(2) Une accélération récente pour emporter la conviction de la Commission et des États membres
La Commission européenne a présenté, le 2 mars dernier, un rapport d'évaluation intérimaire (exceptionnellement adopté au niveau du collège des commissaires eux-mêmes) sur les progrès réalisés par la Croatie en matière de justice et État de droit.
Ce rapport figure en annexe n°4 du présent rapport.
Tout en saluant des améliorations notables dans certains domaines (justice, crimes de guerre, lutte anti corruption, réfugiés, minorités et droits fondamentaux), ce rapport a pu surprendre par sa tonalité globalement négative, contrastant avec l'appréciation favorable portée en novembre 2010 par la Commission, dans sa communication périodique sur la stratégie d'élargissement.
Sa principale conclusion était que, si la Croatie avait considérablement progressé, elle devait encore prendre des mesures supplémentaires pour remplir totalement les critères européens.
Plus précisément, les 10 points sur lesquels des progrès restaient à accomplir concernent les domaines suivants :
- mise en oeuvre effective de la réforme judiciaire
- accroissement de l'indépendance, et l'impartialité, et professionnalisation de la justice
- efficacité de la justice (délais de jugements, arriérés de contentieux, informatisation)
- impartialité et lutte contre l'impunité pour les crimes de guerre
- lutte effective contre la corruption y compris au plus haut niveau de l'Etat
- mesures de prévention de la corruption et lutte contre les conflits d'intérêt
- protection des minorités
- traitement du retour des réfugiés (logement en particulier)
- protection des droits de l'homme (renforcement de l'ombudsman, mise en oeuvre des lois anti discrimination)
- pleine coopération avec le TPIY.
Suite à ce rapport, les autorités croates ont intensifié leurs efforts à tous les niveaux pour convaincre la Commission et les États membres du caractère durable et irréversible des réformes.
Le Gouvernement a élaboré un plan d'action en 30 points sur les 10 critères de clôture, dès le 3 mars, et a remis trois rapports successifs sur sa mise en oeuvre, dont le dernier en date du 12 mai 2011, fait état des progrès suivants :
• Indépendance, responsabilité et efficacité de la justice
Les deux nouveaux conseils des juges et des procureurs sont désormais indépendants ; de nouvelles mesures législatives sont mises en place en matière de sanction disciplinaire des magistrats, afin d'élargir l'éventail des sanctions et de renforcer les pouvoirs d'enquête ; une formation des présidents des tribunaux sur les questions de déontologie a été organisée (en coopération avec des experts français) ;
En matière d'efficacité judiciaire, plusieurs mesures visent à réduire les arriérés : identification des cas dans lesquels l'État croate est partie et des moyens visant à les résoudre rapidement, notamment dans les tribunaux les plus surchargés ; abandon des poursuites envisagées dans les affaires civiles de faible montant, consultations régulières des tribunaux les plus engorgés avec le Président de la Cour suprême ; la réduction des arriérés judiciaires a été effectuée à 50 % ; des moyens nouveaux sont affectés pour renforcer les capacités des tribunaux de Zagreb et Split -recrutement de 82 juges et 129 personnels administratifs- ; un nouveau projet d'amendement au code de procédure civile vise à réduire les délais ;
• Crimes de guerre
Deux plans d'action opérationnels pour le Parquet et pour le ministère de l'Intérieur ont été adoptés afin de mettre en oeuvre la stratégie adoptée le 11 février par le ministère de la Justice sur les crimes de guerre. Les règles de procédure des tribunaux ont été modifiées pour établir des départements spécialisés dans 4 tribunaux (Zagreb Rijeka, Split, Osijek) et accélérer le traitement des cas les plus complexes ;
Un rapport supplémentaire sera élaboré sur le point particulier de la poursuite des crimes de guerre , pour justifier l'absence d'enquêtes ou de poursuites pour environ 400 cas, détaillant le nombre d'instructions ouvertes, le nombre de procès, jugements et condamnations et définissant les priorités sur le plan national et local : 128 crimes seraient prioritaires, commis autant sur des Croates par l'armée yougoslave et les forces serbes paramilitaires de Krajina que sur des Serbes par des soldats de l'armée croate. Le grand nombre de crimes restés sans investigation s'expliquerait notamment par les capacités réduites des tribunaux jusqu'aux récentes réformes ;
• Lutte anti corruption
Une nouvelle loi destinée à améliorer le professionnalisme et à dépolitiser la police a été adoptée en mars ; la loi sur l'organe judiciaire spécialisé dans la lutte anti corruption (USKOK) est en cours de modification pour instaurer un contrôle sur les classements sans suite et donner au parquet la maîtrise de l'instruction ; les capacités de la police (PNUSKOK) ont été renforcés en ce domaine avec le recrutement de 66 agents supplémentaires ; des mesures préventives ont été adoptées comme une loi sur les conflits d'intérêt particulièrement radicale, impliquant que les personnes soumises à déclaration de patrimoine devront dévoiler leurs comptes bancaires et mettant en place une Commission sur les conflits d'intérêt, ou encore des lois sur le financement des partis politiques, la transparence de l'information relative aux marchés publics ou la saisie des avoirs criminels.
Chaque entreprise publique doit élaborer une stratégie anti-corruption et de nombreuses enquêtes sont en cours sur la corruption de haut niveau, concernant notamment, outre des responsables politiques, des dirigeants d'entreprises publiques HEP (électricité), HAC (autoroutes), Hrvatske vode (eaux).
• Protection des minorités
Un plan d'action général à long terme (2013) et un plan spécifique de recrutement des représentants des minorités dans l'administration ont été adoptés.
• Réfugiés
Le gouvernement considère que 93 % de l'objectif 2009 de relogement des réfugiés est atteint (1 394 logements auraient été alloués), ce chiffre devant bientôt passer à 100 % avec l'attribution de 676 nouveaux logements (à noter que le HCR chiffre à 72% la réalisation de cet objectif).
Le traitement des demandes non couvertes par l'objectif 2009 est accéléré : sur 2 211 candidatures, 1 138 cas seraient en cours de règlement. Le délai limite pour présenter une demande a été prorogé de 9 mois ; les capacités administratives ont été renforcées afin de résoudre la majorité des arriérés de recours concernant les demandes de construction.
• Coopération avec le TPIY
La mission ad hoc (« task force ») mise en place au sein de l'administration pour la recherche des documents d'artillerie demandés par le TPIY dans le cadre du procès GOTOVINA continuera à coopérer avec le TPIY.