3. ... au regard de l'évolution constatée des prix

Tous effets confondus, l'essor du commerce électronique déboucherait plutôt sur un renforcement de la concurrence dont témoigne une certaine pression sur les prix , à l'exclusion cependant de l'alimentaire.

a) Une tendance générale

Greenwich Consulting 58 ( * ) a effectué un test sur 6 articles sur le site de Rueducommerce et dans un magasin Conforama, qui relève des prix moins élevés chez Rueducommerce 59 ( * ) .

Pour sa part, le cabinet Mc Kinsey & Company 60 ( * ) a réalisé une comparaison 61 ( * ) des prix sur Internet et en boutique de 150 produits dans toutes les catégories, concluant qu'en France, les prix observés sur le web sont près de 10 % inférieurs à ceux pratiqués dans le réseau physique. La déflation subie par les produits commercialisés en ligne, par rapport à leurs équivalents du commerce physique, engendrerait alors une économie annuelle de l'ordre de 2,5 milliards d'euros pour les consommateurs 62 ( * ) .

Par ailleurs, un document de travail de la banque de France 63 ( * ) estime, sur la base d'une étude économétrique, que « la hausse de la part de la vente à distance est associée à une baisse des prix sur la période 1990-2007 ». Les résultats obtenus « suggèrent qu'un doublement de la part de marché de la VAD grâce au commerce en ligne en France (pour le porter au niveau britannique) pourrait se traduire par une éventuelle baisse de l'ordre d'un demi-point de l'inflation annuelle en France (...) ».

b) Le cas particulier de l'alimentaire

L' alimentaire demeure handicapé par le coût très élevé de la conservation, du « picking » 64 ( * ) et surtout de la livraison, rapporté à celui des marchandises achetées ; ces frais s'imputent forcément sur les prix facturés aux consommateurs, qui demeurent sensiblement plus élevés que dans le commerce physique , si bien que l'e-commerce alimentaire peine à décoller.

Toutefois, le modèle du « drive », plus économique, tend à se diffuser et conduit à une démocratisation du commerce électronique alimentaire. Il s'agit d'entrepôts gérés par certaines enseignes de la grande distribution, idéalement localisés sur des trajectoires domicile-travail, où les clients viennent charger leurs voitures de commandes passées sur Internet 65 ( * ) . Philippe Moati souligne que « la formule est d'autant plus pertinente qu'elle est beaucoup moins coûteuse pour le distributeur que la livraison à domicile, alors même qu'elle peut constituer une facilitation pour le consommateur , qui n'est pas forcément chez lui aux heures de livraison ».

Concernant les prix, Ludovic Duprez, cofondateur de Chronodrive, indique que « la politique tarifaire (...) est libre et consiste à s'aligner sur les prix des hypermarchés locaux ». Mais il admet aussi que « si l'entreprise (...) dégage suffisamment de « cash-flow » 66 ( * ) pour investir afin de s'inscrire dans une stratégie de croissance, elle n'est pas rentable à l'heure actuelle ».

Quoi qu'il en soit, dans une stratégie de défense ou de conquête de parts de marché, les enseignes annoncent des déploiements massifs dans les années à venir. D'après Yannick Franc 67 ( * ) , « à ce rythme, le marché de l'e-commerce alimentaire qui se répartit aujourd'hui à 50/50 entre le concept de livraison à domicile et celui de Drive devrait vite basculer en faveur du second et dépasser les 3,5 milliards d'euros en 2015. A ce moment là, nous pourrons dire que l'e-commerce alimentaire aura fait sa révolution ».

c) Quel impact du « yield management » ?

Le « yield management », en français la « gestion fine » des tarifs, consiste à optimiser le revenu commercial en faisant varier le prix d'une même prestation suivant un arbitrage permanent entre la demande et l'offre restantes. Particulièrement adapté aux services, qui se caractérisent par une faible flexibilité de l'offre, d'importants frais fixes et une impossibilité de stockage, cette tarification a d'abord concerné le transport aérien, puis l'hôtellerie. Depuis octobre 2007, la SNCF, à son tour, a adopté cette tarification.

La puissance de calcul informatique étant facilement couplée à l'e-commerce, cette gestion fine pourrait s'étendre à de nombreux services, voire à certains biens (fins de séries, séries limitées ou biens de marque pour lesquels une rareté relative peut être organisée) dans le contexte d'une distribution visant un déstockage intégral à un certain terme, débouchant, par exemple, sur une hausse du prix des produits dont la demande ne faiblit pas, ou sur leur baisse calibrée dans le cas inverse.

Avec pour seul objectif une optimisation des marges, il est probable que le yield management engendre corrélativement, en moyenne, un surcoût pour le consommateur.


* 58 Dans une étude intitulée « Evaluer l'impact du développement d'Internet sur les finances de l'Etat », annexée au rapport d'information n° 398 (2009-2010) de la commission des finances du Sénat, intitulé « Le développement du commerce électronique : quel impact sur les finances publiques ? », publié le 7 avril 2010.

* 59 Test effectué le 1 er septembre 2009.

* 60 Dans un rapport intitulé « Impact d'Internet sur l'économie française - Comment Internet transforme notre pays », mars 2011.

* 61 Etude réalisée en décembre 2010.

* 62 Chiffre 2009.

* 63 « Vente a distance, internet et dynamique des prix », Document de travail de la Banque de France par P. Askenazy, C. Célérier, D. Irac, Juillet 2010.

* 64 Préhension des produits commandés pour composer les paniers.

* 65 Dans un premier type de drive, l'entrepôt est situé sur le parking du supermarché (ex : « Auchandrive ») et, dans le second, le « drive » est seul (ex : Chronodrive). Ces deux types de drive peuvent être considérés comme des « pure drive », où le consommateur récupère sa commande en se rendant avec son véhicule sur un lieu déterminé. Ce modèle peut être distingué de celui du « drive-piéton », dit encore « emporté-magasin », adapté aux centres villes et dont la logistique repose soit sur un « picking » en magasin, soit sur une préparation dans un entrepôt unique qui livre ensuite les magasins. A noter que le drive pourrait bientôt ne plus concerner les seules surfaces de vente alimentaires : en 2011, Monceau Fleurs a décidé de tester son propre modèle.

* 66 Flux de trésorerie.

* 67 Journal du Net, 23 mars 2011.

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