(2) ... mais sont-ils des interlocuteurs pour l'Éducation nationale ?

Lors de ses déplacements en province mais aussi à l'étranger, votre mission n'a pas manqué de s'entretenir avec des parents d'élèves, dont les principales fédérations ont été, en outre, entendues lors de la table ronde du 5 avril 2011 consacrée aux élus et aux parents d'élèves ainsi que lors du colloque organisé le 4 mai 2011 au Sénat.

Elle a constaté que les évolutions décidées par le ministère ne s'appuyaient que très rarement sur une consultation effective et approfondie des parents d'élèves. Lors de la table ronde précitée, M. Jean-Jacques Hazan, président de la Fédération des conseils de parents d'élèves des écoles publiques (FCPE), a présenté en ces termes son analyse : « Souvent, les expérimentations sont menées dans le cadre des projets d'établissement ; les parents y sont alors associés. (...) En revanche, les parents d'élèves - et les élus - sont peu associés aux expérimentations nationales . Par exemple, les réformes introduites en 2008, dont le passage à la semaine de quatre jours, n'ont pas fait l'objet d'une concertation approfondie. Nous connaissons le résultat de ces réformes. En février 2009, six mois après l'instauration de la semaine de quatre jours, nous avons engagé une campagne intitulée « Six mois, ça suffit ! ». Il est difficile de revenir sur une réforme, surtout si l'on a contraint les collectivités territoriales et les parents d'élèves à l'exécuter contre leurs souhaits. L'association des parents d'élèves à la réforme des programmes du primaire aurait sans doute abouti à de meilleurs programmes que ceux qui ont été adoptés et qui ne sont pas appliqués - parce que n'étant pas applicables. L'aide individualisée, qui a désorganisé le temps du midi, l'heure de début de classe et parfois l'enfant lui-même, n'a pas été mise en oeuvre de façon partenariale. Je citerai encore une expérimentation, celle de la « Mallette des parents ». Celle-ci étant fondée sur le contact, il est normal qu'une discussion ait été menée. On peut toutefois regretter qu'elle n'ait pas été plus profonde et plus précoce, et que les résultats de cette expérimentation n'aient pas été partagés. »

La faiblesse de la concertation lors des expérimentations a été actée par d'autres participants, comme Mme Béatrice Chesnel, présidente de l'Union nationale des associations autonomes de parents d'élèves (UNAAPE) : « Nous participons très peu aux expérimentations scolaires, que nous découvrons bien souvent une fois mises en place . L'UNAAPE souhaite que les parents d'élèves soient consultés sur le bien-fondé, le lieu, la durée des expérimentations, ainsi que sur l'évaluation de leurs résultats. (...). Nous avons été écartés de l'expérimentation cours le matin - sport l'après-midi . Les parents n'en ont pas été informés préalablement. »

D'autres critiques ont attiré l'attention de la mission :

- l'association des parents d'élèves aux projets d'école et aux projets d'établissement serait très inégale 74 ( * ) ;

- les horaires des conseils d'école et des conseils d'administration ne permettraient pas toujours aux parents d'élèves d'y assister, contrairement aux préconisations du décret de 2006 précité. Mme Claudine Caux, présidente de la Fédération des parents d'élèves de l'enseignement public (PEEP), a ainsi déclaré devant la mission que : « Les parents, mais également les collectivités territoriales, doivent être mieux représentés dans les conseils d'administration. Il faut donner aux parents d'élèves toute leur place, ce qui n'est pas le cas, par exemple, lorsqu'on organise un conseil d'école à 14 heures. » ;

- la complémentarité du rôle des parents avec le travail accompli en classe n'est pas suffisamment étudiée . Selon M. Hazan, « les parents ne sont pas des partenaires mais des membres à part entière de la communauté éducative. Ils sont co-éducateurs mais il ne s'agit pas de leur demander de faire la même chose que les enseignants. La sous-traitance des devoirs aux familles est une mauvaise chose. Il faut réfléchir avec eux et leur donner les moyens de faire, chez eux, un travail complémentaire à celui de l'école. »

Les positions exprimées par les représentants des associations de parents d'élèves n'ont pas surpris la mission :

- s'agissant des décisions prises par le ministère, que ce soit dans le cadre du lancement d'expérimentations nationales ou de nouvelles réformes, l'absence de réelle concertation avec les parents d'élèves ne fait que témoigner du modèle pyramidal de décision qui caractérise le ministère de l'Éducation nationale . D'aucuns ont pu mentionner l'expérience de la « Mallette des parents » initiée dans l'académie de Versailles. Il s'agit d'un contre-exemple car, faut-il le rappeler, cette expérience n'a pas été présentée par le ministère de l'Éducation nationale mais par M. Martin Hirsch, alors Haut Commissaire aux solidarités actives. Par ailleurs, eu égard à son intitulé, il est heureux que les parents aient été associés...

« La Mallette des parents » : un contre-exemple positif

Constatant que le lien entre les parents et les enseignants se distend entre le CM2 et la 6 e , du fait de l'éloignement du collège, de la multiplication des interlocuteurs et de l'indépendance accrue de l'enfant, l'académie de Créteil a initié un programme d'accompagnement à destination de parents, dénommé « la Mallette des parents ».

Ce projet vise à consolider le lien entre le collège et les parents d'élèves volontaires, en favorisant la compréhension du système éducatif et de son fonctionnement dans une dynamique de co-éducation.

Pour atteindre ces objectifs, la Mallette propose une boîte à outils composée d'un DVD et de fiches thématiques permettant d'aborder un ensemble de questions propres à l'entrée en 6 e (comment se tenir au courant de ce qui se passe au collège concernant son enfant ? Qu'attendent les professeurs des élèves et de leurs parents ? Comment les parents doivent-ils s'y prendre pour aider leurs enfants dans leurs devoirs ? etc) et permettant à chaque établissement d'exposer son fonctionnement propre.

La Mallette comporte également un cycle d'ateliers-débats : trois fois dans l'année, des ateliers de deux heures permettent aux parents d'avoir un échange sur le fonctionnement du collège, le temps des devoirs, l'accompagnement éducatif, mais aussi sur des questions plus générales telles que les dangers d'Internet, le sommeil, l'alimentation... Ces ateliers sont animés par des personnels de l'établissement, des parents et des intervenants extérieurs spécialisés qui peuvent, s'ils le souhaitent, utiliser tout ou partie de la boîte à outils.

Le changement de processus décisionnel souhaité par votre mission devrait diminuer les frustrations des parents d'élèves ;

- s'agissant des critiques relatives à la gestion des établissements , votre mission estime également que ses propositions tendant à revaloriser l'établissement en tant que tel et donc, à donner toute son importance aux projets d'école ou d'établissement, permettront de facto une amélioration de la cohésion de la communauté éducative et un approfondissement du dialogue entre ses membres.


* 74 Mme Béatrice Chesnel, présidente de l'UNAAPE : « Nous souhaiterions que les parents d'élèves soient davantage associés à l'élaboration des projets d'établissement - nous constatons, dans ce domaine, de grandes disparités entre établissements. »

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