2. L'extension du dispositif des interdits de jeux aux jeux en ligne
a) Les modalités de consultation du fichier des interdits de jeu par les opérateurs de jeu en ligne
Avant l'entrée en vigueur de la loi du 12 mai 2010, la procédure d'exclusion de jeu ne concernait que les casinos et les cercles de jeu .
Les interdictions pouvaient être prononcées à l'encontre :
- des personnes désireuses de se faire interdire l'accès aux salles de jeux ( exclusions volontaires ) ;
- des personnes exclues administrativement en raison de comportements et/ou actes compromettant l'ordre public ( exclusions administratives ) ;
- enfin, plus rarement, des personnes qui ont fait l'objet d'une interdiction judiciaire de fréquenter les établissements de jeux ( exclusions judiciaires ).
Afin de faire respecter le contrôle aux entrées des casinos, un fichier des interdits de jeu a été créé. Celui-ci est actuellement géré par la direction des libertés publiques et des affaires juridiques du ministère de l'intérieur.
Ainsi, le bureau des cercles et jeux du ministère établit chaque mois une liste confidentielle mentionnant l'identité des joueurs interdits et la transmet aux établissements de jeu qui sont dans l'obligation de tenir à jour un fichier conforme à celui du ministère de l'intérieur.
L' article 26 de la loi du 12 mai 2010 a étendu ce principe aux jeux en ligne en prévoyant que l'opérateur de jeu agréé est tenu de faire obstacle à la participation aux activités de jeu et de pari qu'il propose des personnes interdites de jeu en vertu de la réglementation en vigueur ou des personnes exclues à leur demande.
A cette fin, le même article précise que l'opérateur interroge, par l'intermédiaire de l'ARJEL et dans le respect des dispositions de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, le fichier des interdits de jeu tenus par les services du ministère de l'intérieur . Il doit clôturer tout compte joueur dont le titulaire viendrait à être touché par une interdiction ou exclusion.
Concrètement, l'ARJEL est devenu, comme les casinos et les cercles de jeux, destinataire du fichier des interdits de jeux qu'elle oppose aux opérateurs de jeux en ligne . L'ARJEL en la matière est une simple plateforme de consultation et n'intervient pas dans la gestion des interdits de jeu.
Ce procédé a nécessité un arrêté du ministre de l'intérieur du 28 juillet 2010 afin d'élargir la liste des destinataires du fichier des interdits de jeu à l'ARJEL. La CNIL, dans sa délibération du 1 er juillet 2010, a rendu un avis positif sur cet élargissement.
L'article 19 du décret n° 2010-518 du 19 mai 2010 relatif à la mise à disposition de l'offre de jeux et de paris par les opérateurs agréés de jeux et de paris en ligne est, quant à lui, venu préciser les modalités de consultation de ce fichier par les opérateurs : la vérification de non-inscription du joueur sur la liste des interdits doit être réalisée lors de chaque demande d'ouverture d'un compte joueur et mensuellement pour chaque joueur ayant un compte auprès de l'opérateur.
Contrairement aux informations qui avaient été communiquées à votre rapporteur lors de l'examen du projet de loi, il n'y a pas eu création de deux fichiers distincts, l'un pour les jeux « en dur », l'autre pour les jeux en ligne . Aussi, toute personne déjà exclue de jeu avant l'entrée en vigueur de la loi du 12 mai 2010 a automatiquement été interdite de jeu en ligne. Quant aux personnes exclues à compter de l'ouverture à la concurrence du marché des jeux en ligne, elles le sont tant pour le secteur des jeux « en dur » que pour le secteur des jeux « en ligne » .
b) Des premières données qui démontrent l'utilité de la procédure
Selon les données du ministère de l'intérieur, 31 809 noms sont aujourd'hui inscrits dans ce fichier.
D'après l'ARJEL, pour l'année 2011, les opérateurs auraient procédé à plus de 20 millions d'interrogations par mois. Il est alors apparu que près de 21,3 % des personnes interdites de jeu ont tenté d'ouvrir un compte joueur en ligne et, qu'en moyenne, 4 % des interdits de jeu tentent chaque mois de s'inscrire sur un site agréé . Ces données démontrent toute l'importance du dispositif.
S'agissant de l'impact de la loi du 12 mai 2010 sur les flux enregistrés (c'est-à-dire le nombre d'exclusions demandées et le nombre de levées d'interdits enregistrés), il est assez difficile à analyser.
En 2010, année de l'ouverture à la concurrence, 3 932 personnes ont demandé volontairement à être interdits de jeu, contre 3 441 en 2009, soit environ 500 demandes supplémentaires. Cependant, a contrario , 4 070 levées ont été enregistrées , soit un quasi doublement par rapport à 2009. Il est à rappeler que les interdictions volontaires peuvent être levées, à la demande du joueur, après trois ans d'interdiction.
Ces données sont délicates à apprécier : d'une part, les procédures ne permettent pas de distinguer les joueurs en ligne des autres joueurs - l'interdiction vaut en effet autant pour le secteur « en dur » qu'en ligne - ; d'autre part, ces démarches volontaires ne sont pas motivées par les joueurs. Il conviendra donc d'évaluer sur le long terme ces tendances.
Mouvements sur le fichier des interdits de jeu
au
cours des cinq dernières années
Année |
Nombre d'exclusions volontaires |
Nombre d'exclusions administratives |
Nombre de levées (volontaires et administratives) |
2006 |
3 556 |
99 |
1 506 |
2007 |
7 416 |
76 |
1 718 |
2008 |
4 874 |
102 |
1 535 |
2009 |
3 441 |
225 |
2 080 |
2010 |
3 932 |
328 |
4 070 |
2011 (jusqu'au 3 mai ) |
1 676 |
140 |
1 515 |
Source : direction des libertés publiques et des affaires juridiques du ministère de la justice
c) Deux principales difficultés techniques
Deux principales difficultés techniques dans la procédure d'interrogation du fichier des interdits de jeu ont été soulevées au cours des auditions de votre rapporteur :
- d'une part, le décalage temporel entre l'entrée en vigueur d'une interdiction de jeu et les requêtes mensuelles des opérateurs si bien que certaines exclusions de jeu peuvent échapper pendant un mois au contrôle des opérateurs parce qu'elles sont entrées en vigueur juste après la vérification mensuelle de l'opérateur ;
- d'autre part, l'inversion (volontaire ou non) des données d'identification des joueurs (nom et prénom) au moment de l'inscription. Le joueur interdit de jeu n'a pu ainsi être reconnu au sein du fichier.