COMPTES RENDUS DES VISITES

I. SHOWROOMPRIVE.COM (SIÈGE ET ATELIERS), ENTRETIEN AVEC THIERRY PETIT, FONDATEUR ET DIRECTEUR ASSOCIÉ

Le 28 avril 2011

Quelques données générales concernant l'entreprise :

- avec 180 millions d'euros de chiffre d'affaires (prévision 2011), showroomprivé est, après vente-privee.com, le numéro deux de la vente privée en France ; sa croissance est très forte (+ 70 % en 2010) ;

- 6 millions de membres en France ;

- 2 millions de commandes par an ;

- un panier moyen relativement petit : environ 50 euros ;

- dans le schéma-type, un produit initialement vendu 100 euros par une marque est acheté environ 15 euros par showroomprivé (prix demeurant supérieur à son coût de revient brut) et revendu 30 euros, aboutissant à une remise faciale de 70 % pour les clients ;

- pour assurer sa croissance, l'entreprise a du recourir à un fonds d'investissement américain (Accel partners) qui a injecté 50 millions de dollars dans l'entreprise ;

- M. Thierry Petit observe que deux caps ont été décisifs dans l'évolution organisationnelle de l'entreprise : le passage des 20 millions d'euros de chiffre d'affaires, qui implique de faire évoluer une organisation artisanale vers une organisation semi-industrielle, et le cap des 100 millions d'euros de chiffre d'affaires, qui suppose une industrialisation générale des process de l'entreprise ;

- l'entreprise a élargi son offre à l'Espagne en 2010, où 600 000 membres ont été conquis en 6 mois, avec 1,5 million d'euros investis en marketing. Les frais d'expédition demeurent contenus car l'entreprise recourt aux services des primeurs espagnoles (camions retournant vides en Espagne). En 2011, Showroomprive a également développé son offre au Royaume-Uni et en Italie. L'entreprise est sur le point de le faire en Allemagne ;

- côté fournisseur, le marché est essentiellement européen.

Le modèle économique de l'entreprise repose sur l'écoulement de marchandises déstockées par des marques dont beaucoup bénéficient d'une forte notoriété ; pour des questions d'image, ces dernières ne veulent pas pratiquer de fortes remises dans leurs réseaux habituels de distribution, et trouvent ici un débouché permettant une valorisation discrète de la marque sur des produits plus anciens tout en ménageant l'exclusivité du réseau pour les dernières collections. Afin de proposer, sans contrevenir à la règlementation, des produits soldés toute l'année, le site fonctionne sur le principe de la vente privée, qui nécessite une inscription préalable (gratuite) pour recevoir les offres.

M. Thierry Petit estime que ce modèle n'est pas fragilisé par la perspective d'une saturation du marché du déstockage. En effet, les ventes, initialement centrées sur le prêt-à-porter, s'élargissent à d'autres domaines (cosmétiques, ameublement etc.), si bien que de nouvelles « marges de déstockage » sont constituées. Des opérations concernant des produits plus inattendus, comme du vin ou du foie gras, ont même été menées avec succès, si bien que le modèle s'ouvre à des opérateurs ne procédant pas, à proprement parler, à du déstockage.

Forte de 200 collaborateurs, l'entreprise comprend de très nombreux métiers, dont notamment des manutentionnaires, des logisticiens, des commerciaux, des webmasters et des photographes. Ces derniers recourent ( via des agences) à des mannequins qui « redonnent vie » aux anciennes collections de grandes marques appréciant qu'on valorise ainsi des produits dont le sort naturel était de « terminer » en vrac dans les bacs de magasins de déstockages.

La moyenne d'âge des salariés est de 26 ans. Il y a peu d'intérimaires et de saisonniers, car ils ont du mal à s'approprier les valeurs de qualité de l'entreprise, qui préfère en cas de besoin recourir à la sous-traitance, notamment pour la logistique lors des périodes de pointe (fêtes). D'une façon générale, le recrutement pose problème, l'ANPE et l'APEC apparaissant comme dépassées : pour donner un exemple, la recherche d'un webmaster, qui n'entre pas dans des nomenclatures devenues obsolètes, peut déboucher sur le renvoi d'une cinquantaine de propositions d'informaticiens non pertinentes... En revanche, un climat social favorable -qu'expliquerait à la fois le contexte facilitateur d'une forte croissance interne et une gestion des ressources humaines attentive- s'avère propice à une bonne fidélisation du personnel.

Concernant les ventes, il y a peu de contentieux ; ces derniers concernent essentiellement des problèmes de cartes volées. La recherche d'une satisfaction constante du consommateur, avec la mise en ligne de photographies réalistes des produits vendus sur le site et un SAV performant et réactif, est essentielle car, pour être de plus en plus sensible au prix, sa fidélisation est aussi de plus en plus difficile.

Seuls 30 % des produits vendus par showroomprivé font préalablement l'objet d'un achat définitif ; les autres résultent de ventes « conditionnelles », généralement réexpédiées sur le champ aux clients les ayant préalablement commandés, donc sans possibilité d'invendus. La quasi-totalité des stocks entreposés sont ainsi constitués des achats définitifs.

La visite de l'atelier de préparation des commandes montre l'extrême rationalisation de la chaîne, partant des stocks livrés et aboutissant à la constitution des commandes prêtes à être expédiées. Par exemple, une machine fabrique en amont des cartons pré-étiquetés à l'adresse de leur destinataire, d'un volume correspondant à la commande qui y est ensuite introduite. L'automatisation étant poussée aussi loin que possible, l'essentiel de la main d'oeuvre se rencontre dans la phase du « picking », c'est-à-dire de composition manuelle des paniers commandés.

La visite du hangar de stockage (qui correspond ainsi aux 30 % de stocks achetés), d'une surface de 10 000 m 2 , est également impressionnante, puisqu'il comprend l'équivalent de 6 mois de stock ; les produits, conservés jusqu'à un an et demi, sont écoulés préférentiellement dans les « creux » de la vente conditionnelle, par exemple au moment des fêtes (jouets...). Au total, 6 000 à 10 000 commandes sont expédiées quotidiennement.

M. Thierry Petit estime que le succès de l'e-commerce en France doit beaucoup à la qualité de ses services postaux, peu contestable au regard de celle de certains de leurs homologues étrangers.

Il observe que le commerce électronique est un important pourvoyeur d'emploi et d'activité qu'il convient d'encourager, quel que soit le bilan économique consolidé de la progression du commerce électronique, dont une part s'effectue nécessairement au détriment du commerce physique. En effet, les part de marché que les entreprises d'e-commerce nationales n'auront pas conquis (en France comme à l'étranger) le seront par d'autres entités qui, implantées en dehors de nos frontières, seront loin d'engendrer autant d'emploi et de recettes sociales et fiscales sur le territoire.

On pourrait donc déplorer, lorsqu'elle se manifesterait, toute frilosité des pouvoirs publics, des entreprises et des investisseurs français à l'endroit du commerce électronique.

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