QUEL AVENIR ?
Avant d'esquisser des scénarios concernant les modalités du développement de l'e-commerce, il importe de se pencher sur l'évolution probable de l'appareil commercial.
I. QUELLES TRAJECTOIRES ENVISAGEABLES POUR L'E-COMMERCE ET LES AUTRES TYPES DE COMMERCES ?
Un retour sur l'évolution récente de la distribution est indispensable pour appréhender la dynamique de la structure du commerce, qu'on ne saurait délier de celle des territoires.
A. RETOUR SUR L'EVOLUTION RÉCENTE DE LA STRUCTURE DE LA DISTRIBUTION
Les grandes surfaces d'alimentation générale (GSA) commercialisent les deux tiers des produits alimentaires : en 2009, leur part de marché s'élève à 66,9 %. Cette part s'était accrue jusqu'en 2003 mais elle a diminué depuis 2004 . Retournement notable, après 30 années de croissance ininterrompue, les hypermarchés ont perdu 3 points de parts de marché sur la période 1999-2009, passant de 35 % à 32 %.
Dans le même temps, il semble que les commerces alimentaires réussissent à maintenir leurs positions . Mais la vente à distance reste encore marginale en matière de produits alimentaires .
PARTS DE MARCHÉ DU COMMERCE DE DÉTAIL SELON LA FORME DE VENTE
Formes de vente |
Produits alimentaires
|
Produits non alimentaires |
||
1999 |
2009 (p) |
1999 |
2009 (p) |
|
Alimentation spécialisée (boulangerie, boucherie etc.) |
17,7 % |
16,6 % |
0,3 % |
0,2 % |
Petites surfaces d'alimentation générale et magasins de produits surgelés |
8,6 % |
8,4 % |
0,8 % |
0,5 % |
Grandes surfaces d'alimentation générale |
67,1 % |
66,9 % |
19,9 % |
17,2 % |
Supermarchés |
30,8 % |
33,2 % |
6,1 % |
3,3 % |
Magasins populaires |
1,0 % |
1,4 % |
0,4 % |
0,2 % |
Hypermarchés |
35,4 % |
32,3 % |
13,4 % |
13,6 % |
Grands magasins |
0,1 % |
0,1 % |
2,2 % |
1,9 % |
Pharmacies et commerce d'articles médicaux |
0,2 % |
0,2 % |
9,4 % |
11,0 % |
Magasins non alimentaires spécialisés |
0,2 % |
0,3 % |
41,1 % |
43,1 % |
Commerce hors magasin |
4,0 % |
3,9 % |
4,6 % |
3,9 % |
Vente par correspondance |
0,2 % |
0,5 % |
3,2 % |
3,0 % |
Autres ventes hors magasin (marchés, réparation domestique...) |
3,7 % |
3,3 % |
1,4 % |
0,9 % |
Réparation d'articles personnels et domestiques |
- |
- |
0,8 % |
0,6 % |
Commerce de détail et artisanal |
97,9 % |
96,3 % |
79,0 % |
78,4 % |
Ventes au détail du commerce automobile |
0,2 % |
1,1 % |
14,1 % |
15,8 % |
Autres ventes au détail (cafés-tabac, grossistes, ventes directes de producteurs ...) |
1,9 % |
2,6 % |
6,9 % |
5,8 % |
Ensemble des ventes au détail |
100 % |
100 % |
100 % |
100 % |
p : données provisoires
Source : INSEE
Les produits non alimentaires représentent, quant à eux, un cinquième des ventes des supermarchés et près de la moitié de celles des hypermarchés. Les parts des GSA se sont érodées au profit des grandes surfaces spécialisées 166 ( * ) (GSS) , qui représente 43,1 % de ce marché.
Quelle a été l'attitude des grandes enseignes face à un commerce électronique balbutiant ?
Alain Rallet 167 ( * ) indique qu'« après l'éclatement de la bulle Internet et l'échec de nombreuses start-ups, le commerce électronique a été ramené à l'ajout d'un nouveau canal de la vente à distance . Par ailleurs, les pure players (commerçants virtuels sans magasins physiques) ont cédé le pas aux acteurs click & mortar (commerçants développant des stratégies multi-canal de distribution, physique et virtuelle). Après l'euphorie des commencements et l'idée d'un commerce électronique séparé et identifié à la modernité, on envisagea les transformations comme s'inscrivant dans le paysage commercial existant ».
L'adoption de stratégies multicanal a permis des réussites spectaculaires pour certaines PME , comme le montre -un exemple parmi tant d'autres- l'histoire de « Skiset ».
« Skiset, c'est l'histoire d'une PME qui, malgré une arrivée tardive sur Internet, connaît désormais une croissance à deux chiffres depuis des années grâce à ce canal. L'entreprise, fondée en 1994, est une chaîne de magasins indépendants de location de skis en montagne. Le réseau se développe bien jusqu'en 2003, s'appuyant notamment sur des partenariats avec les tours opérateurs et d'excellents emplacements, et compte alors 250 magasins en France. C'est à ce moment que Philippe Koiransky décide de lancer le premier site Internet de Skiset. En proposant au client de réserver et louer directement ses skis sur le site de Skiset, Internet devient alors un accélérateur de croissance très important et permet à Skiset de partir à la conquête de l'international : Autriche, Suisse, Italie, puis Amérique du Nord... aujourd'hui le réseau compte 800 magasins, et prévoit d'en avoir 1 500 dans les cinq ans à venir. "Internet est un formidable outil de développement pour nous. D'abord côté clients, la location de skis s'accommode très bien de l'outil internet et cela nous permet d'atteindre rapidement un grand nombre de clients par nos campagnes de marketing en ligne. Mais les technologies du Web au sens large sont aussi un catalyseur pour nos relations avec les tours opérateurs, qui peuvent se connecter très facilement à notre plateforme" déclare Philippe Koiransky. Le potentiel de croissance est donc considérable pour Skiset, malgré un marché de la location de ski en stagnation, et la part d'Internet est destinée à grandir : "En France, 30 % des locations se font aujourd'hui par Internet, et le potentiel est probablement du double. C'est l'arrivée des nouvelles générations qui modifie les comportements de la clientèle au ski, et l'utilisation d'Internet va devenir le principal canal de vente." » Source : « Impact d'Internet sur l'économie française - Comment Internet transforme notre pays », rapport du cabinet Mc Kinsey & Company, mars 2011. |
Pour ce qui concerne la vente par correspondance (VPC), l'INSEE observe que sa part de marché « reste stable dans le domaine non alimentaire (3,0 %) malgré la percée réelle des ventes sur internet » . D'après l'Institut, « d'une part, le commerce électronique concerne d'autres secteurs d'activité dans le commerce ou les services. D'autre part, il peut y avoir substitution entre vente par correspondance traditionnelle et commerce électronique ».
Il semble qu'après que la VPC a longtemps tardé à adapter en profondeur son marketing et son fonctionnement au développement de l'e-commerce, les grands groupes « VPCistes » ont désormais adopté , à leur tour, une stratégie multicanal (catalogue et e-commerce, voire boutique) efficace . Par exemple, de 7 % du chiffre d'affaires provenant du web en 2003, La Redoute est passée à 72 % en 2010.
* 166 Dans l'électroménager, le « high-tech », la culture, l'habillement, le bricolage etc.
* 167 « L'évolution de l'e-commerce à l'ère de l'économie numérique », Prospective et Entreprise n°11, février 2010.