure d'entrer en compétition avec d'autres organismes vivant dans l'environnement, puisqu'il est dépourvu de mécanismes de défense lui permettant de survivre. Pour ces raisons, un organisme minimal est théoriquement un organisme sûr. Markus Schmidt convient toutefois que de futures expériences devront confirmer la théorie dans les faits.
De façon plus affirmative que Markus Schmidt, Philippe Marlière 129 ( * ) et Victor de Lorenzo 130 ( * ) soutiennent, dans une seconde approche et sur la base d'arguments similaires, que plus les micro-organismes sont modifiés génétiquement, plus ils seront vulnérables, ce qui serait de nature à garantir un niveau de sûreté élevé.
Philippe Marlière estime qu'il est possible de parvenir à ce résultat de sécurité, grâce à certains types de confinement. Tout d'abord, le confinement trophique consisterait à faire dépendre la prolifération des espèces de la fourniture d'une molécule exogène, qui n'existerait pas dans la chaîne alimentaire des habitats naturels au sens le plus large du terme. Le confinement trophique présente l'avantage de permettre à une population composée d'espèces synthétiques exigeant un « xénonutrient » d'atteindre une taille proportionnelle à la quantité de composés exogènes mise à sa disposition. Philippe Marlière propose également l'utilisation d'acides nucléiques exogènes (XNA), qui permettrait un confinement non seulement trophique mais sémantique, c'est-à-dire que les acides nucléiques comporteraient des bases azotées nouvelles - reconnues ou non - par l'ARN de transfert au cours de la synthèse des protéines.
Pour sa part, Victor de Lorenzo déclare que les bactéries génétiquement modifiées n'ont jamais causé de dommage à l'environnement. A cet égard, il relève que les efforts accomplis dans le domaine du génie génétique à la fin des années 70 ont permis le développement des bioréacteurs confinés basés sur les applications des biotechnologies.
Il fait également valoir que les recherches intensives et extensives financées par l'Union européenne sur la dissémination intentionnelle d'OGM ont conclu que, pour tout paramètre contrôlé, les OGM n'ont ni plus ni moins d'impact environnemental que leurs équivalents naturels. « Autrement dit, en termes de risques, il n'y avait rien de spécial au sujet de ce qui était recombinant . » Les mêmes conclusions ont été formulées aux États-Unis.
Victor de Lorenzo soutient ensuite qu'en quarante années de pratique du génie génétique, celui-ci n'a pas produit de micro-organismes plus ou moins virulents ou pathogènes que les micro-organismes naturels. Sur ce point, il fait observer que la reconstruction du virus de la grippe espagnole, qui a défrayé la chronique, a simplement copié quelque chose qui existait auparavant dans la nature et n'a rien à voir avec la création d'un nouveau pathogène.
Estimant que des milliards d'années d'évolution bactérienne auraient abouti à une homéostasie inaltérable, il confirme que, plus un organisme est modifié génétiquement, plus sa dangerosité diminue, car sa capacité d'adaptation aux conditions du milieu s'amoindrit. C'est pourquoi, selon lui, si l'on construit un microbe artificiel destiné à convertir de la cellulose en hydrogène, il y a peu de chances - même si le risque ne peut, à ce stade, être complètement écarté - qu'il s'échappe dans les bois et qu'il provoque finalement une explosion incontrôlable, du fait de l'intense homéostasie - existant aux niveaux global et local - du monde microbien.
Les raisonnements de Philippe Marlière et de Victor de Lorenzo, malgré la conviction avec laquelle ils sont exposés, n'en suscitent pas moins des objections. S'agissant d'abord du confinement des OGM synthétiques dans l'environnement, certains le jugent encore théorique, surtout dans le cas des bactéries. En outre, des techniques de confinement sont bien utilisées dans le corps humain. Mais pour autant, il paraît délicat d'affirmer que de telles techniques pourraient être appliquées avec succès dans le sol ou les milieux aquatiques.
Chez l'homme, les gènes « suicide » (confinement génétique) sont en effet utilisés dans le cadre de la thérapie génique, notamment contre certains cancers. Ainsi des chercheurs du CEA de Grenoble recourent-ils à cette technique, pour empêcher les vaisseaux sanguins d'alimenter les cellules cancéreuses, de façon à ce qu'elles périclitent 131 ( * ) .
On peut aussi objecter à Victor de Lorenzo qu'il sous-estime la complexité des interactions entre micro-organismes ainsi que l'incertitude qui régit la biodiversité, Michael O'Donohue, directeur de recherche à l'INRA, ayant précisé, sur ce dernier point, que nous ne connaissions que 5 % des facteurs influant la biodiversité.
Cette notion d'incertitude est au coeur de diverses analyses entendues par la Commission présidentielle américaine de bioéthique, notamment celle exprimée par Markus Schmidt.
2° Les diverses analyses de la notion d'incertitude
Ø L'analyse de Markus Schmidt
Dans son étude précitée 132 ( * ) , Markus Schmidt procède à une confrontation entre la technique actuelle d'évaluation des risques liés aux OGM et les différentes approches de la BS.
1) Les circuits biologiques basés sur l'ADN
Markus Schmidt rappelle les termes du communiqué de la quatrième réunion de la Conférence des Parties au Protocole de Cartagène sur la biodiversité, qui s'était tenue au mois de mai 2007.
S'agissant de l'Annexe III, relative à l'évaluation des risques, ce communiqué précisait : « En outre, nous sommes convenus que toutes les évaluations de risques concernant les organismes vivants modifiés devraient être menées au cas par cas, puisque les impacts dépendent de la caractéristique de la modification, de l'organisme receveur et de l'environnement dans lequel ils ont été ingérés . »
Pour Markus Schmidt, ces orientations montrent que les développements de la BS pourraient mettre en évidence d'importantes lacunes, en dépit du cadre d'évaluation des risques actuellement mis en place pour les OGM. Car une des différences entre le génie génétique et la BS tient à ce que, au lieu d'une partie de l'organisme, c'est l'intégralité des systèmes biologiques qui peut être transférée, usant potentiellement de centaines ou de milliers de caractéristiques provenant de différents organes donneurs. Les effets émergents dans la création de circuits génétiques synthétiques pourraient être la cause, selon Markus Schmidt, de difficultés dans la création des processus ainsi que de nouvelles incertitudes. Aussi est-il important d'analyser si la méthode actuelle d'évaluation des risques est en mesure de traiter ces multiples hybrides. La réponse serait négative pour ces systèmes de circuits biologiques. Car, au lieu de devoir évaluer les conditions dans lesquelles le nouvel élément génétique se comporte - dans la nouvelle cellule, dans un environnement déterminé - il est maintenant nécessaire d'évaluer les interactions entre les nombreuses parties génétiques, insérées dans la cellule. Ces interactions n'auront pas d'équivalent comparable dans la nature, ce qui accroîtra la difficulté à prédire le comportement de la cellule avec un degré élevé de certitude.
C'est pourquoi, selon Markus Schmidt, de tels systèmes biologiques soulèvent plusieurs enjeux, mentionnés dans l'encadré ci-après - si nous supposons que le système biologique a été conçu et inséré dans un organisme-bâti (ou châssis).
- Prédictibilité : Les caractéristiques du comportement du nouveau réseau peuvent-elles être prédites avec un degré de certitude qui autorise une estimation raisonnable des facteurs de risques ? - Évolution des forces : Qu'arrive-t-il au réseau si une ou plusieurs briques changent de fonction ou arrêtent de travailler comme prévu ? Comment l'ensemble du réseau changera-t-il ses caractéristiques ? - Robustesse : Comment la robustesse génétique ou fonctionnelle peut-elle être mesurée ? Que représenterait une « unité » significative et appropriée pour la robustesse de circuits biologiques ? - Fiabilité : Dans quelle mesure un circuit biologique est-il fiable ? Comment sa fiabilité peut-elle être mesurée ? - Risque : Pourrait-il y avoir des événements ou des séries d'événements imprévus entraînant des décès, des blessures, des maladies professionnelles, des dommages à la propriété ou à l'environnement ? - Limites de l'analogie avec les circuits électroniques : De quelle robustesse les circuits biologiques orthogonaux sont-ils dotés pour éviter les croisements entre les éléments fonctionnels de son circuit ? |
En plus de ces défis, Markus Schmidt remarque que, jusqu'à présent, les caractéristiques techniques des briques incluses dans le registre des bio-briques ne contiennent guère d'information explicite sur la sûreté. Il estime que, malgré certaines améliorations, un long chemin restera encore à parcourir avant que les caractérisations en matière de sûreté ne puissent finalement constituer la base d'un processus correct d'évaluation des risques, qui permette de décider si un circuit biologique est ou non sûr avant qu'il ne soit commercialisé ou disséminé dans l'environnement.
2) Le génome minimal
Un organisme doté d'un génome minimal, observe Markus Schmidt, est en soi un organisme sûr, puisqu'il peut seulement habiter dans des environnements déterminés et ne sera pas en mesure de s'en échapper. Pour autant Markus Schmidt considère que, pour prouver cette viabilité limitée, il serait utile de procéder à divers essais de dissémination dans des environnements différents de son environnement original en vue d'obtenir des données expérimentales réelles sur la gamme des environnements appropriés pour les organismes minimaux.
Selon lui, des évaluations supplémentaires seront nécessaires pour les organismes minimaux qui ont été implantés dans de nouveaux circuits biologiques, car de tels organismes ne peuvent être considérés comme des organismes minimaux. On doit prendre garde au cas où un circuit biologique implanté contribue à élargir la niche écologique d'une cellule de façon délibérée ou non intentionnelle.
3) Recherches sur les proto-cellules
Bien qu'actuellement, il y ait peu de preuves que les proto-cellules soient source de risques, Markus Schmidt estime qu'il est nécessaire d'en surveiller les développements, dans le cas où l'une d'entre elles déboucherait dans un proche avenir sur la création du vivant, ce qui, pour l'instant, de l'avis général, relève de la science-fiction.
4) La biologie de synthèse basée sur la chimie
A l'heure actuelle, aucun organisme vivant n'a été créé à partir d'acides nucléiques non naturels. Il n'existe guère de preuve que cela se produise dans un avenir proche. Toutefois, Markus Schmidt considère que la combinaison de l'extension du code génétique avec une nouvelle polymérase bien élaborée pourrait certainement conduire à de nouvelles étapes vers la mise en oeuvre d'un système génétique artificiel, par exemple dans E. Coli . Bien que l'on ignore si de tels organismes artificiels peuvent être créés, on devrait toutefois se demander comment l'on pourrait évaluer leurs risques potentiels.
Ø L'approche bénéfices-risques de la Commission présidentielle américaine de bioéthique
La Commission présidentielle américaine de bioéthique procède à une analyse bénéfices-risques de chacune des applications.
S'agissant de l' énergie , elle relève que la contamination résultant de la dissémination intentionnelle d'organismes fabriqués par la BS figure parmi les risques attendus. Car, à la différence des produits fabriqués par la chimie de synthèse, généralement bien définis et dotés de qualités prédictibles, les organismes vivants sont plus difficiles à maîtriser. Une dissémination mal contrôlée pourrait, en théorie, conduire à un croisement non souhaité avec d'autres organismes et à une prolifération incontrôlée, et menacer ainsi la biodiversité.
Envisageant la production de biocarburants à base de microalgues cultivées dans une mare, la Commission suggère un scénario-catastrophe dans lequel une nouvelle espèce d'algues bleu-vertes à haut rendement s'échapperait de son bassin et entrerait en concurrence avec des algues naturelles. Un organisme durable dérivé de la biologie synthétique pourrait alors se répandre dans les eaux naturelles, dans lesquelles il pourrait croître, chasser d'autres espèces et priver l'écosystème de nutriments vitaux, entraînant ainsi des conséquences négatives pour l'environnement.
Pour autant, la Commission estime que ce scénario est théorique. Car, pour elle, l'un des avantages offerts par la BS réside dans la diversité des outils et des stratégies destinés à remédier à de tels risques par la fabrication de gènes dits « terminator » ou « suicide ». Ces gènes peuvent être incorporés dans les organismes, ce qui les empêche de se reproduire ou de survivre en dehors du laboratoire. La Commission considère que certains des instruments élaborés par les chercheurs suffisent à neutraliser le risque de dissémination, ce qui est contesté par d'autres chercheurs, qui exigent des études supplémentaires à mesure que la BS se développe.
Une autre source de risque, susceptible de causer des dommages aux écosystèmes, est l'affectation des terres agricoles et d'autres ressources naturelles à la production de biomasse en vue de servir à la fabrication de biocarburant. La Commission considère que si de grands espaces devaient avoir de telles finalités, cela pourrait conduire à de nouvelles et intenses pressions sur la terre, en affectant potentiellement les productions vivrières, les petits producteurs dans les communautés villageoises et les écosystèmes existants.
La Commission souligne que, parce que les applications de la BS sont encore récentes, l'impact de la production de biocarburants sur l'utilisation de la terre n'est pas encore connu. Mais d'autres voix s'élèvent, comme celles des ONG, pour dénoncer l'impact du développement des biocarburants cellulosiques sur l'utilisation des terres agricoles aux États-Unis comme dans d'autres pays. D'autres - des chercheurs ou des industriels - suggèrent que la production de biocarburants serait sûre et se développerait au prix d'ajustements mineurs des pratiques actuelles d'utilisation de la terre agricole.
Au final, la Commission note que les rendements potentiels envisagés seraient encourageants, ce qui plaide en faveur du développement des biocarburants de synthèse, d'autant que la réduction du recours aux énergies fossiles permise par une telle production compenserait, selon elle, les risques attendus pour l'écosystème.
Toutefois, pour la Commission, une incertitude considérable demeure. En ce qui concerne l'impact de la BS sur la santé , elle note que, comme pour l'énergie, les risques potentiels sont à envisager, en cas de dissémination d'organismes fabriqués à l'aide de la BS. De même, de nouveaux organismes issus de la BS pour traiter des maladies peuvent provoquer des effets défavorables non prévus chez les patients. Ainsi l'usage de thérapies cellulaires d'origine bactérienne peut-il causer des infections ou des réponses immunitaires non prévues et non prédictibles au vu des connaissances actuelles.
La Commission estime que les nouveaux organismes fabriqués à l'aide de la BS peuvent représenter des risques inhabituels, si ce n'est sans précédent, résultant de leur potentiel de reproduction et d'évolution.
La Commission considère toutefois que nombre de ces risques sont qualitativement similaires à ceux qui surviennent dans la recherche biomédicale ou biotechnologique menée actuellement. Elle fait valoir, à cet égard, qu'il existe des mécanismes bien établis destinés à identifier et à gérer ces risques. De surcroît, comme pour les applications dans le domaine de l'énergie, des systèmes ont été conçus pour réduire ou éliminer ces risques. Ainsi l'ingénierie de la bio-sûreté vise-t-elle à construire des « freins » moléculaires ou des « ceintures de sécurité » qui limitent la croissance ou la réplication totale ou partielle de micro-organismes synthétiques. Ceux-ci peuvent être fabriqués pour être confinés physiquement ou temporairement.
Dans les domaines de l'agriculture, de l'alimentation et de l'environnement , la Commission indique que les risques liés aux applications de la BS sont analogues à ceux qu'elle a identifiés dans les secteurs de la santé et l'énergie. Pour autant, la Commission souligne que des efforts ciblés sont nécessaires dans les secteurs agricole et environnemental plus que dans les autres domaines, incluant le recours aux mécanismes incorporés - dont les gènes suicide - pour prévenir tout risque de dissémination accidentelle.
Mais surtout la Commission observe que de nombreuses applications de la BS vont au-delà du génie génétique pratiqué dans la biotechnologie aujourd'hui. Dans l'avenir, la BS pourra être capable de créer des organismes entièrement nouveaux et des systèmes qui, auparavant, n'existaient pas.
Elle relève également que les détracteurs de la BS tout comme ses partisans s'inquiètent du fait que, la création de nouveaux organismes ayant des fonctions incertaines et imprévisibles, des interactions non prédictibles à ce jour puissent affecter les écosystèmes et d'autres espèces dans des conditions inconnues et défavorables. Les risques associés de dissémination et de contamination peuvent être extrêmement difficiles à analyser à l'avance, étant donné que les nouvelles entités ainsi créées n'ont pas de références en termes d'évolution et d'impact environnemental. La Commission estime à cet égard que, malgré les découvertes de certains scientifiques selon lesquelles les organismes synthétiques autorisés à être fabriqués en laboratoire évolueraient toujours vers la non-fonctionnalité, des précautions doivent être prises dans le cas où un organisme synthétique se comporte hors du confinement du laboratoire différemment de ce qui avait été prévu.
Une deuxième préoccupation concerne l'impact des organismes synthétiques sur la biodiversité. La Commission se demande si un organisme résultant d'une synthèse chimique accroît ou appauvrit la biodiversité, telle que mesurée par les systèmes de classification traditionnels. Aux yeux de la Commission, la notion de biodiversité prend toute son importance environnementale et politique (notion d'arbitrage politique à opérer), lorsque l'utilisation de terres agricoles et d'autres ressources naturelles est en jeu.
Ø L'avis des scientifiques entendus par la Commission présidentielle américaine de bioéthique
Ces scientifiques ont fait état de réflexions concernant notamment la méthode d'évaluation des risques, son adaptation aux spécificités de la BS ainsi que les difficultés auxquelles elle peut se heurter.
En ce qui concerne la méthode d'évaluation des risques, Nancy King, professeure de sciences sociales et de politique de la Santé à Wake Forest University School of Medecine, a tenu à préciser les paramètres devant, selon elle, régir l'évaluation des risques. Elle considère que l'on devrait parler de bénéfices et de préjudices plutôt que de risques et de bénéfices, l'analyse du rapport préjudices-bénéfices lui paraissant plus complexe. Elle préconise également d'examiner avec précision tous les bénéfices et les préjudices au lieu d'en parler de façon approximative.
Elle introduit les critères suivants : leur nature anticipatrice, leur importance, leur durée et leur vraisemblance. Cette démarche repose sur trois motivations. Elle aide à éviter de tirer la fausse conclusion selon laquelle les bénéfices sont certains et les préjudices improbables. Elle contribue à promouvoir une compréhension plus nuancée des bénéfices potentiels et des risques, quelle que soit leur origine. Enfin, elle garantit la reconnaissance des compensations qui existent dans toute avancée médicale et scientifique.
En second lieu, Nancy King considère que l'évaluation doit inclure la prise en considération des alternatives valables. A cet égard, elle estime que la spécificité du contexte de la BS invoquée par plusieurs personnalités auditionnées par la Commission n'est en réalité pas propre à la BS. Classant la BS dans la catégorie des nouvelles biotechnologies, Nancy King fait remarquer que la BS présente de nombreuses incertitudes et inconnues - qu'il importe d'analyser - mais aussi de nouvelles voies menant à des bénéfices potentiels. Toutefois l'histoire d'autres nouvelles biotechnologies montre que le bénéfice peut ou non se concrétiser.
Le deuxième thème, relatif aux particularités de l'évaluation des risques en BS, porte, selon les intervenants, sur la question de savoir si cette évaluation est réellement différente de celle qui a été appliquée au génie génétique. Michael Rodemeyer, professeur à la School of Engineering and Applied Science de l'Université de Virginie met ainsi l'accent sur l'ambivalence qui caractérise, à ses yeux, l'évaluation des risques en BS. D'un côté, il relève que de nombreux intervenants ont indiqué à la Commission présidentielle américaine de bioéthique que les débats soulevés au cours des années 70 et 80 par l'ADN recombinant en matière de bio-sûreté sont, souvent, les mêmes que ceux qui concernent la BS. Pourtant, il constate qu'il existe des différences entre les deux domaines, lorsque l'on pose la question essentielle, à ses yeux, de savoir comment prévoir le risque potentiel lié à un organisme, en vue de connaître le niveau de bio-sûreté et de biosécurité à mettre en place. Michael Rodemeyer estime que, pour la technologie de l'ADN recombinant, cette évaluation est relativement simple parce que l'on peut trouver l'origine naturelle du segment de gène d'intérêt et déterminer sa fonction sur la base des connaissances naturelles.
En revanche, l'évaluation en BS lui paraît compliquée à assurer. Car un micro-organisme synthétique peut être assemblé à partir de briques génétiques modifiées prises dans plusieurs organismes qui n'ont aucun rapport entre eux ou même qui ont été construits de façon totalement artificielle en laboratoire. Dès lors, estime Michael Rodemeyer, il est concevable que les parties opèrent dans le nouvel organisme de façon inattendue et révèlent ainsi des comportements émergents.
Pour sa part, Nancy King réfute l'idée de nouveauté de la BS. Se référant aux propos d'intervenants soulignant que les développements de la BS sont seulement le fruit d'avancées incrémentales allant au-delà des développements nouveaux des biotechnologies en général, elle déclare : « Si c'est le cas, rien n'est réellement nouveau. L'évaluation du rapport préjudices-bénéfices en BS n'est pas, de façon significative, différente de celle qui est appliquée à d'autres nouvelles biotechnologies, y compris, par exemple, le transfert de gènes, le génie génétique, l'ingénierie tissulaire, la médecine régénérative et les nanotechnologies. »
Quant aux difficultés auxquelles l'évaluation des risques en BS est susceptible de se heurter, trois points évoqués par les intervenants méritent l'attention.
La première difficulté concerne l'évolution très rapide des recherches. Ainsi Michael Rodemeyer fait-il observer que la première génération des produits de la BS est, conformément aux attentes, relativement simple et pas très différente de la catégorie de leurs équivalents génétiquement modifiés, bien connus des Agences. Dans le court terme, ils ne soulèveront pas de nouveaux problèmes en matière d'évaluation et de gestion des risques.
Toutefois, Michael Rodemeyer considère que, du fait du développement continu de la technologie, et de la complexité et de la nouveauté croissantes des organismes de plus en plus artificiels, la capacité à évaluer les risques qui leur sont liés constituera un véritable défi. Ce sera un problème particulièrement sensible pour les micro-organismes destinés à être utilisés dans l'environnement. On peut s'interroger, dans ce contexte, sur la pertinence du transfert de la recherche à l'industrie de travaux dont on ne serait pas encore capable de mesurer les risques potentiels.
Une deuxième difficulté a trait à l'absence de transparence des activités de l'industrie, liée à la protection du secret industriel, notamment dans la production des biocarburants de nouvelle génération. A cet égard, Allison Snow, professeure à l'Université de l'Ohio, dans un laboratoire « plant population ecology laboratory », fait remarquer que le contrat s'élevant à six cents millions de dollars passé entre ExxonMobil et Craig Venter ne permet d'obtenir aucune information sur les algues génétiquement modifiées qu'ils envisagent de développer. Or, elle observe qu'il serait utile de savoir de quel type d'algue il s'agit, si elles sont dotées de gènes suicide, si elles vont croître dans des mares en plein air ou seront confinées dans un bioréacteur, si le milieu aquatique concerné contiendra de l'eau douce ou de l'eau salée, tous ces éléments ayant des conséquences différentes sur le niveau de risques potentiels.
Un dernier point soulevé également par Allison Snow concerne l'absence d'étude d'impact environnemental. Elle relève qu'une telle carence tient à ce que, d'habitude, les questions touchant à la dissémination dans l'environnement sont éclipsées au profit de celles relatives à la bio-sûreté et à la biosécurité. Elle estime également que l'accent est mis davantage sur les bénéfices potentiels que sur les préjudices éventuels de la BS.
En conclusion, dans ses préconisations, Allison Snow souligne la nécessité d'adopter pour la BS une évaluation au cas par cas, comme pour les OGM. Tous les organismes synthétiques ne présenteraient pas le même degré de risque potentiel. De plus, jusqu'à présent, les travaux menés en BS sont pour la plupart à un stade très précoce de recherche et développement. Ceux qui sont les plus avancés peuvent recourir à des organismes synthétiques totalement confinés. Sachant que la dissémination hors des installations de confinement n'est pas à exclure, Allison Snow considère que le risque est majoré en cas de passage à l'échelle industrielle. Définissant les points à prendre en considération, elle appelle l'attention sur la nécessité d'être très prudent lorsque des organismes s'auto-répliquant sont disséminés dans l'environnement. Selon elle, beaucoup d'entre eux ne sont pas susceptibles de provoquer de préjudices, mais des exceptions ne sont pas à exclure.
Évoquant le scénario-catastrophe hypothétique d'algues bleu-vertes destinées à produire des biocarburants - dont l'idée a été reprise par la Commission -Allison Snow souligne que ce type d'algues relâche des toxines dans l'environnement, produites par les blooms 133 ( * ) . Pour ces raisons, elle considère qu'il conviendrait de cesser de les cultiver.
S'agissant de la fiabilité des confinements physiques ou biologiques, en termes de sécurité, Allison Snow émet de fortes réserves. Ainsi note-t-elle que les gènes suicides peuvent ne pas toujours fonctionner, du fait d'erreurs humaines de manipulation et d'événements inattendus qui pourraient leur permettre d'échapper à tout contrôle.
De même, la probabilité d'une mutation rapide est-elle particulièrement élevée chez les microbes. Certains meurent, mais d'autres pourraient prospérer et évoluer. C'est le cas des organismes génétiquement modifiés qui pourraient échanger des gènes avec d'autres lignages ou d'autres espèces, créant ainsi une progéniture hybride, au sein de laquelle les gènes synthétiques les plus prospères seraient répandus dans leur descendance. En conséquence, Allison Snow considère que l'on ne peut prétendre catégoriquement que tous les organismes domestiqués ou censés être des organismes suicide génétiquement modifiés ne seront pas en mesure de persister dans l'environnement.
Enfin, Allison Snow estime qu'il est extrêmement difficile de déterminer les nouveaux organismes susceptibles de causer des préjudices irréversibles. Cette tâche est, selon elle, plus aisée dans le cas d'une culture génétiquement modifiée comme le maïs ou le soja, parce qu'ils ont été domestiqués et qu'ils nous sont familiers. Ils sont entièrement dépendants des humains et n'ont pas d'ancêtres sauvages, au moins aux États-Unis. En raison de cette expérience précoce avec les cultures génétiquement modifiées, il est plus aisé de disposer d'une base de comparaison, d'examiner les nouvelles caractéristiques et d'estimer qu'elles ne causeront pas de problèmes à l'environnement.
En revanche nous ne disposons pas de beaucoup d'expérience avec les microalgues ou les bactéries cultivées en plein air, sans parler des nouvelles formes de vie qui seraient entièrement synthétiques. Cela soulève, selon Allison Snow, la question de savoir si les agences seront en mesure de surveiller et d'évaluer les nouveaux types d'organismes entièrement ou partiellement synthétiques susceptibles de se disséminer.
Pier Luigi Luisi, professeur à l'Université de Rome 3, partage l'analyse de Michael Rodemeyer, d'Allison Snow et de Nancy King en estimant, lui aussi, que l'un des risques potentiels créés par la BS réside dans la faculté qu'auraient les chercheurs à créer des micro-organismes contre lesquels l'homme ne pourrait se défendre, du fait de leur nouveauté. Il faut cependant relativiser la portée de ces questions, car, pour de nombreux biologistes et bio-ingénieurs, on est encore très loin de la fabrication d'organismes nouveaux dont on ne sait même pas s'il sera possible un jour de les réaliser. De plus, les micro-organismes ainsi créés sont très vulnérables car ils n'ont pas de défenses adaptées pour survivre.
b) L'évaluation des risques en matière de bio-sûreté : entre surévaluation et évaluation circonspecte
Les spécialistes sont, en matière de bio-sûreté, confrontés à un double risque : celui du bioterrorisme, dont le détournement éventuel de la BS à des fins terroristes est un aspect, et celui de la biologie dite « de garage » facilitée par la vente en ligne de séquences d'ADN.
Dans les deux cas, on constate une fois encore que les évaluations sont contrastées.
1° Le risque d'un détournement de la biologie de synthèse à des fins malveillantes
Cette éventualité a été évoquée par Jonathan Tucker, spécialiste américain des questions de bio-sûreté 134 ( * ) . Un rapport sur la bio-sûreté et la recherche à usage dual 135 ( * ) souligne que, jusqu'à il y a encore quelques années, les principales questions touchant aux risques liés aux biotechnologies étaient les suivantes : le clonage est-il autorisé ? Les cellules souches embryonnaires peuvent-elles être utilisées à des fins médicales ? La production de cellules vivantes synthétiques devrait-elle être interdite ?
Analysant les facteurs qui différencient les problèmes d'usage dual dans la biologie « classique » de ceux existant dans la BS, les auteurs de ce rapport sur la bio-sûreté et la recherche à usage dual se réfèrent aux propos de deux spécialistes américains, Jonathan Tucker et Raymond Zilinskas, selon lesquels « le cas le plus probable d'une application détournée de la BS à des fins hostiles comprend la régénération des virus pathogènes connus en laboratoire 136 ( * ) » . Ce serait, par exemple, le cas du virus de la grippe espagnole, ou encore du virus de la polio.
Selon eux, cette régénération pourrait donner lieu à une application détournée, pour la fabrication d'armes biologiques ou à des fins de bioterrorisme. Ces mêmes auteurs jugent toutefois qu' « il n'existe pas, de façon fondamentale, de différence avec la question de l'usage dual dans la biologie traditionnelle. Ce que l'on doit rechercher, c'est savoir si les possibilités d'usage dual sont plus grandes ou différentes dans le domaine de la BS. »
Or, sur cette question essentielle, les positions sont une fois encore très partagées. Ainsi, Jonathan Tucker et Raymond Zilinskas estiment-ils que, « probablement, compte tenu de la difficulté à anticiper et à évaluer les risques liés aux organismes synthétiques, la BS exigera l'adoption d'une nouvelle approche de la régulation, qui diffèrera de façon significative des lignes directrices des NIH (National Institutes of Health) sur l'ADN recombinant » 137 ( * ) .
De façon plus affirmative encore, le rapport de Michele S. Garfinkel et de ses collègues souligne que, dans un avenir proche, le risque d'usage malveillant de la BS s'accroîtra, à cause de l'accélération des progrès de la technologie et de son accessibilité de plus en plus grande. 138 ( * ) Ces chercheurs estiment que le risque reste limité dans les cinq prochaines années, car la fabrication de virus très pathogènes, dont le génome est déjà connu, demeurera une opération plus difficile que leur obtention de façon naturelle ou dans les stocks des laboratoires. En revanche, dans les dix années à venir, ils sont convaincus qu'il sera plus facile de synthétiser la plupart des virus pathogènes que de les obtenir en les isolant de la nature ou en les subtilisant dans un laboratoire sécurisé.
Face à cette perspective inquiétante, un groupe de biologistes de synthèse a proposé, en 2006, une série de mesures qui peuvent être considérées comme un addendum a ux lignes directrices du NIH sur l'ADN recombinant. Ces mesures avaient pour objet déclaré 139 ( * ) :
- d'insister sur la nécessité pour toutes les sociétés synthétisant des gènes d'adopter l'actuel code des bonnes pratiques concernant les procédures de vérification des ordres d'achat des séquences dangereuses,
- de créer et de soutenir l'élaboration de nouvelles listes de surveillance, afin d'améliorer les procédures de vérification de l'industrie,
- de créer une ligne téléphonique d'urgence confidentielle dédiée aux problèmes de biosécurité et de bio-sûreté,
- d'affirmer les obligations éthiques des membres (de la communauté des biologistes de synthèse), d'enquêter et de présenter un rapport sur les comportements dangereux,
- de créer une grande communauté d'échange d'informations, en vue d'identifier et d'assurer la traçabilité des problèmes potentiels de biosécurité et de bio-sûreté,
- de soutenir les priorités de la R&D sur la bio-sûreté et la biosécurité.
Dans ce contexte, un chercheur a appelé l'attention sur la nécessité d'élever la prise de conscience des scientifiques concernant les risques liés à l'usage dual de la BS, constatant que seule une minorité d'entre eux en était informée 140 ( * ) . Cette tâche paraît d'autant plus nécessaire que de nombreux biologistes de synthèse sont issus, par leur formation, de disciplines autres que la biologie et peuvent être moins conscients des risques évoqués qu'un biologiste confirmé.
Malgré de fortes divergences d'appréciation, les scientifiques s'accordent tous sur le fait qu'il existe des moyens de nuire plus simples et plus dangereux que les produits de la BS - comme l'anthrax. Ce point de vue est toutefois contesté par le professeur Pier Luigi Luisi, qui estime que, parce que la BS peut créer des formes de vie nouvelles contre lesquelles il n'existe pas de défense possible, elle est susceptible de présenter des risques supérieurs à l'anthrax.
Ces mêmes chercheurs soulignent les difficultés liées à l'exploitation de la recherche à usage dual. Ainsi, Michele Garfinkel note-t-elle, dans son étude, que l'obstacle-clé à la fabrication d'un virus fortement pathogène réside dans la capacité à répliquer la séquence génomique correcte 141 ( * ) . Elle estime aussi que la tâche est d'autant plus difficile que les virus maintenus en laboratoire ont tendance à accumuler des mutations.
Les souches de laboratoire fournissent de nombreuses séquences virales, qui se trouvent actuellement dans des bases de données (les séquences d'ADN stockées dans les bases de données sont toutefois constamment mises à jour, en particulier celles des virus d'intérêt scientifique et sociétal). Enfin, la simple synthèse du génome ne constitue qu'une étape d'un processus qui en comporte beaucoup d'autres. La complexité du processus est donc un facteur qui limite les risques d'actes malveillants.
Jonathan Tucker a fourni des indications sur quelques étapes à franchir en vue de transformer un agent infectieux en arme biologique :
- cultiver l'agent infectieux en quantité nécessaire,
- modifier l'agent infectieux à l'aide d'additifs chimiques en vue d'élever sa stabilité et sa durée de vie,
- conserver l'agent infectieux dans un liquide concentré ou une poudre sèche,
- élaborer un système qui puisse disséminer l'agent infectieux sous la forme d'un aérosol à fines particules infectant les poumons 142 ( * ) .
Le nuage d'aérosol doit être relâché dans des conditions atmosphériques et météorologiques optimales, pour atteindre des victimes dans un territoire de taille suffisante. Or, les méthodes de stabilisation, d'habillage, de stockage et de dispersion d'un agent biologique, très compliquées, ne sont connues que d'un nombre limité de personnes et sont rarement publiées. De fait, souligne Jonathan Tucker, « même si les terroristes parvenaient à synthétiser un agent viral, ils seraient, selon toute vraisemblance, mis en grande difficulté durant la phase militaire du processus » .
De la même façon, les risques d'un usage dual par un Etat sont réévalués par Jonathan Tucker et Raymond Zilinskas. Ils voient, en effet, la première menace d'un usage malveillant de la BS dans les programmes de guerre biologique élaborés par l'ex-URSS, à l'aide de dangereux pathogènes, comme ceux à l'origine de l'anthrax, de la peste et de la tularémie 143 ( * ) .
A la différence de Jonathan Tucker et de Raymond Zilinskas, le professeur Pier Luigi Luisi souligne la dangerosité des programmes militaires de l'ensemble des pays (France, États-Unis, Russie et Chine notamment). Il estime que les produits fabriqués par les laboratoires militaires de biologie de synthèse de ces pays peuvent tuer une population ciblée, ce qui le conduit à douter de la réelle portée de la convention sur les armes bactériologiques ou à toxines.
Jonathan Tucker et Raymond Zilinskas se posent la question de savoir si des scientifiques possédant cette expertise pourraient utiliser la BS en vue de concevoir et de fabriquer un pathogène entièrement artificiel qui soit, de façon significative, robuste donc plus dangereux que ceux qui existent déjà dans la nature, voire mortel.
Pour Jonathan Tucker et Raymond Zilinskas, un tel scénario est hautement improbable. Car, pour créer un tel pathogène artificiel, un biologiste de synthèse compétent devrait assembler des complexes de gènes qui, travaillant ensemble, permettent à un microbe d'infecter un être humain et de générer une maladie mortelle. La conception d'un pathogène contagieux et capable de se propager serait encore plus difficile. De plus, un pathogène synthétique devrait être équipé de mécanismes destinés à bloquer les défenses immunitaires de l'hôte, caractéristiques acquises par les pathogènes naturels depuis des millénaires d'évolution. Il en résulte, selon Jonathan Tucker et Raymond Zilinskas que, devant ces obstacles techniques multiples et sérieux, la menace d'un « super pathogène » synthétique apparaît surfaite, au moins dans un avenir prévisible.
Dans le même esprit, le rapport sur la bio-sûreté et la recherche à usage dual précité estime que tout ce qui est dit au sujet de l'usage possible à des fins malveillantes de la BS « revêt toutefois une valeur plutôt hypothétique ».
Si ses auteurs préconisent d'être attentif à ces développements possibles à un stade précoce, ils considèrent cependant que « les risques ne doivent pas être surévalués ». Ce qui importe davantage, c'est de ne pas accorder une importance prioritaire à la possibilité d'un usage dual, pour éviter de ralentir ou d'obérer des développements prometteurs de la BS ou d'en écarter des chercheurs talentueux provenant de l'étranger (en particulier des pays suspects) 144 ( * ) .
Toutefois, Jonathan Tucker et Raymond Zilinskas se déclarent préoccupés par deux scénarios d'usages délibérément malveillants de la B.S. Le premier est celui de « l'opérateur isolé », un biologiste moléculaire de haut niveau qui nourrirait une rancune obsessionnelle à l'encontre de certains individus, de groupes ou de l'ensemble de la société. Ils font remarquer que si Théodore Kaczyinski, encore appelé « Unabomber » 145 ( * ) , avait été un microbiologiste et non un mathématicien, il aurait pu correspondre à ce profil. Des terroristes ainsi appelés « loups solitaires » se sont avérés très innovants et difficiles à localiser. Ils pourraient travailler de façon isolée en vue de synthétiser un pathogène naturel ou un pathogène incorporant des facteurs exogènes de virulence.
Jonathan Tucker et Raymond Zilinskas estiment que, à cause de son isolement, un opérateur solitaire ne serait probablement pas découvert par les services de renseignements avant son passage à l'acte. A l'appui de leur argumentation, Jonathan Tucker et Raymond Zilinskas considèrent que le vivier de personnes capables d'utiliser la BS à des fins malveillantes est limité à un petit nombre d'étudiants - diplômés ou non - et de scientifiques seniors, soit probablement moins de 500, selon l'évaluation probabiliste faite au début de l'année 2006. Cela n'en est pas moins inquiétant et mérite d'être suivi attentivement, d'autant que, dans l'avenir, ce nombre devrait croître en proportion de la communauté des chercheurs en BS, un domaine promis à un développement important compte tenu de son potentiel. On peut toutefois se demander si l'opérateur solitaire envisagé par Jonathan Tucker et Raymond Zilinskas parviendrait si facilement à ses fins, compte tenu des nombreux obstacles techniques assez insurmontables, signalés par ces mêmes auteurs précédemment.
Le deuxième scénario préoccupant est celui du « biohacker », ou biologiste « de garage ». Les évaluations des risques sont, là aussi, contrastées.
2° Les risques de la biologie de garage
La notion de biologie de garage désigne les amateurs qui, sans avoir des intentions nécessairement malveillantes, cherchent - le plus souvent en dehors des institutions officielles de recherche - à créer des organismes biologiques par curiosité ou par souci de démontrer leur capacité. Leur motivation peut être jugée comparable aux hackers informatiques opérant sans arrière-pensée malveillante.
Aux États-Unis, notamment, ces individus sont considérés comme faisant partie d'une communauté informelle appelée DIY ( Do It Yourself : faites-le vous-même).
Les différentes analyses des risques potentiels liés au développement des activités des biologistes de garage se situent entre alarmisme et simple circonspection. Les inquiétudes suscitées par ces activités résultent des facilités accrues à faire de la BS. Ainsi Jonathan Tucker et Raymond Zilinskas font-ils remarquer que les réactifs et outils utilisés en BS seront finalement convertis en kits commerciaux, ce qui permettra aux biohackers de les acquérir plus facilement. En outre, comme les étudiants - et peut-être même les lycéens - pourront de plus en plus accéder à une formation en BS, une « culture de hacker » pourra ainsi émerger, ce qui accroîtra le risque d'expérimentations « hors cadre », simplement négligentes ou tout à fait malveillantes.
Sur ce dernier point, Markus Schmidt fait remarquer que ce qu'il appelle la bio-économie illicite constitue une source sérieuse de préoccupation. Ce secteur inclut, en effet, la production de substances illégales, les drogues. A la différence des biologistes amateurs qui opèrent avec de petits budgets, la bio-économie illicite et ses acteurs sont connus pour disposer d'importants moyens financiers. Il est donc facile d'imaginer que les cartels de la drogue mettent en place des laboratoires (semi-)professionnels utilisant une boîte à outils biologiques aisément disponible pour concevoir des micro-organismes, en vue de produire non pas une levure produisant l'artémisinine mais une levure synthétisant de la cocaïne ou de l'héroïne semi-synthétique 146 ( * ) .
Le fait que de telles dérives puissent avoir lieu conduit Antoine Danchin à se demander si les scientifiques ne devraient pas se refuser à publier leurs travaux susceptibles d'encourager des usages malveillants 147 ( * ) . Faisant écho à l'analyse d'Antoine Danchin, professeur honoraire à la faculté de médecine Li Ka Shing de l'Université de Hong Kong et président d'Amabiotics SAS, Michael Rodemeyer, professeur à l'Université de Virginie, a souhaité, lors de son audition par la Commission présidentielle américaine de bioéthique, que la biologie de garage fasse l'objet d'une réglementation. Il fait valoir que le potentiel de dommages involontaires est réel, à mesure que les outils et les technologies deviennent moins coûteux et plus accessibles. Or, il n'existe pas de modèles réglementaires clairs qui permettraient d'aborder ces problèmes. Les autorités locales ou celles de l'État fédéral ne disposent pas, en dépit de certains textes réglementaires, de la capacité technique pour évaluer les risques de toutes les activités de recherche. Ainsi, les mesures prises pour vérifier les ordres d'achat des séquences d'ADN se concentrent-elles sur les questions de bio-sûreté en lien avec les agents pathogènes, une telle démarche ne permettant pas nécessairement de saisir toutes les questions de bio-sûreté. Pour ces raisons, Michael Rodemeyer a estimé que si les mesures destinées à développer des codes de conduite sûre au sein de la communauté Do It Yourself (DIY) étaient louables, elles ne permettront probablement pas d'assurer un usage sûr de la technologie. En conséquence, il a demandé que le Gouvernement fédéral procède à une évaluation des risques posés en matière de bio-sûreté par les recherches et les travaux des biologistes de DIY, en concertation avec les autorités locales, pour apporter les réponses appropriées.
Il est vrai que le processus de démocratisation de la BS ainsi que celui de « technicité décroissante » de la BS sont désormais une réalité, au développement de laquelle ont contribué, pour une grande part, le registre des bio-briques et le concours iGEM, les objectifs du registre étant « de permettre l'ingénierie de la biologie et contribuer à la construction d'une société qui puisse, de façon productive, appliquer les technologies biologiques » . 148 ( * )
Dans ce contexte, les risques évoqués antérieurement ne doivent pas être exclus.
Pour autant, bien que la BS soit de plus en plus accessible, des obstacles de nature scientifique et financière empêchent les biologistes de garage de procéder à des travaux qui auraient des finalités malveillantes. Ainsi un rapport du National Science Advisory Board for Biosecurity (NSABB) 149 ( * ) de 2006 faisait-il observer que la technologie de synthèse de l'ADN est facilement accessible, simple, et constitue un outil fondamental utilisé dans la recherche biologique. En revanche, la technique de construction et d'expression des virus en laboratoire est plus complexe. Ce sont les procédures en aval de la synthèse de l'ADN qui marquent les limites dans la récupération des virus à partir du matériel génétique.
De même, la Commission présidentielle américaine de bioéthique déclare-t-elle qu'il y a peu de risque que la communauté des biologistes de garage crée un organisme totalement nouveau. Elle rappelle ainsi que la synthèse réalisée par Craig Venter en mai 2010 a demandé 15 années de travail et coûté environ 40 millions de dollars (soit environ 25 millions d'euros).
Pour ces raisons, la Commission présidentielle américaine de bioéthique a évalué la biologie de garage comme un niveau de risque faible, dont la surveillance ne nécessiterait pas la création d'un nouvel organisme. Elle a fait sienne l'idée initiée par le FBI de diffuser une « culture de responsabilité », notamment au sein de la communauté des biologistes de garage, en vue de prévenir les usages malveillants de la BS. A ce titre, le FBI est l'un des sponsors du concours iGEM et les questions de bio-sûreté, de biosécurité et d'éthique font désormais partie des critères d'évaluation des projets présentés par les participants au concours. Un atelier spécifique avec le FBI a d'ailleurs été mis en place pour l'édition 2011 du concours. Au-delà, le FBI a développé une stratégie de communication à travers des forums. Par exemple, le 30 juin 2010, il a participé, à l'Université de Berkeley à l' Open Science summit Conference , dont l'un des thèmes était la possibilité d'une transition du simple DIY 150 ( * ) à « Do it with others » (DIWO : faites-le avec d'autres). Il est intéressant de noter que l'une des recommandations de cette réunion a incité les biologistes de DIY à joindre les Institutional Biosafety Committees (IBC, Commissions institutionnelle de biosécurité). Ces commissions sont instituées dans tous les établissements recevant des crédits du National Institutes of Health (NIH) au titre de travaux sur l'ADN recombinant. En outre, la réglementation du NIH précise que chaque commission est tenue de comprendre deux membres, qui représentent les intérêts d'associations en charge de la protection de la santé et de l'environnement. L'objectif est que ceux qui pratiquent le DIY prennent notamment connaissance et appliquent les procédures concernant l'utilisation correcte des matériaux biologiques dangereux.
L'évolution de la méthode utilisée par le FBI pour maîtriser les dérives de la biologie de garage ou de « mauvaises » pratiques dans les laboratoires est intéressante. Initialement, la méthode utilisée était celle, traditionnelle, du renseignement et de la « délation ». Ayant pris conscience de son inefficacité, dans un milieu de chercheurs réfractaires à la pratique de la délation, le FBI a radicalement changé de méthode. Il a ainsi constitué une équipe de biologistes, biochimistes, informaticiens, de haut niveau, dédiée à la veille sur les évolutions de la BS. Cette équipe d'experts, crédible pour ses interlocuteurs de la recherche et de l'industrie, a établi des relations de confiance et de partenariat avec les laboratoires de recherche, les biologies de « garage » et les responsables du concours iGEM, développant ainsi une culture collective de sécurité et de sûreté, qui responsabilise l'ensemble de la communauté.
Grâce à cette stratégie, qui ne touche d'ailleurs pas seulement les jeunes et les étudiants mais l'ensemble de la société 151 ( * ) , le FBI est parvenu à créer sinon une relation de confiance avec les jeunes, en particulier avec les biologistes « de garage », du moins à diffuser chez eux une image positive. Ainsi, les représentants du FBI nous ont-ils déclaré que dans l'esprit des jeunes, le FBI avait devancé Google comme employeur le plus attractif. Au demeurant, j'ai pu noter que le FBI recrutait de nombreux titulaires de doctorat, dont un ancien doctorant en biochimie de l'ESRF (synchrotron) que j'ai retrouvé dans l'équipe du FBI ! Cette expertise est d'autant plus utile que, en tant que membre du NSABB, le FBI est appelé à donner des conseils aux sociétés ayant des activités de synthèse et de séquençage.
On notera qu'en France, une association de biologistes de garage - La Paillasse - a été créée récemment, à l'initiative d'un universitaire. François Képès nous a indiqué que le milieu académique s'intéresse à ces activités, qui contribuent à élever le niveau de connaissances scientifiques de la population et à contrecarrer les actions de mouvements opposés à la science et à la technologie, bien que diffusant largement leurs idées par une utilisation intensive des nouvelles technologies de l'information et de la communication, notamment sur internet.
De plus, l'association La Paillasse présente l'intérêt de susciter des débats sur les questions de sûreté et de sécurité. Les membres de cette association seraient d'ailleurs demandeurs d'une réglementation, pour donner un cadre légal à ces activités.
* 128 Markus Schmidt, «Do I understand What I can create?»
* 129 Philippe Marlière,« the Farther, the safer : a manifesto for securely navigating synthetic species away from the old living world», Syst Synth Biology, 2009, article précité.
* 130 Victor de Lorenzo, «Environmental biosafety in the age of synthetic Biology : Do we really need a radical new approach?», Bioessays, 2010.
* 131 CEA Techno(s), «Un gène suicide pour "affamer" les tumeurs », n°70, mars 2004.
* 132 Markus Schmidt, «Do I understand what I can create?», chapitre 6 de l'ouvrage collectif «Synthetic Biology, the Technoscience and its Societal Consequences».
* 133 Un bloom - on parle aussi d'inflorescence - est une croissance exponentielle de populations de microalgues ou de bactéries photosynthétiques (cyanobactéries) dans les milieux aquatiques, marins ou lacustres. Les blooms peuvent provoquer la suffocation des poissons, mais aussi représenter un danger pour l'homme lorsqu'ils produisent des toxines.
* 134 Jonathan Tucker, «Could terrorists exploit synthetic biology?», The New Atlantis, 2010.
* 135 «Report on Biosecurity and Dual use research», A report for the Dutch Research Council, janvier 2011, p.13.
* 136 Jonathan Tucker et Raymond Zilinskas, «The Promise and Perils of synthetic Biology», The New Atlantis, 2006.
* 137 Jonathan Tucker et Raymond Zilinskas, «The Promise and Perils of synthetic Biology», the New Atlantis, 2006.
* 138 Michele S. Garfinkel et al. , «Synthetic Genomics Options for governance», octobre 2007.
* 139 S. N. Maurer, K.V. Lucas et S. Terrel, «From Understanding to Action. Community-Based options for Improving Safety and Security in Synthetic Biology», Berkeley, University of California, 2006.
* 140 Alexander Kelle, «Synthetic biology and biosecurity : From low level of awareness to a comprehensive strategy», PubliMed, 2009.
* 141 Michele S. Garfinkel et al ., «Synthetic genomics, Options for governance», étude précitée.
* 142 Jonathan Tucker, «Could terrorist exploit synthetic biology », The New Atlantis, 2010, étude précitée.
* 143 Jonathan Tucker et Raymond Zilinskas, «Tthe promise and perils of synthetic biology », the New Atlantis, 2006, étude précitée. La tularémie est une maladie due à une bactérie ( Francisella tularensis ), qui se transmet à l'homme par l'intermédiaire des lièvres. La simple manipulation d'un lièvre malade ou de son cadavre suffit pour être contaminé.
* 144 «A report for the Dutch Research Council», Report on Biosecurity and Dual use research, janvier 2011, rapport précité.
* 145 L'intéressé avait été l'auteur d'un attentat à Atlanta en 1996.
* 146 Markus Schmidt, « Do I understand what I can create? », 2009, article précité.
* 147 Antoine Danchin, « Not every truth is good », EMBO report, 15 février 2002. Dans cet article, Antoine Danchin écrit notamment que « si nous [scientifiques] devions suspecter que notre recherche pourrait faire aisément l'objet d'abus, nous devrions agir de façon appropriée - même si cela signifie la non-publication de nos découvertes ».
* 148 Site internet d'iGEM.
* 149 Le National Science Advisory Board for Biosecurity est un organisme fédéral dépendant du Département de la Santé. Il est chargé de faire des recommandations sur les questions concernant les moyens d'empêcher que la recherche publiée en biotechnologie n'aide le terrorisme, sans toutefois ralentir le progrès scientifique.
* 150 DIY - Do it yourself (Faites-le vous-même) : c'est le nom donné à l'une des composantes de la communauté des biologistes de garage.
* 151 Ainsi, le FBI a-t-il financé en partie une réunion organisée les 3-4 mai 2010 en partenariat avec la Société pour la recherche médicale sur la bio-sûreté qui a été la première conférence organisée sur ce thème.