X. PHILIPPE DE CLERMONT-TONNERRE, STAR SERVICE

M. Hervé Street, PDG de Star's Service, est son actionnaire principal depuis vingt ans. L'entreprise, implantée dans toute la métropole, possède 1 800 véhicules, dont 700 en Ile-de-France.

Elle est le leader de la livraison à domicile en véhicule réfrigéré de denrées alimentaires en milieu urbain et périurbain au départ de super et hyper marché. C'est notre coeur de métier.

En magasin les délais de livraison sont de H+1 à H+3 suivant la typologie de ces magasins et les relations contractuelles avec parfois la possibilité de paiement à domicile par carte bancaire.

L'e-commerce alimentaire s'est développé depuis 2000. Les commandes sont préparées dans des entrepôts dédiés et nous les livrons après avoir optimisé les tournées. Les enseignes n'ont pas toutes les mêmes propositions commerciales, cela peut aller de H+6 à J+3, avec ou sans facturation des frais de livraison, souvent variables en fonction de la valeur du panier.

La grande distribution développe actuellement des commandes, via leur site, préparées directement en magasin en non plus dans des entrepôts.

On ne sait toujours pas si l'e-commerce alimentaire est rentable. L'e-commerce est une « vitrine » que les grands distributeurs souhaitent présenter à leurs clients et qui répond à un besoin d'une population « pressée ». Ce canal de distribution supplémentaire est susceptible de procurer un « effet-volume » leur permettant le cas échéant de mieux négocier avec leurs fournisseurs.

Aujourd'hui les grandes villes essayent de promouvoir la construction d'« hôtels logistiques » qui seraient alimentés par des poids lourd, les livraisons seraient effectuées ensuite en véhicules légers avec comme objectif l'utilisation de « véhicules propres ».

Il n'est pas certain que cette architecture résolve les difficultés de la logistique urbaine qui sont particulièrement sensibles dans les grandes métropoles : partage des voies de circulation, gestion des encombrements, des aires de livraison .... , en dépit d'annonces formulées par des autorités communales.

XI. NATHALIE HOMOBONO, DIRECTRICE GÉNÉRALE DE LA DGCCRF, CÉCILE PENDARIES, SOUS-DIRECTRICE DES AFFAIRES JURIDIQUES, DES POLITIQUES, DE LA CONCURRENCE ET DE LA CONSOMMATION, ET DIDIER GAUTIER, CHEF DU SERVICE NATIONAL DES ENQUÊTES DE LA DGCCRF

1- Présenter l'action de votre direction pour ce qui concerne le commerce électronique.

Au sein de la DGCCRF, la surveillance du commerce électronique est principalement assurée par le Service national des enquêtes auquel est rattaché le centre de surveillance du commerce électronique (CSCE) créé il y a dix ans à Morlaix. Le CSCE a une mission de veille et de contrôle, organisée autour de trois priorités d'action: examen systématique de la conformité des nouveaux sites, surveillance des secteurs à fort volume de transactions, surveillance des produits susceptibles d'avoir une incidence sur la sécurité des consommateurs. Son action débouche sur 5.000 à 10.000 contrôles par an. A cette occasion, les conditions générales de vente font l'objet d'une attention particulière. Les suites données aux contrôles réalisés en 2010 concernent 1.700 rappels à la réglementation et 200 procès-verbaux pour les infractions les plus graves.

La DGCCRF a noué de nombreux partenariats avec d'autres institutions qui participent à la surveillance de la toile. Elle a ainsi des contacts réguliers avec l'Office central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l'information et de la communication (OCLCTIC), qui gère 80 à 100.000 signalements par an, et avec la CNIL.

D'une façon générale, on peut considérer que la France est plutôt en pointe en termes de contrôle sur la toile, notamment au regard de ses principaux voisins et partenaires, auxquels elle communique d'ailleurs volontiers son savoir-faire.

Sur les 92.500 réclamations de consommateurs adressées l'an dernier à la DGCCRF, une proportion importante concerne l'e-commerce. Le Code de la consommation permet de vérifier la légalité des offres des professionnels vers les consommateurs (art. L.121-1 : pratiques commerciales trompeuses). En revanche les transactions entre consommateurs (« C to C ») n'entrent pas dans le champ d'application de cet article. Cependant les infractions commises par les consommateurs qui offrent des produits (sur internet ou sur tout autre support) peuvent être appréhendées au regard de l'article L.213-1 du code de la consommation, qui vise les tromperies, dès lors qu'un contrat (acte de vente par exemple) a effectivement été passé.

2- Sur le net, quelles pratiques commerciales et quels aléas peuvent altérer la confiance des consommateurs ? Quelle est votre action pour les contrer ? Le développement des forums d'avis de consommateurs, des blogs et des interactions entre e-commerce et réseaux sociaux débouche-t-il sur une protection auto-régulée des consommateurs, ou est-il le vecteur de nouveaux risques ?

De manière générale, ce sont les pratiques commerciales trompeuses qui altèrent la confiance des consommateurs. Sur internet, on retrouve les mêmes pratiques que celles que l'on trouvait en matière de vente à distance (catalogues, téléphone, minitel) avant l'arrivée d'internet (publicités mensongères, indisponibilité, retards de livraisons, service après-vente insuffisant, remboursements et retours mal assurés...), mais ces anomalies sont démultipliées du fait de l'accroissement considérable du nombre d'entreprises recourant à internet pour commercialiser leurs produits.

En matière d'e-commerce, les grosses infractions sont rares. Une surveillance ne s'en impose pas moins. Si l'on dresse une typologie des infractions, viennent par fréquence décroissante :

- 1° les promotions illusoires (baisses de prix annoncées en référence à un prix qui n'a jamais été pratiqué) ;

- 2° l'injoignabilité organisée ;

Ces deux premières anomalies recouvrent des faits « classiques » en matière de vente à distance (catalogue, téléphone). Mais d'autres anomalies, liées spécifiquement au développement de l'informatique et de l'internet, sont apparues :

- 3° le pré-cochage abusif (encore largement pratiqué par certains e-commerçants notoires en dépit de nombreux rappels) ; à noter qu'il est explicitement proscrit par la directive relative aux droits des consommateurs, qui vient d'être adoptée ;

- 4° les enchères inversées, considérées comme des jeux d'argent ;

- 5° les mécanismes assimilables à des loteries, normalement soumis à la loi de 1936 ;

- 6° les faux avis de consommateurs, aussi bien rédigés pour encenser ses propres produits, que pour flétrir ceux de la concurrence. Ce point est important : on sait qu'après le prix, la possibilité de consulter des avis constitue le second motif d'achat ou de consultation des sites internet (pour 57 % des acheteurs).

On assiste à une floraison d'entreprises d'« e-réputation » qui proposent, entre autres services, l'activité de « nettoyeurs du Net » pour les informations et les avis gênants. De façon occulte, certaines d'entre elles proposent aussi de faire alimenter le Net en faux avis favorables. Une attention particulière doit donc être accordée à ces entreprises.

Les plateformes de transaction telles qu'E-bay, des sites tels que Google ou Facebook, peuvent être le support de ventes apparemment « C to C », mais dont la récurrence correspond à une activité « B to C » et dont le contrôle pose une difficulté particulière d'identification du vendeur, qui possède parfois plusieurs adresses IP. Les plateformes hébergeant divers vendeurs posent aussi le problème de l'identification du contractant par l'acheteur : le consommateur croit souvent avoir affaire au site principal, alors qu'il a acheté au site hébergé ; c'est aussi au consommateur d'être, ici, vigilant.

Par ailleurs, si le contrôle des sites français s'effectue facilement, celui des sites d'autres pays de l'Union européenne est déjà plus délicat en dépit d'une obligation de coopération des Etats membres, et celui des sites situés hors de l'Union européenne est presque impossible du fait des difficultés à agir auprès des responsables des sites en question.

3- Anticipez vous des innovations (techniques, méthodes commerciales, logistique) porteuses de nouveaux risques ou désagréments pour les consommateurs ?

L'anticipation est au centre de l'activité du Service National des Enquêtes de la DGCCRF. Le SNE a ainsi mis en place un système de veille, qui lui permet d'identifier et d'analyser les effets des nouvelles formes de commercialisation qui apparaissent, d'assurer un suivi des secteurs susceptibles de présenter des risques pour les consommateurs et des secteurs ou activités pour lesquels des infractions sont régulièrement constatées.

Aux termes de la future loi sur la consommation, les agents de la DGCCRF devraient pouvoir saisir le juge pour faire fermer un site. Par ailleurs, leur situation serait confortée et clarifiée lorsqu'ils se font passer pour des consommateurs, car le projet de loi prévoit l'encadrement de cette activité.

L'essentiel des sujets qui devraient prochainement requérir l'attention des services de la DGCCRF concernent :

- 1° le m-commerce (ventes via les mobiles) et le t-commerce (commerce via la télévision), et notamment les formes de sollicitation des consommateurs disposant d'un téléphone portable ;

- 2° l'e-réputation, et les modalités d'action des « nettoyeurs du net » (sociétés proposant des services d'anonymisation et de protection des données personnelles) ;

- 3° l'e-couponing (technique de pénétration du marché fondée sur des opérations de fidélisation, adaptée à l'internet, proche de la technique utilisée par la grande distribution) ;

- 4° les pratiques commerciales via Facebook, qui « sort » très régulièrement de nouvelles applications de « social commerce » et le sujet d'éventuels faux avis.

Il est par ailleurs envisagé de mettre en place une norme Afnor pour encadrer les actions d'e-réputation menées par les e-commerçants, qui pourraient alors s'en prévaloir. Se poserait ensuite la question du contrôle de l'application de cette norme.

4- Existe-t-il une spécificité de votre action concernant l'e-commerce alimentaire ?

Il n'y a pas actuellement de spécificité de l'action de la DGCCRF liée à l'e-commerce alimentaire, qui ne représente qu'une part marginale du chiffre d'affaires réalisé sur internet. La question du contrôle se poserait si les ventes de produits frais (produits à DLC, viandes et charcuteries fraiches) et surgelés se développait. Par ailleurs, à mesure de leur développement, les « drives » auront vocation à être contrôlés.

5- L'e-commerce engendre-t-il un surcroît de concurrence ? Les fonctions de recherche (sélections des moteurs de recherche, comparateurs de prix) permettent-elles d'accéder aux meilleures offres ? Déplore-t-on des ententes ?

L'e-commerce engendre une certaine concurrence, d'une part parce que l'offre de produits et services peut rapidement et de façon exhaustive toucher le consommateur qui cherche une réponse à un besoin, et d'autre part parce que la comparaison des prix est plus aisée.

Dans ce contexte, la question des comparateurs a été examinée. On peut considérer que la situation est clarifiée dans le domaine des assurances, des complémentaires-santé et des voyages : il a été notamment mis fin aux sites comparateurs qui émanaient de tel ou tel opérateur particulier dans ces trois domaines.

D'une façon générale, une charte a été mise en place pour les comparateurs, à l'initiative des professionnels du secteur des voyages.

Il reste dans certains domaines la question du référencement. Si celui-ci est payant, cela peut empêcher l'exhaustivité de la comparaison. A l'inverse, le risque peut également exister d'éventuels refus de référencement, liés à des ententes avec des commerçants référencés.

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