2. L'effectivité du droit
Ce sont les personnes, leurs activités, les situations qui font vivre le droit : que vaut l'autonomie fiscale pour une commune qui rassemble une population pauvre ? Au moment où l'on parle beaucoup - à juste titre - de participation, de citoyenneté, il nous semble clair que leur affaiblissement n'est pas à mettre sur le compte de l'absence des procédures démocratiques. Les rendez-vous électoraux existent. Tout comme les modalités de consultation, d'information, de participation. De nombreux textes existent, avant d'en ajouter, faisons bon usage de l'existant.
La loi du 27 février 2002 a crée des conseils de quartiers dans les communes de plus de 80 000 habitants : rien n'empêche d'en créer ailleurs...comme rien n'empêchait d'en créer avant 2002. En 2002, nous en comptions 292 ; 982 en 2003 ; 1177 en 2004 ; 1305 en 2005 ; 1495 en 2006 ; 1583 en 2007. À la suite du renouvellement général des conseillers municipaux de mars 2008, 1552 sont mis en place au 15 septembre 2009.
Des commissions consultatives (appelées antérieurement extra-municipales) s'intéressant à tout problème d'intérêt communal peuvent être créées. Le principe de la commission consultative des services publics locaux est généralement respecté. Les régions, comme bon nombre de départements et de communautés disposent d'un conseil économique et social et environnemental.
Le principe de la consultation des habitants explicitement posé par la loi du 2 mars 1982 a pu être mis en pratique très librement et rien n'empêchait l'anticipation.
La loi du 28 mars 2003 introduit deux innovations majeures en matière de démocratie locale directe : la consultation pour avis et le référendum local 143 ( * ) .
La loi du 16 décembre 2010 a elle aussi prévu la consultation des populations.
Notre bonne conscience ne doit pas s'en tenir à la loi, au règlement, à la délibération : il faut les faire vivre. C'est toute la question de l'implication politique et civique : elle intéresse tout autant l'élu que le citoyen.
3. Au plan territorial, notre pays, d'histoire et d'État ne progresse durablement que dans l'équilibre
La loi du 5 avril 1884 nous en fournit un exemple : elle codifie une évolution née au XII e siècle avec la création des communes. Celles-ci naissent de la volonté de leurs habitants d'acquérir des libertés (consacrées dans des chartes) avec un authentique pouvoir financier pour s'organiser, commercer, se protéger.
Retrouvons Fernand Braudel : « Dans le royaume de France, les villes ont lutté contre les seigneurs et contre (ou avec le roi) pour acquérir privilèges et libertés. Elles ont saisi, une à une, des portions du pouvoir seigneurial ou souverain, reçu en présent des institutions qui les associent au gouvernement des hommes : selon leur chance, leur grandeur ou leur pugnacité, un présidial, un baillage, un parlement 144 ( * ) . »
La loi du 5 avril 1884 ne déroge pas à cette recherche d'équilibre : le maire devient un élu mais sa liberté reste surveillée.
La loi du 2 mars 1982 reste elle aussi un texte d'équilibre, qu'il s'agisse des relations entre les collectivités ou entre celles-ci et l'État.
Quelle est l'ambition de la loi constitutionnelle du 28 mars 2003 si ce n'est la recherche d'un équilibre 145 ( * ) ? La question qui se pose aujourd'hui est simple : quelle sera demain la consistance de celui-ci ?
* 143 De 1995 à 2009, il y a eu 233 conclusions pour avis. Si aucune région ou département n'ont recouru au référendum local, il y en a eu 6 dans des communes de 2008 à 2009. A Villefranche de Lonchat (Dordogne) sur la réhabilitation d'une halle ; à Guainville (Eure-et-Loir) sur le devenir d'un bien immobilier ; à Ville-en-Woëvre (Meuse) sur un projet de stockage de déchets radioactifs ; à Many (Moselle) sur la modification du nombre de sièges au sein de la communauté d'agglomération ; à Boulot (Haute-Saône) sur l'attribution d'un nom aux habitants de la commune, à Stains (Seine-Saint-Denis) sur la création d'une police municipale.
* 144 Fernand Braudel « L'identité de la France », Editions France-Loisirs, 1986, p. 161.
* 145 Avec beaucoup de perspicacité, Guy Gilbert posait une juste question : « 2003 sera pour les décentralisateurs l'année de tous les dangers ou celle de toutes les opportunités ; sera-t-elle à marquer d'une "pierre blanche" commémorant l'achèvement de l'édifice décentralisateur ou d'une "pierre noire", celle des occasions perdues et la fin des illusions ? » in « 20 ans après... un nouveau PAF pour les collectivités territoriales », RFPP, n° 81, mars 2003.