3. Des risques limités de blanchiment sur les jeux en ligne
De l'avis des opérateurs et du directeur de Tracfin que votre rapporteur a auditionnés, les risques de blanchiment sur les jeux en ligne demeurent aujourd'hui très limités. Le directeur de Tracfin considère ainsi que la législation française est une des plus protectrices d'Europe , grâce au verrou essentiel du compte traçable (à la différence des jeux en dur) et à la prohibition de l'« exchange betting ».
Les risques identifiés résident essentiellement dans la possibilité théorique, lors des heures creuses de la nuit, de « saturer » une table de poker en cash game avec des complices préparés à perdre leurs mises, selon une pratique dite de « chip dumping ». La composition des tables étant normalement aléatoire, il est nécessaire qu'un très petit nombre de joueurs soient actifs sur le site au moment de l'opération. La parade est alors difficile mais les joueurs frauduleux demeurent néanmoins identifiables.
En revanche, le risque de blanchiment paraît quasi inexistant sur les tournois , puisqu'ils rassemblent généralement des centaines ou des milliers de personnes et que les participants ne peuvent savoir à l'avance sur quelle table ils vont jouer.
De même, les cartes prépayées offrent en théorie des possibilités de « micro-blanchiment » peu rentable car à concurrence de leur plafond de paiement, de 100 euros pour les cartes des deux principaux fournisseurs, Paysafecard et Ticket Surf. Ces cartes, comme les autres moyens de paiement, sont cependant adossées à un compte de paiement traçable et identifiées chacune par un code de seize chiffres (qui permet le paiement) référencé chez le fournisseur. Les deux sociétés ont également collaboré avec Tracfin et les « cyber-patrouilleurs ».
Deux autres risques associés aux cartes prépayées semblent devoir être relativisés :
- l'accès des mineurs au jeu : seules certaines cartes non utilisables par les mineurs 106 ( * ) permettent d'effectuer des paiements sur des sites de jeux en ligne. Le risque repose dès lors sur le détaillant qui a vendu la carte, à l'instar des jeux du réseau physique. Les prestataires de cartes réalisent cependant des contrôles mensuels de certains points de vente, qui permettent notamment de s'assurer que le détaillant procède bien aux vérifications d'identité ;
- la fraude et le vol : les risques ne sont pas plus élevés que pour d'autres moyens de paiement. Paysafecard et Ticket Surf mènent des actions de sensibilisation des consommateurs aux risques de fraude sur Internet (usurpation d'identité par spam , confidentialité du code, nécessité d'un certificat de sécurité sur le site d'achat, mesures de protection de l'ordinateur...) et peuvent effacer à distance les codes de paiement en cas de vol 107 ( * ) .
Les représentants de Tracfin et du ministère du budget ont indiqué à votre rapporteur que la recherche de la fraude doit privilégier la catégorie de gros joueurs , habitués aux sites illégaux et qui vivent mal le « retour de la loi », ce qui conduit à examiner la demande plutôt que l'offre de jeux. Diverses techniques sont nécessaires pour les repérer, l'ARJEL bénéficiant à cet égard de l'expertise d'une société canadienne. Si des fraudeurs sont détectés, il est cependant nécessaire de procéder au blocage des flux financiers, opération rendue difficile par le secret bancaire ( cf . supra ).
Le service Tracfin, qui est avant tout un service de renseignements et non para-juridictionnel et dont l'activité se concentre sur la recherche de l'origine de capitaux douteux, n'avait en mai 2011 pas encore reçu de déclaration formelle de soupçon des opérateurs de jeux en ligne, mais plutôt des renseignements informels, traités par une cellule dédiée 108 ( * ) . Il apparaît également que les divergences de législation entre Etats membres de l'Union européenne créent des difficultés, certaines juridictions n'étant pas aussi scrupuleuses que la France.
* 106 Par exemple, la carte « Premium » de Ticket Surf.
* 107 Le représentant de Paysafecard a ainsi évoqué à votre rapporteur le cas d'un buraliste qui avait « disparu » avec l'équivalent de 46 000 euros de paiements, mais dont les codes ont été rapidement rendus inutilisables.
* 108 De manière générale, Tracfin ne travaille que sur des informations « tracées », jamais sur dénonciation.