3. Mettre en place des « contrats de stratégie éducative au niveau régional » (CSER)
a) Des instruments de coordination encore imparfaits
Les collectivités territoriales sont de plus en plus investies dans le domaine éducatif au sens large, au-delà de leurs champs stricts de compétence, parce qu'elles ont compris que l'école était un lieu structurant pour leur territoire, où pouvaient s'articuler également les politiques économiques et sociales qu'elles assumaient. Du côté de l'État, l'Éducation nationale doit mieux coordonner son action avec celles d'autres ministères pour tenir compte du contexte urbanistique, social, familial, sanitaire et sécuritaire qui conditionne l'efficacité de son action. Même si la démarche contractuelle tend progressivement à se diffuser entre tous les acteurs concernés, force est de constater un défaut de lisibilité, d'harmonie et de pilotage stratégique. En d'autres termes, les partenariats se multiplient mais ils ne sont pas organisés à un niveau systémique global , d'où des risques de chevauchement, de contradiction, de dispersion des efforts qui pourraient déconsidérer progressivement l'idée même de contrat et de partenariat.
Différents instruments ont été mis en place pour remédier partiellement à cette difficulté mais ils demeurent encore insuffisants . L'article L. 214-1 du code de l'éducation, issu de la loi du 13 août 2004 sur les libertés et les responsabilités locales, jette les bases d'une planification régionale des formations, en demandant l'adoption par le conseil régional d'un schéma prévisionnel des formations des collèges, des lycées et des établissements d'enseignement agricole. Ce document, transmis au préfet de région, doit tenir compte des orientations nationales, formulation vague et très peu contraignante en elle-même, même si, de fait, les lois de finances et leur exécution - via les créations et les suppressions de poste par les recteurs -- conditionnent nécessairement le schéma régional. En outre, il doit rencontrer l'accord des départements pour les collèges et prendre en considération l'enseignement privé. Sur la base du schéma régional des formations, les conseils généraux et le conseil régional établissent, dans leur champ de compétences respectif, des programmes prévisionnels d'investissement conformément aux articles L. 213-1 et L. 214-5 du code de l'éducation.
Les effets juridiques du schéma prévisionnel sont minces dans la mesure où il n'instaure pas d'obligation pour les acteurs. Il s'agit plutôt d'un document assez lâche d'orientation et de planification. Cette démarche est louable mais elle ne peut remplacer l'élaboration d'un document stratégique de politique éducative. En effet, elle se concentre sur la définition de l'offre de formations sans développer une vision globale des finalités et des moyens de la politique éducative globale poursuivie sur le territoire régional. Elle ne prend de ce fait pas en compte l'ensemble des interventions des collectivités dans le domaine éducatif et périéducatif, ni les implications des autres politiques sociales et économiques sur les décisions scolaires. En conséquence, elle n'associe pas les communes, et seulement à titre subsidiaire les services de l'État extérieurs à l'Éducation nationale. Même dans ce champ restreint, elle n'instaure pas de lien contractuel avec les autorités académiques.
Le contrat de plan régional de développement des formations professionnelles (CPRDF), tel qu'il résulte de l'article 57 de la loi du 24 novembre 2009 relative à l'orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie, franchit une étape suivante vers l'établissement d'une stratégie partagée élaborée en commun par les acteurs concernés. Comme le dispositif antérieur, il prévoit une programmation à moyen terme des actions de formation professionnelle des jeunes et des adultes afin d'assurer un développement cohérent de l'ensemble des filières. Le CPRDF est élaboré par la région dans le cadre du comité de coordination régional de l'emploi et de la formation professionnelle (CCREFP) sur la base des documents d'orientation présentés par le président du conseil régional, le préfet de région, l'autorité académique et les organisations d'employeurs et de salariés. Le comité doit procéder à une concertation avec les collectivités territoriales concernées et Pôle emploi. Le CPRDF est adopté par le conseil régional après consultation des départements, puis est signé par le président du conseil régional, le préfet de région et par le recteur pour ce qui concerne la formation initiale. Le suivi et l'évaluation de ce contrat de plan sont assurés par le CCREFP selon des modalités générales définies par le Conseil national de la formation professionnelle tout au long de la vie (CNFPTLV).
C'est à l'été 2011 que les premiers CPRDF seront signés. Le recul n'est pas encore suffisant pour juger de leur efficacité. Pour autant, ils ont permis d'enclencher une dynamique positive car les négociations au sein des CCREFP revitalisés contribuent déjà par elles-mêmes à rompre avec la logique de cloisonnement et de corporatisme dont souffre la formation professionnelle. M. Jean-François Mézières, représentant l'association des régions de France (ARF), considère que, malgré le temps de négociation bref imposé par le législateur, « les CPRDF présentent l'avantage d'obliger les parties au dialogue. Il faudra toutefois éviter qu'ils ne marquent qu'un accord sur des objectifs qui sont des lieux communs - telle la lutte contre l'échec. Au contraire, il faut réaliser un diagnostic fin des territoires et entrer progressivement dans un véritable engagement de moyens et de contractualisation pluriannuelle ». 95 ( * )
Les représentants des employeurs ont suivi avec attention l'élaboration des CPRDF et s'y sont investis, preuve que l'esprit partenarial est bien accueilli par toutes les parties prenantes de la formation professionnelle. M. Bernard Falck, responsable de l'éducation et de la formation au Mouvement des entreprises de France (MEDEF) a souligné que la démarche initiée par le législateur avait fourni l'occasion « d'échanges extrêmement denses entre l'ensemble des acteurs, qu'il s'agisse de l'État, des conseils régionaux, des partenaires sociaux et des organisations économiques. [...] Une évaluation sera nécessaire pour construire un diagnostic partagé permettant d'améliorer ce dispositif. En tout cas, il s'agit d'une occasion unique d'approfondir le partenariat entre les différents acteurs. » 96 ( * ) C'est le premier pas déterminant un cadre systémique qui devra être poursuivi par la négociation d'autres instruments contractuels définissant finement, dans les bassins d'emploi, les actions opérationnelles et les engagements de chaque partie. Dans les termes de M. Bernard Falck, le principe vertueux du CPRDF « doit se traduire par l'élaboration de conventions d'objectifs et de moyens entre l'État, les régions, les chambres consulaires et les branches professionnelles. Les déclarations d'intention ne constituent qu'un accord-cadre, en amont de la déclinaison opérationnelle que nous souhaitons. » 97 ( * )
* 95 Table ronde du 5 avril 2011 avec les représentants des associations d'élus locaux.
* 96 Table ronde du 26 avril 2011 avec les représentants du monde socioéconomique.
* 97 Ibid.