2. Des efforts à juger dans la durée
a) Des réformes aux effets nécessairement étalés dans le temps
Lors de leur entretien avec le Président de la République et le ministre de la Justice, vos rapporteurs ont pu mesurer l'ampleur vraiment impressionnante de la mobilisation croate pour accélérer les réformes dans le domaine judiciaire et atteindre dans les temps la « masse critique » susceptible d'emporter la décision.
Il est indéniable qu'en termes de nombre de lois votées et de moyens dégagés, l'effort a tout pour impressionner.
L'une des difficultés provient toutefois de ce que ces mesures ne produiront que progressivement l'intégralité de leurs effets, une fois qu'elles auront été totalement mises en oeuvre.
L'exemple le plus manifeste du temps nécessaire à l'obtention de résultats tangibles est celui de la réforme de la formation et de la nomination des juges : 22 procureurs devaient être recrutés en juin 2011 suivant les nouvelles procédures, 75 juges le seront en décembre 2011 et mai 2012 ; ces promotions ne seront pas en poste avant plusieurs années.
b) Des appréciations nuancées : l'avis des ONG et des Organisations internationales
Un rapport d'Amnesty International de décembre 2010, « Behind the wall of silence », présenté aux institutions européennes en février dernier, a relancé la question de l'impunité des responsables de crimes de guerre et de l'efficacité du système judiciaire croate à les poursuivre.
Le 16 février 2011, 15 ONG (dont 5 rencontrées à Zagreb par vos rapporteurs) ont publié un rapport conjoint affirmant que la Croatie n'était pas encore tout à fait prête à clore le chapitre 23.
Les représentants de ces associations, rencontrées par vos rapporteurs, ont mis en avant un bilan largement plus nuancé que celui présenté par les autorités, et qui comporte encore des lacunes.
Ainsi par exemple le responsable du HCR a affirmé à vos rapporteurs que le taux de réalisation de l'objectif 2009 de relogement des réfugiés et déplacés était de 72 % et non de 93 % comme annoncé dans leur rapport officiel par les autorités croates. Il a jugé indispensable plus de transparence et de sincérité dans les chiffres mis en avant par le gouvernement.
De même, la représentante de l'OSCE a regretté la suspension unilatérale des réunions mensuelles avec le gouvernement sur les crimes de guerre, et critiqué la méthode officielle de comptabilisation des cas de crimes de guerre, qui minimise leur nombre : 2000 cas deviennent ainsi 500 incidents dans les rapports officiels.
Toutefois, les ONG et organisations internationales ont fait valoir que ces sujets étaient revenus au centre des préoccupations croates du fait de la pression européenne s'exerçant actuellement sur la Croatie, et ont toutes souligné l'effort réel du gouvernement pour combler les retards observés, déplorant un net retard initial à s'attaquer au problème. À cet égard, la perspective de l'adhésion à l'Union a constitué un puissant levier d'accélération pour le traitement de sujets particulièrement sensibles pour l'opinion publique européenne.
On ne peut que se féliciter de la vigilance des ONG et organisations internationales en charge des réfugiés et des crimes de guerre, qui agissent comme un puissant aiguillon pour les autorités croates.