Yves FRENOT, Directeur de l'IPEV

Présentation des îles subantarctiques

La surface des îles Kerguelen équivaut à celle de la Corse et leur périmètre côtier est étendu (2800 km). La partie ouest de l'archipel comporte une calotte glaciaire. Les conditions climatiques de ce district ne sont pas extrêmes, puisque les températures hivernales moyennes ne descendent pas en dessous de 3°C et les estivales sont de l'ordre de 6,5°C. Les précipitations annuelles représentent 800 mm dans l'est du territoire et 3 500 mm à l'Ouest. La température annuelle moyenne a augmenté de 1,3°C et les précipitations annuelles ont été divisées par deux depuis le milieu des années 70.

L'archipel de Crozet est soumis à un climat océanique frais similaire à celui de l'ouest de Kerguelen. La partie ouest de l'ensemble est presque inaccessible et seule l'Ile de la Possession, où est installée la base, est visitée et occupée en permanence.

L'île d'Amsterdam, plus au nord, obéit à une situation presque subtropicale. Seule la partie en altitude de l'île est régie par des conditions proches de celles des îles subantarctiques. La température moyenne annuelle est de 13,8°C, et les précipitations avoisinent 1 127 mm par an.

A 83 km au sud de l'île d'Amsterdam, l'île Saint Paul est formée par un cratère volcanique effondré de 8 km², ouvert sur la mer. Il n'y a aucune installation permanente sur place et l'accès y est extrêmement contrôlé.

Ces territoires ont connu six phases d'occupation.

La première coïncide avec le temps des découvertes, en 1696 pour Amsterdam, en 1770 pour Crozet et Kerguelen.

La deuxième, au XIXe siècle, correspond aux grandes explorations scientifiques qui ont jeté les fondements de notre connaissance de ces régions.

Au XIXe siècle et au début du XXe, les ressources vivantes de ces territoires (otaries et éléphants de mer à terre, baleines en mer) ont été l'objet d'exploitations commerciales intenses.

La quatrième phase correspond aux implantations permanentes sur les territoires et à l'affirmation de la souveraineté nationale : base de Port-aux Français à Kerguelen et base Martin-de-Viviès à Amsterdam en 1950, base Alfred Faure à Crozet en 1962.

La recherche scientifique s'est ensuite développée pendant les années 80 et se poursuit aujourd'hui.

Enfin, la sixième phase, actuelle, est marquée par la prise de conscience des différents acteurs sur ces territoires de la nécessité de mieux tenir compte de la protection de l'environnement.

Les moyens mis en oeuvre par l'Institut polaire français Paul-Emile Victor (IPEV)

L'IPEV assure la mission de service public de mise en oeuvre des recherches dans ces îles. Il n'intervient que sur le terrain, ce qui implique une concertation étroite avec les organismes de recherche. En 2010, il a soutenu 79 programmes, dont 25 dédiés aux îles subantarctiques. Ils se répartissent eux-mêmes entre les sciences de la terre (14) et les sciences du vivant (11). 14 programmes se sont tenus sur Crozet, 17 sur Kerguelen, 8 sur Amsterdam, 6 sur Saint-Paul et un seul entièrement à bord de La Curieuse. Ce sont 46 équipes scientifiques qui ont été accueillis cette année là sur le terrain, soit 145 scientifiques pour un total de 11 680 hommes-jours. Les effectifs en hivernage sont plus réduits mais totalisent 21 personnels (7 à Crozet, 8 à Kerguelen, 6 à Amsterdam) en charge des systèmes d'observation ou des suivis annuels de la faune et de la flore.

Le Marion Dufresne est incontournable pour transporter nos équipes de recherche de l'île de La Réunion vers le terrain. L'IPEV se charge des infrastructures et équipements scientifiques spécifiques, tandis que les TAAF restent responsables des bâtiments. La Curieuse joue un rôle essentiel pour les programmes menés à Kerguelen. Ce bateau, qui appartient aux TAAF, a été mis en oeuvre par l'IPEV pendant de nombreuses années à plein-temps. Sa construction a été financée par le Ministère de la Recherche. La poursuite de certains programmes est en péril compte tenu des menaces qui pèsent sur ce navire. A cet égard, nous devons être vigilants et espérons que les TAAF trouveront des solutions pour maintenir la présence de ce navire à Kerguelen pendant l'été austral.

L'IPEV est également chargé de maintenir les équipements scientifiques sur le terrain, y compris la construction, l'entretien et le ravitaillement des refuges isolés, de mettre en place les grandes infrastructures de recherche, de collecter et transmettre les données scientifiques, à l'aide de moyens modernes qui permettent la liaison des scientifiques avec les laboratoires.

L'IPEV réalise aussi des campagnes océanographiques grâce à L'Astrolabe, à La Curieuse et au Marion Dufresne. Ce dernier est aujourd'hui le plus grand navire océanographique européen. Il peut se rendre sur toutes les mers du monde, sauf en présence de glace. Il fonctionne au maximum de sa disponibilité : il est mobilisé 120 jours par les TAAF pour assurer la desserte logistique des îles australes et 217 jours par l'IPEV pour des campagnes océanographiques. Les jours restant sont dédiés aux travaux d'entretien annuels.

A cet égard, la fonction océanographique du Marion-Dufresne a été intégrée en 2011 à l'Unité Mixte de Service (UMS) « Flotte Océanographique Française » qui, à la demande du Ministère de la Recherche, regroupe les navires du CNRS, de l'IRD, de l'Ifremer et de l'IPEV. Cette UMS est une structure de gestion coordonnée et d'optimisation de la flotte. Chaque opérateur conserve la maîtrise de son navire mais l'UMS a en charge l'élaboration et la mise en oeuvre de la programmation intégrée des navires et des équipements scientifiques mobiles, la définition et la coordination du plan d'évolution de la flotte et la coordination des politiques d'investissement annuelles des différents opérateurs.

L'Astrolabe, mentionné par le préfet des TAAF, n'est pas pertinent dans le débat qui nous occupe. En effet, il ne dessert que la Terre Adélie, non les îles subantarctiques. Il n'en demeure pas moins urgent de réfléchir globalement à la desserte française en Antarctique et dans le Subantarctique, en prenant notamment en compte les moyens maritimes et aériens dont disposent nos partenaires étrangers pour leurs propres stations afin d'envisager de possibles mutualisation. Si cette approche peut s'avérer fructueuse pour l'Antarctique, elle demeure aujourd'hui plus aléatoire en ce qui concerne les îles subantarctiques françaises. En effet, parmi nos plus proches « voisins » dans ces contrées, les sud-africains font face à des difficultés pour desservir leurs propres îles (îles Marion et Prince Edouards) et quant à nos partenaires australiens, ils ne sont pas très favorables à l'idée de mutualiser les moyens de desserte dans ce secteur dans l'immédiat en raison des contraintes environnementales extrêmement fortes qu'ils imposent à la desserte de l'Ile Heard, au sud de Kerguelen, classée Réserve Naturelle.

Claude BIRRAUX

L'approche peut-elle être européenne ? Pour moi, l'Europe serait amenée à participer, dans la mesure où nous développons des recherches en termes de biodiversité et de milieux et où nous luttons contre la pêche clandestine. Je ne suis pas intimement persuadé que les Européens sont sensibles à ces questions.

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