Professeur Guy DUHAMEL, Directeur du Département Milieux et Peuplement Aquatiques (DMPA), Muséum national d'histoire naturelle
Je ne rejoins pas votre vision sur l'échec des entreprises halieutiques dans les TAAF. En effet, les baleiniers et les phoquiers américains et anglais qui ont oeuvré aux Kerguelen aux XVIIIe et XIXe siècles ont engrangé des profits importants. Monsieur le Préfet, l'augmentation des redevances versées au territoire par les pêcheurs de langoustes et de poissons va de pair avec une augmentation des profits. Même si je vous accorde que les activités économiques terrestres liées à la pêche se sont soldées par un échec - notamment l'installation de l'aquaculture d'Armor à Kerguelen -, le but n'était pas alors d'implanter une activité économique pérenne mais de réaliser des essais dans ce secteur.
Les campagnes régulièrement menées à partir des îles et des continents ont été fructueuses. L'exploitation de la langouste à partir de l'île de La Réunion n'a pas discontinué depuis 60 ans, tandis que la pêche au poisson de Kerguelen existe depuis 30 ans.
L'exploitation ne visait pas initialement la durabilité. Au XIXe siècle, c'est le profit immédiat qui était recherché. Cette philosophie a subsisté jusqu'à la fin du XXe siècle. Cependant, si nous n'étions pas intervenus pour cadrer l'activité des pêcheurs soviétiques, Kerguelen n'aurait plus eu de ressources de pêche. Nous en avons pris acte pour envisager une pêcherie respectueuse de l'environnement.
La réserve inclut l'activité d'exploitation de la langouste des îles Amsterdam-Saint Paul. Elle ne pose pas de problèmes environnementaux, outre ceux qui peuvent être résolus par la profession, la réserve et les scientifiques. La prise en compte de la pêcherie à la palangre à Kerguelen et à Crozet nous a conduits à nous interroger sur l'impact environnemental de cette nouvelle méthode. Les pêcheurs, aussi bien que les scientifiques et l'administration, se sont accordés pour éviter la mortalité accidentelle qui pourrait découler de ces activités et pour réduire l'attractivité de cette pêcherie pour les orques.
La pêcherie engendre 50 millions d'euros de profits et rapporte à travers la redevance 5 millions d'euros au territoire. Son intérêt économique est manifeste et cette pêcherie est une des rares viables à terme en France.
Afin d'améliorer nos prévisions, il nous est nécessaire de réaliser des campagnes de prospection halieutique, afin d'évaluer la biomasse et de réaliser des simulations mathématiques pour affiner nos pronostics sur l'évolution de ces pêcheries. Jusque-là, nous avons réalisé une campagne en 2006 et une autre en 2010 sur Kerguelen. Nous devons trouver une voie pour augmenter la fréquence des campagnes.
Celles qui ont été réalisées ont prouvé que les espèces naguère pêchées par les Soviétiques se reconstituaient progressivement. Si la pêche au chalut revient, elle doit tenir compte des impératifs écologiques. Lors de la campagne de 2010, nous avons étudié l'impact des pêcheries sur le benthos et les oiseaux. Ainsi, nous tiendrons compte de l'aspect environnemental avant d'ouvrir toute nouvelle pêcherie. Si la pêche au chalut revient, nous limiterons sa zone d'application pour prévenir tout impact écologique sur les espèces accessoires.
Les relations entre l'administration, la profession et les scientifiques sont satisfaisantes concernant les ressources halieutiques et leur avenir. Cependant, les scientifiques disposent de faibles moyens financiers et humains. La science, en ce domaine, doit être renforcée. Nous devons allouer une partie des gains de la pêche pour pérenniser la ressource.
Ces pêcheries sont déjà très cadrées si nous considérons le nombre de pages produites par les arrêtés de pêche. Elles font partie des pêcheries les plus contraintes du globe. A cet égard, pour moi, il serait difficile d'ajouter des cadres supplémentaires, même si nous devrons protéger certaines espèces particulières. Ce processus ne gênera pas l'activité économique car il se déroulera en dehors des ZEE. 400 tonnes de langoustes sont produites annuellement à Amsterdam-Saint-Paul, ce qui impacte non seulement l'économie de l'île de La Réunion mais plus généralement celle de la France, compte tenu de l'exportation intégrale de cette production.
Christian GAUDIN
Ce débat m'a satisfait à plusieurs titres.
Grâce à votre initiative, Monsieur le Président, nous avons su conclure les travaux qui avaient été engagés voici plus d'un an avec Matthieu Meissonnier.
Nous avons pu entendre le point de vue des scientifiques et celui des administrations, évoquer les moyens alloués à cette collectivité et à l'institution chargée d'organiser la recherche, aussi bien que la stratégie pour la recherche. Nous avons pu également intégrer aux débats la question de la possibilité d'une convergence entre la recherche et la préservation de ces milieux. Je crois à cette idée, et je la juge tout à fait nécessaire pour pérenniser l'avenir de ces territoires en termes de potentiel scientifique.
Je remercie le Président et les collaborateurs qui ont préparé cette audition et ont permis son organisation.
Claude BIRRAUX
A l'annonce de votre nomination en tant que préfet, compte tenu de votre investissement et du travail remarquable mené par Matthieu Meissonnier, tant à vos côtés qu'à l'Office parlementaire, il m'a semblé impossible de mettre un terme si brutal à ces travaux. Cette audition représente leur suite et sera publiée.