Cédric MARTEAU, Directeur de la réserve naturelle des TAF
La réserve naturelle des terres australes englobe uniquement les îles australes, Crozet, Kerguelen, Amsterdam et Saint-Paul, entre les 37e et 49e parallèles sud. Cette zone est caractérisée par l'importance de la production primaire, à laquelle s'associe une très importante biodiversité en prédateurs supérieurs. Un très grand nombre d'oiseaux et de mammifères marins se reproduit sur ces quelques îles, au milieu de l'océan.
Le patrimoine de ces îles est unique au monde. Ce sont celles de la zone subantarctique qui apportent la plus grande diversité spécifique, avec un taux d'endémisme important. C'est le lieu où la concentration d'oiseaux marins est la plus forte, avec 25 millions d'oiseaux qui se reproduisent chaque année à Crozet et 27 millions à Kerguelen.
Les principales menaces environnementales qui pèsent sur les îles australes françaises sont liées à l'impact des changements globaux, avec la diminution de moitié de la pluviométrie et le réchauffement des températures moyennes d'1,3 degré, mais également à celui de l'activité humaine, avec l'installation des bases, l'introduction d'espèces, la pêche et la pollution.
La communauté scientifique a demandé que le Comité d'Environnement Polaire (CEP) classe les îles australes en 1996. Nous avons dû attendre dix ans la publication du décret interministériel instituant la réserve naturelle des terres australes françaises. Cette vitrine pour l'Etat français a pour particularité de regrouper des territoires terrestres et marins. Cette réserve est soumise à la nécessité de concilier l'activité humaine et la préservation de la biodiversité. L'administration des TAAF en est la gestionnaire. Elle s'appuie sur un comité de gestion, le conseil consultatif des TAAF, et un comité scientifique, le CEP. Cette réserve implique un périmètre et des interdits, mais surtout la réalisation d'un plan de gestion. L'administration des TAAF, qui devait le rédiger, a été confrontée à la difficulté de gérer un espace classé si étendu sans données scientifiques. C'est pourquoi nous nous sommes rapprochés du CEP, de l'IPEV et des organismes travaillant sous la tutelle de ce dernier pour rédiger ensemble ce plan de gestion.
Ce document de 800 pages synthétise la globalité des connaissances scientifiques acquises depuis les années 1950. Des orientations de gestion se sont dégagées. Ainsi, nous avons répertorié 90 actions, qui devront être menées sur cinq ans et qui ont été validées en mars dernier par le Conseil National de Protection de la Nature du MEDDTL. Parmi ces actions figurent des plans de restauration concernant les espèces les plus menacées, la limitation des impacts anthropiques, le développement de la biosécurité, la sensibilisation des usagers, la mise en place des énergies renouvelables dans les bâtiments, eux aussi classés espaces naturels, et le développement de la recherche appliquée à la connaissance et à la gestion de la réserve.
Nous avons instauré une convention de partenariat, qui rend la compétence scientifique à l'IPEV, auquel toutes les actions de conservation qui seront mises en place dans cette réserve, de près et de loin rattachées à la recherche, seront soumises. Ce document nous permet d'instaurer des soutiens aux programmes existants, d'en développer de nouveaux et de participer au financement des moyens maritimes. En outre, nous engageons des actions de conservation en partenariat avec des scientifiques français ou néo-zélandais. Dans le cadre de la loi Grenelle, nous instaurons des plans nationaux d'action et demandons aux collectivités de les relayer sur le terrain. Nous cherchons à limiter les impacts anthropiques. Nous gérons la pêche à la langouste en partenariat avec le Muséum d'Histoire Naturelle de Paris. En effet, la réserve naturelle intègre cette activité économique, qui génère 7 millions d'euros de chiffre d'affaires annuel.
Cette région subit une forte pression nationale et internationale, proche de l'Antarctique et des contraintes du Traité de l'Antarctique. La Commission de Conservation de la Flore et de la Faune Antarctique Marine (CCAMLR) a demandé à chaque Etat de réfléchir à la mise en place d'un réseau d'aires marines protégées en 2005 (Kerguelen et Crozet pour la France). A travers le Ministère des Affaires étrangères et grâce à l'aide des scientifiques, nous avons proposé l'an dernier à cette commission une stratégie de bio-régionalisation, financée par l'Agence des Aires Marines Protégées et les TAAF. Cette étude devrait aboutir en France à la proposition d'aires marines protégées autour de Crozet, Kerguelen et Dumont d'Urville en 2012. Ces projets pourront être ensuite présentés au niveau international en 2013-2014.
Toutes les réserves naturelles françaises sont obligées, de par leurs missions, de sensibiliser les usagers résidents ou touristes. La région subantarctique connaît un tourisme aujourd'hui limité à 50 passagers par an, transportés par le Marion Dufresne dans la limite de 12 personnes par rotation et selon un cadre juridique précis, limitant le nombre de passagers payants. Contrairement à la péninsule antarctique, la région subantarctique est peu attractive touristiquement. Notre réflexion sur la mise en place de moyens maritimes dédiés a été résiduelle, car la demande en voiliers est très réduite. Je ne suis pas certain de l'existence d'un marché à cet égard.
Claude BIRRAUX
Quel est le profil des touristes ?
Cédric MARTEAU
De nombreux passagers ont réalisé le tour du monde, connaissent le système et veulent découvrir les îles subantarctiques. Compte tenu de la longueur du voyage, les retraités représentent la population principale. Les touristes sont passionnés par la biodiversité, la recherche et la logistique. Ainsi, la population de touristes est relativement éclatée.