2. Permettre aux moyens considérables déployés en EPM de porter leurs fruits
a) La durée de séjour

Les moyens mobilisés au sein des EPM ne peuvent produire leurs effets que si les mineurs ne se bornent pas à un simple passage dans l'établissement.

Proposition n° 18 : Réserver la détention en EPM aux mineurs devant être incarcérés pour une durée au moins égale à trois mois.

Lorsque le mineur est prévenu, il devrait ainsi être affecté en EPM dans le cas où une détention longue est prévisible -ce qui est généralement le cas en matière de procédure criminelle notamment.

b) Les conditions de l'individualisation de la peine

Vos rapporteurs considèrent en second lieu que le principe de l'individualisation de la peine doit demeurer au coeur du projet des EPM. La mise en place de régimes différenciés répond, sous certaines conditions, à cette préoccupation.

A Lavaur, trois régimes différenciés ont été mis en oeuvre :

- le régime de contrôle, caractérisé par le placement en cellule en lieu et place du temps de présence en unité de vie (y compris les repas) ou par l'introduction de temps collectifs restreints et en sous-groupes ;

- le régime commun (accès aux temps collectifs sur les temps de repas et dans la journée) ;

- le régime de responsabilité, dans lequel le mineur bénéficie d'équipements ludiques supplémentaires (ordinateur, console vidéo) ou d'un accès, le week-end, à la salle de projection.

Ce dispositif n'emporte aucune restriction au regard du régime de droit commun (emploi du temps, scolarité, activités...). Le choix du régime est pris par la commission pluridisciplinaire, s'évalue de manière hebdomadaire et est motivé. Il est dissocié des sanctions disciplinaires (un passage en commission de discipline ou un incident n'implique pas de changement d'unité de vie vers un régime plus restreint). Selon Mme Nadège Grille 39 ( * ) , la mise en place des régimes différenciés a permis de réduire de manière notoire les incidents sans remettre en cause l'objectif initial des EPM : « apprendre à vivre ensemble, à vivre avec les adultes, à s'intégrer et partager des règles sociales collectivement ».

Un dispositif proche est expérimenté à Quiévrechain (une unité de suivi individuel, une unité de collectif restreint, deux unités classiques et une unité vers l'autonomie).

Les régimes différenciés ne peuvent toutefois fonctionner que si les EPM ne sont pas réduits à une seule logique quantitative du flux. Ainsi à Marseille, compte tenu de l'insuffisance des places de détention, l'unité « arrivants » elle-même a perdu sa vocation originelle pour devenir une unité de vie. La majorité des interlocuteurs de vos rapporteurs ont estimé qu'au-delà d'un effectif de 54 mineurs , les EPM ne pouvaient faire prévaloir une organisation qualitative de la détention.

Proposition n° 19 : Garantir l'individualisation de la peine, en particulier à travers la mise en place des régimes de détention différenciés, ce qui implique le respect absolu du numerus clausus .

Le respect des numerus clausus est aujourd'hui délicat dans des régions qui, comme la région Provence-Alpes-Côte d'Azur et l'Ile de France, connaissent un taux d'incarcération très supérieur à la moyenne.

D'après les informations communiquées par le directeur de l'administration pénitentiaire, le nouveau programme immobilier prévoit seulement l'implantation de quartiers mineurs au sein des futurs établissements de Bordeaux et de Caen ainsi qu'au sein du centre pénitentiaire de Nouméa. Ces projets ne sauraient corriger les insuffisances de la cartographie des lieux de détention des mineurs.

Proposition n° 20 : Engager une réflexion sur le rééquilibrage des lieux de détention des mineurs en fonction des écarts de taux d'incarcération entre régions.

c) La question de la discipline

Par ailleurs, il est indispensable aux yeux de vos rapporteurs de ne pas confondre la répartition des mineurs entre les différentes unités selon leur profil avec l'application de sanctions disciplinaires.

La matière disciplinaire laisse encore place à de trop nombreuses incertitudes en dehors des dispositions du code de procédure pénale qui ne concernent que les actes les plus graves. Il est pourtant possible de trouver une alternative entre la multiplication de dispositions relevant de l'« infra-disciplinaire » et le « laisser faire ». Une réponse aux incivilités est possible en effet, à une double condition : la pluridisciplinarité de l'instance de décision ou de contrôle, d'une part, la traçabilité des décisions, d'autre part.

Proposition n° 21 : Préserver les règles d'autorité, tout en clarifiant le cadre disciplinaire.

d) Les aménagements de peine

Vos rapporteurs déplorent que trop souvent les fins de peine des mineurs ne fassent l'objet d'aucun aménagement : en effet, les « sorties sèches » ne favorisent pas la réinsertion. Ils appellent de leurs voeux en particulier la mise en place de cellules de semi-liberté dans les EPM ce qui encouragerait les magistrats à prononcer plus facilement ce type de mesures.

Proposition n° 22 : Organiser une politique dynamique d'aménagement de peine en particulier en créant des quartiers de semi-liberté.


* 39 Nadège Grille, article précité.

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