B. COMPÉTITIVITÉ HORS PRIX
Si le prix est un facteur d'attractivité essentiel pour le commerce électronique, il est très loin d'être le seul : présentation et fiabilité des sites, disponibilité et personnalisation du service, rapidité et commodité de la livraison, innovations techniques ou marketing, importent aussi aux consommateurs.
L'attention portée par les e-commerçants à la compétitivité hors-prix paraît d'autant plus compréhensible et nécessaire que tout positionnement sur le seul facteur prix, dans un contexte de plus en plus concurrentiel, tend à devenir précaire ou économiquement intenable .
Du reste, le modèle économique de certains e-commerces apparaît d'ores et déjà comme relativement fragile ( infra ). Par ailleurs, que l'on songe aux grands magasins ou, par exemple, à l'enseigne Monoprix 68 ( * ) , il est une trajectoire souvent observée par le passé : un nouveau modèle de vente nait et se répand en misant essentiellement sur le facteur prix, puis il s'appuie progressivement sur d'autres facteurs d'attractivité pour survivre. En sera-t-il de même pour l'e-commerce ?
1. Attractivité des sites et niveau de service
Il est un constat volontiers partagé : les sites sont de plus en plus attrayants, les produits davantage mis en valeur et néanmoins observables en détail, la navigation de plus en plus fluide et intuitive. La qualité de l'« expérience d'achat » en ligne se rapproche de celle rencontrée en magasin, quant elle ne s'avère pas supérieure lorsqu'elle recrée, sans déplacement ni bousculade, des « univers d'achat » particulièrement attrayants.
Toutefois, en termes de service et de proximité, d'aucuns estiment que le commerce physique est en mesure de procurer des avantages inaccessibles au commerce physique.
Dans l'étude du CREDOC précitée 69 ( * ) , acteurs et observateurs du commerce physique estiment que « les consommateurs seront d'autant plus en mesure de se faire entendre par les distributeurs que ces derniers devraient se montrer plus attentifs aux attentes de leurs clients afin de limiter l'évasion vers le e-commerce 70 ( * ) . La montée de l'individualisme dans la société contemporaine a mis à mal le modèle de la consommation de masse. Nombre de répondants anticipent que les consommateurs exprimeront des demandes de plus en plus individualisées et seront en attente d'une relation plus personnalisée dans laquelle ils seront reconnus comme des personnes singulières ».
Est-ce à dire que le commerce physique sera le vecteur privilégié de cette « orientation client », plus humaine, plus « servicielle » et spécialisée ?
Selon la même source, « l'adaptation à l'évolution anticipée des attentes des consommateurs passerait aussi par un ciblage plus précis des clients. Ce serait un moyen d'augmenter le degré de pertinence de l'offre par rapport à la spécificité de chaque demande, mais aussi de se différencier face aux concurrents. 54 % des distributeurs ont pointé « la capacité à mettre en oeuvre une offre différenciatrice » comme chantier prioritaire afin de s'adapter à ce que sera le commerce en 2020. Un répondant sur quatre a spontanément mis en avant, dans sa vision de ce en quoi le commerce de 2020 se distinguera de celui de 2010, l'idée d'un commerce plus segmentant, plus spécialisé, mettant en avant ses différences pour mieux s'attacher des cibles de clientèles spécifiques .
« Le développement du service vient compléter cette vision d'ensemble des voies empruntées par le commerce pour mieux satisfaire ses clients dans l'avenir. Plus généralement , le commerce en magasin cherchera à cultiver ses avantages comparatifs par rapport au e-commerce, ce qui passe plus généralement par la volonté de faire vivre une expérience positive aux clients ».
Pourtant, le commerce électronique se prête tout autant, et pour un coût moindre, à une certaine personnalisation de l'offre. L'effet de « longue traîne » ( supra ) joue ici en faveur du commerce électronique tandis que, concernant les services et le contact humain au moment de l'achat, des « avatars » existent déjà sur de nombreux sites, par ailleurs de plus en plus attentifs à la qualité du traitement des appels téléphoniques et des mails.
Pour l'avenir, Pierre Volle estime ainsi que « la connexion des services d'appel au Web laisse un champ immense à ce type d'enrichissement du lien », observant que Lasercontact, « leader » des centres d'appel, préfigure cette évolution. Pour sa part, Philippe Moati relève que « l'e-commerce favorise (...) la personnalisation de la relation commerciale via des échanges de mails et des enquêtes de satisfaction, permettant une « personnalisation de masse ». La relation commerciale tend à s'étendre avant et après l'acte d'achat stricto sensu ». A commencer par un suivi spécifique de chaque commande (prise en compte, préparation, expédition, stade de l'acheminement) qui tend à se généraliser.
* 68 Les magasins Monoprix sont créés dans les années trente pour répondre aux besoins de produits bon marché engendré par la crise. La concurrence de la grande distribution incitera l'enseigne à monter en gamme.
* 69 Cahier de recherche du CREDOC de novembre 2010 consacré à la « vision prospective des acteurs du secteur » sur le commerce de demain.
* 70 On rappelle ici que le champ de l'enquête du CREDOC est l'ensemble du commerce de détail, hors services et hors e-commerce, les entreprises de vente à distance étant donc exclues du champ.