B. L'AUDACE MESURÉE DU PARLEMENT EUROPÉEN
Le 8 juin 2011, le Parlement européen a adopté le rapport 4 ( * ) de sa commission spéciale « sur les défis politiques et les ressources budgétaires pour une UE durable après 2013 » (SURE), présenté par le député Salvador Garriga Polledo, qui préconise une augmentation d'au moins 5 % des ressources pour le prochain cadre financier pluriannuel. Selon le Parlement, porter ainsi les crédits d'engagement à 1,11 % du RNB de l'UE ne représenterait de toute façon qu'une contribution limitée pour atteindre les objectifs que l'UE s'est fixés et faire face aux imprévus.
Le Parlement européen met au défi le Conseil de lui indiquer quels projets il entend sacrifier alors que doivent être financés la stratégie Europe 2020 (en réponse aux nouveaux défis que sont le déclin économique et démographique, le réchauffement du climat, l'énergie) et les conséquences du traité de Lisbonne (renforcement de certaines politiques, nouveaux champs de compétence de l'UE). Le Conseil serait-il plus enclin à sacrifier la recherche et l'innovation, les investissements dans les infrastructures (notamment énergies et transports), l'action extérieure de l'UE, les élargissements, le financement du Mécanisme européen de stabilisation financière ou la réalisation des objectifs du Millénaire ?
En retour, le Conseil fait valoir que la demande du Parlement européen d'augmenter de 5 % les ressources, surtout en euros constants, n'est pas sérieusement documentée...
C. LA COMMISSION EUROPÉENNE ENTRE L'ENCLUME ET LE MARTEAU
La Commission européenne, prise entre l'enclume et le marteau, a publié ses propositions le 29 juin 2011. Elle a habilement proposé une stabilisation à 1,05 % de la part des crédits d'engagements dans le RNB de l'UE (en prix constants 2011), ce qui devrait représenter pour le Conseil un support valable de discussion : la Commission raisonne ainsi sur le niveau atteint par le budget en 2013, puisque le montant de crédits d'engagement qu'elle propose pour les sept ans du cadre financier pluriannuel est de 1 025 milliards d'euros, soit un montant équivalent au résultat de la multiplication par 7 du montant d'engagements prévus pour 2013 (145,65 milliards en prix 2011).
Mais la Commission européenne a aussi montré qu'elle avait écouté le Parlement en proposant, en dehors du cadre financier pluriannuel, des enveloppes budgétaires complémentaires qui, ajoutées au cadre financier pluriannuel, portent en fait les crédits d'engagement à 1,11 % du RNB, soit précisément le chiffre avancé par le Parlement européen !
Proposition de la Commission européenne pour le cadre financier pluriannuel 2014-2020
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Source : Commission européenne - COM(2011) 500 final
Les pays contributeurs nets ne sont pas dupes et la plupart d'entre eux ont déjà réagi négativement à ce projet : l'Allemagne, le Royaume-Uni, la Suède, les Pays-Bas, le Danemark...
La France a cependant adopté une position nuancée. Bien sûr, n'ayant cessé de rappeler que la stabilisation de sa contribution au budget communautaire était indispensable, elle dénonce la réalité de la charge qui sera supportée par son budget national, charge cachée derrière le projet de la Commission présenté en euros constants (prix 2011). La France a ainsi calculé l'écart entre les plafonds de crédits de paiement 2014-2020 proposés par la Commission et convertis en euros courants, avec les sommes réellement dépensées dans le cadre financier 2007-2013 lui-même converti en euros courants : selon la France, les crédits de paiement augmenteraient de 250 milliards d'euros, soit une hausse de 30 % d'un cadre financier à l'autre 5 ( * ) . Elle juge cette hausse insupportable pour le budget français qui consacre d'ores et déjà près de 20 milliards d'euros à sa contribution au budget européen.
Mais la France s'est d'abord félicitée de la stabilisation du budget de la politique agricole commune (PAC) et de la politique commune de la pêche en euros courants, conformément à l'exigence soutenue par le Président de la République depuis des mois.
Au-delà de cet effet d'affichage sur la PAC, quelles évolutions la Commission propose-t-elle dans la ventilation des dépenses du cadre financier pluriannuel ?
* 4 Rapport A7-0193/2011.
* 5 Cette hausse s'explique par l'importance du reste à liquider des années 2007-2013 (à savoir les crédits engagés mais non encore décaissés), soit l'équivalent de deux années de budget sur la programmation en cours.