III. FAIRE DE L'ÉGALITÉ PROFESSIONNELLE L'ENJEU D'UNE POLITIQUE PUBLIQUE
Les inégalités salariales subies par les femmes sont souvent l'aboutissement d'une accumulation d'inégalités de traitement ou de pratiques discriminatoires qui font partie intégrante de la politique sociale des entreprises. Elles entraînent également des conséquences sur les droits liés au travail (retraites, droits à la sécurité sociale...).
Ainsi, reflètent-elles :
- l'affectation prioritaire du personnel féminin de l'entreprise à des emplois peu qualifiés ;
- le maintien dans des emplois à temps partiel non choisi ;
- à l'autre bout de l'échelle, l'« invisibilité » 25 ( * ) des femmes à des postes de cadres ou de dirigeants d'entreprises, en dépit des compétences égales à celles des hommes à qui ces postes sont « réservés ».
Les différences de salaire appliquées par l'entreprise sont, par ailleurs, très fréquemment « expliquées » par la forte probabilité qu'une femme, entre 25 et 35 ans, devrait concilier sa vie privée avec sa carrière professionnelle.
A. LES ÉCARTS DE SALAIRES SONT SOUVENT L'ABOUTISSEMENT D'UNE ACCUMULATION D'INÉGALITÉS DE TRAITEMENT SUBIES PAR LES FEMMES DANS L'ENTREPRISE
Les inégalités de salaires ne sont souvent que la concrétisation de l'ensemble des injustices sociales subies par les femmes dans les entreprises.
On ne peut donc aborder la question de l'égalité salariale sans réfléchir à un certain nombre d'enjeux fondamentaux pour les femmes :
- en termes de reconnaissance de leurs compétences ;
- en termes d'accès aux emplois, dont certains restent encore réservés aux hommes alors qu'elles ont les qualifications correspondant à ces postes ;
- en termes de quotité du travail ;
- en termes d'organisation du travail et de compatibilité entre les horaires de travail, la vie familiale et la vie personnelle ;
- en termes de partage des tâches au sein des couples, dont on sait qu'il a très peu évolué en dépit du taux d'emploi des femmes ;
- mais aussi en termes d'accès aux droits liés au travail : retraite, indemnités de chômage, indemnités journalières de maladie, etc.
B. LANCER UN PLAN INTERMINISTÉRIEL DE LUTTE CONTRE LES INÉGALITÉS PROFESSIONNELLES
Si l'on veut réellement réduire les écarts réels de rémunération mais aussi de droits que continuent de subir les femmes dans le monde du travail, c'est sur l'ensemble des facteurs qui en sont la cause qu'il faut agir.
C'est pourquoi la délégation souhaite que la question de l'égalité professionnelle devienne un enjeu de politique publique à part entière.
Elle appelle de ses voeux le lancement d'un grand Plan interministériel de lutte contre les inégalités professionnelles, piloté par un ministère aux droits des femmes à part entière, qui pourra s'appuyer sur un réseau déconcentré solide, les déléguées régionales aux droits des femmes s'associant aux DIRECCTE pour impulser et assurer les actions, en concertation avec les collectivités territoriales et le réseau associatif local.
En cette matière, les collectivités territoriales ont un rôle essentiel à jouer, aussi bien en tant qu'employeurs qu'en tant que partenaires des entreprises privées :
en tant qu'employeurs, elles doivent être exemplaires. A cet égard, le Conseil des communes et régions d'Europe (CCRE) a lancé, le 12 mai 2006, une charte européenne 26 ( * ) pour l'égalité des femmes et des hommes dans la vie locale. Les collectivités signataires de la charte s'engagent notamment à intégrer la dimension du genre dans toutes les activités des collectivités territoriales ;
en tant que partenaires sociaux, elles doivent être intransigeantes et, notamment, conditionner la conclusion des contrats au respect des obligations légales en matière d'égalité professionnelle.
C'est en ce sens que la délégation a formulé sept recommandations, dont trois visent en particulier les entreprises, les quatre autres engageant plus largement les politiques publiques.
* 25 Un des titres du rapport de Brigitte Grésy, précité
* 26 La charte pour l'égalité des femmes et des hommes dans la vie locale, CCRE-CEMR