CHAPITRE PREMIER : LE MAROC, CARREFOUR DE L'AFRIQUE ET DE L'EUROPE

I. LE MAROC, UN « ISTHME » ET UN « PONT »

Le Maroc possède de nombreuses particularités qui apparaissent déterminantes dans le choix de ses politiques intérieure et extérieure. Au premier chef de ces singularités se trouve une position géographique qui lui confère un double statut d' « isthme » et de « pont ».

A. UN « ISTHME » EN AFRIQUE

Situés à l'extrême Nord-ouest du continent africain, les 446 550 km² du Royaume du Maroc viennent s'enchâsser entre le désert bleu des eaux méditerranéennes et atlantiques, et le désert jaune des sables du Sahara.

Alors que, au Nord et à l'Ouest, la mer et l'océan s'offrent comme une limite naturelle, les frontières australes du Maroc sont plus floues. A l'Est et au Sud-est, le Maroc se heurte aux immenses dunes algériennes. En revanche, au Sud-ouest, l'enclave du Sahara occidental suscite toujours un conflit juridique.

En effet, depuis le départ des espagnols en 1975, ce territoire de 224 300 km² est contesté à la fois par le Royaume et par la République Arabe Sahraouie Démocratique (ou RASD). En supposant l'adjonction de ce territoire, la superficie totale du Maroc atteindrait 710 850 km², ce qui, a titre de comparaison, le placerait juste devant la France (543 965 km²) et en ferait le 40 e plus vaste pays.

Depuis 1994, la fermeture de la frontière entre le Maroc et l'Algérie ne fait qu'accentuer ce phénomène de quasi-insularité. Due aux mésententes concernant le statut du Sahara Occidental, cette fermeture coupe littéralement toute liaison terrestre entre le Maroc et le reste du Maghreb - les conditions climatiques du désert saharien étant considérées comme trop extrêmes pour envisager des flux massifs et réguliers.

Cette situation particulière pousse le pays à se tourner vers un autre continent : l'Europe.

B. UN « PONT » VERS L'EUROPE, UNE PORTE DE LA MÉDITERRANÉE

De fait, les treize kilomètres qui séparent la rive Nord du Maroc et les côtes Sud de l'Espagne représentent un véritable atout stratégique.

Selon le Consortium pour la Recherche Appliquée sur les Migrations Internationales, 150 000 personnes - parmi lesquelles des marocains, des maghrébins et des africains - sont parties des côtes marocaines en 1998 pour rejoindre l'Espagne et l'Europe. Elles sont aujourd'hui (chiffres 2009) un million à franchir le Détroit de Gibraltar depuis les ports de Ceuta ou Tanger. Après actualisation des données en 2007, il s'avère qu'environ 86 % des marocains vivant à l'étranger habitent sur le continent européen.

Mais cette proximité ne se traduit pas seulement par des mouvements plus fréquents de populations , elle contribue également à une interpénétration fructueuse des économies marocaine et européenne.

En effet, en 2010, l'Europe intervenait à hauteur de 60 % - articles d'habillement et produits agricoles, notamment - dans le commerce extérieur marocain tandis que, à titre de comparaison, l'Asie y participait à hauteur de 21 % et les Etats-Unis, 10 %. En outre, cette proximité vient s'ajouter à la réactivité naturelle des entreprises du Maroc car elle peut, par exemple, favoriser des échanges marchands rapides appelés par l'éventuel changement brusque d'un marché.

Quant au trafic maritime empruntant le Détroit de Gibraltar, l'Institut Supérieur d'Économie Maritime (ou ISEMAR) l'évaluait en 2008 à 90 000 navires par an environ.

Ainsi le Maroc constitue un véritable carrefour historique, culturel et même « civilisationnel » . Toute l'histoire du Maroc est faite de ces rapports Nord-Sud découlant des réalités géographiques.

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