3. Un marché en régression mais dont l'ampleur est incertaine
La démarche d'ouverture et de légalisation a « mécaniquement » entraîné une diminution du jeu sur des sites illégaux par transfert de l'offre, les principaux opérateurs auparavant non autorisés ayant obtenu l'agrément de l'ARJEL. L'incertitude demeure cependant sur l'ampleur de cette attrition , les deux opérateurs historiques et le Gouvernement étant à cet égard plus « optimistes » que les nouveaux concurrents. Ces estimations comportent toutefois une part de subjectivité car, d'une part, elles reposent nécessairement sur des projections et des hypothèses que l'on peut contester, et d'autre part, elles sont liées aux intérêts défendus par ces deux catégories d'acteurs 116 ( * ) .
Selon le Gouvernement et l'ARJEL, il n'y a pas de marché illégal de masse pour les paris et le poker en ligne. Les sites illégaux représenteraient ainsi environ 10 à 15 % du volume de mises , si l'on compare le volume des mises sur les sites agréés en 2010 et l'estimation du marché avant l'ouverture 117 ( * ) . Le marché illégal des jeux en ligne est toutefois beaucoup plus vaste puisqu'il inclut les jeux de grattage, de tirage et de casino en ligne, dont l'offre est plus difficile à mesurer puisqu'elle n'est pas encadrée. Au total, les sites illégaux représenteraient environ 30 % de la consommation .
Les dirigeants de la FdJ et du PMU ne se risquent pas à des évaluations précises, mais leur estimation est globalement assez proche de celle du Gouvernement, à un niveau un peu supérieur (20 % pour les paris sportifs).
Les nouveaux concurrents ont une perception assez différente. Dans son livre blanc précité, l'AFJEL considère ainsi qu' « un marché illégal particulièrement conséquent continue d'exister », même si les divergences de vues relèvent parfois de la sémantique. Les premiers mois d'expérience du marché régulé auraient conduit nombre de joueurs « déçus » , en particulier la fraction la plus active et qui draine un volume élevé de mises, à migrer vers des sites illégaux non soumis à des contraintes de TRJ ni à la fiscalité.
Un opérateur tel que Zeturf a ainsi avancé qu'à la suite de l'ouverture, 85 % de ses « très gros joueurs », soit ceux dont les mises sont supérieures à 15 000 euros par mois, se sont portés vers l'offre illégale 118 ( * ) . De même, selon une étude non publique réalisée par Ipsos MediaCT en janvier 2011 pour le compte de Betclic Everest Group, 759 000 Français , sur 5,24 millions de joueurs de jeux d'argent en ligne au cours des six mois précédents 119 ( * ) , joueraient sur des sites relevant du périmètre non régulé (jeux de casino, de grattage et de tirage). Toujours selon cette étude, plus de la moitié d'entre eux seraient intéressés par une offre de sites contrôlés.
L'évaluation du marché illégal en 2011 est fonction de l'estimation de la croissance du marché global. L'AFJEL privilégie ainsi un scénario pessimiste, dans lequel l'augmentation du marché serait essentiellement captée par les sites non agréés, le marché légal demeurant au mieux stable. Les nouveaux opérateurs membres de l'AFJEL, se fondent sur ce constat pour souligner la faible attractivité relative de l'offre légale et l'importante perte de recettes fiscales qui résulterait, selon eux, de l'interdiction des jeux de chance en ligne. Le PBJ non capté par la fiscalité 120 ( * ) étant évalué à 580 millions d'euros, la perte de recettes serait d'environ 300 millions d'euros.
Au total, votre rapporteur juge qu'il est difficile de se faire une idée précise de l'état actuel et de l'évolution future du marché illégal . Le flux des mises sur des sites illégaux s'est réduit mais la source ne s'est bien évidemment pas tarie, et ne peut sans doute pas l'être dans une économie ouverte. La période actuelle est sensible car la crédibilité de l'offre légale et des mesures de blocage des flux sur les sites prohibés est en jeu.
* 116 Pour les nouveaux entrants du marché, le maintien d'une offre illégale importante illustre le manque d'attractivité du marché légal.
* 117 Abstraction faite du volume marginal des mises sur les sites des deux anciens monopoles.
* 118 Données mentionnées dans le livre blanc de l'AFJEL.
* 119 Soit 15,2 % des 34,5 millions d'internautes majeurs.
* 120 Soit le PBJ réalisé en France par les sites de jeux de chance ou de hasard et des sites non agréés de paris et de poker.