5. THAMES TOWN : une ville nouvelle anglaise aux portes de Shanghai

Shanghai mène depuis maintenant 40 ans une politique de développement de villes satellites pour structurer le développement de sa périphérie. Dans le contexte du schéma directeur actuel, le programme « Une ville et neuf bourgs » fut lancé en 2000 pour organiser le développement de l'aire urbaine par la création ex-nihilo de villes nouvelles multifonctionnelles. Ce programme se voulait particulièrement original : un style d'inspiration étrangère fut choisi pour chaque ville ou bourg, traduisant une volonté de conférer à chacune une identité propre et d'y attirer des habitants de la ville-centre. À partir du cas de Songjiang et de la cité résidentielle d'inspiration britannique « Thames Town » il s'agit de présenter ce système et d'en tirer certaines leçons 49 ( * ) .

"Je suis d'une génération pour laquelle la métropole est synonyme de rayonnement culturel (Londres, Paris, New York), puis économique (Londres, New York) ; désormais elle devient parc à thème (Las Vegas, Dubaï), camp de vie massif (les villes chinoises) ou aberration architecturale et fourre-tout social (Tokyo)" : J.G. Ballard (né à Shanghai en 1930)

Le secteur résidentiel de Thames Town est partie intégrante de la ville nouvelle de Songjiang 50 ( * ) à 30 km au sud-ouest de Shanghai. Avec 800 000 habitants, Songjiang est aujourd'hui la première des villes nouvelles considérée comme terminée. Aux franges de la mégapole,  la ville nouvelle est accessible en métro, au terminus de la ligne 9 : pour s'y rendre le métro aérien traverse, pendant une vingtaine de kilomètres, un paysage surprenant et hybride composé de champs, de vastes chantiers avec leurs grues et leurs tours en construction, de pavillons résidentiels et de barres de logements alignées et orientées au Sud.

Nouveau pôle universitaire et résidentiel de la grande ceinture de Shanghai, la ville de Songjiang est aujourd'hui un des lieux emblématique des politiques d'aménagement du territoire du Grand Shanghai . Construite aux abords de l'ancienne ville industrielle de Songjiang, dont la population était essentiellement agricole et ouvrière, la ville a été pensée comme un ensemble multifonctionnel : de nombreux bureaux, centres commerciaux et culturels ainsi que la mairie ont été planifiés autour d'un grand parc. Une vaste zone de 5,3 km² y est réservée pour de nouvelles universités. L'objectif annoncé est d'y accueillir 80 000 étudiants et 20 000 enseignants. Les zones résidentielles sont localisées à l'est et l'ouest du centre. Dans ce nouveau plan de ville, le quartier résidentiel de Thames Town présente la particularité d'imiter l'atmosphère d'un village anglais en s'appuyant sur les codes de l'architecture traditionnelle britannique.

Véritable décor sans envers, ce lieu singulier est un formidable laboratoire des transformations urbaines à l'oeuvre en Chine . Cette « ville anglaise » aux portes de Shanghai n'est pas sans poser une série de questions :

- sur la politique des villes nouvelles comme réponse à l'étalement urbain ;

- sur la pertinence de développer une offre de logement originale et luxueuse destinée à la spéculation, et non à une classe moyenne émergente ou aux nouveaux migrants ;

- sur le rapport de la Chine à l'Occident aussi sur l'urbanisme de la table rase et la ville sans histoire.

Le quartier résidentiel de Thames Town, avec au centre une reproduction des Docks de Londres bordée par des îlots résidentiels enclos (image google earth)

Thames town, la ville modèle

La notion de ville nouvelle ou de ville satellite n'est pas récente dans l'histoire de la planification urbaine de Shanghai . En 1959, l'idée apparaît pour la première fois dans le cadre du schéma directeur. En 1972 et 1978 l'idée se concrétise avec la planification et la construction des bases industrielles de Jinshan Wei (pétrochimie) et de Baoshan-Wusong (sidérurgie) 51 ( * ). Conçues comme deux villes satellites, elles visent à orienter le développement vers le nord et le sud de la municipalité. En 1986, nouvelle étape dans le contexte d'ouverture et des réformes, le schéma directeur approuvé par le gouvernement envisage directement le développement de villes satellites résidentielles en périphérie.

Ainsi inscrites dans les différentes stratégies d'aménagement depuis plus de 40 ans, les villes nouvelles sont présentées dans le schéma directeur actuel (approuvé en 1999) comme un des axes privilégié pour le développement du territoire municipal de Shanghai et le contrôle de la croissance urbaine . Pour le bureau de la planification de Shanghai il s'agit d'adapter la structure de la ville à la croissance urbaine, afin de la contenir et d'éviter un développement non maîtrisé en « tâche d'huile ».

Face à l'étalement urbain toujours croissant (300 000 nouveaux habitants arrivent chaque année à Shanghai), à la destruction-reconstruction de nombreux quartiers centraux impliquant le relogement de milliers d'habitants (entre 50 000 et 100 000 habitants sont relogés chaque année 52 ( * ) ), et à la nécessité de structurer et d'animer le développement des périphéries, un programme baptisé « Une ville et neuf bourgs » a été lancé en 2000 53 ( * ) . Les villes nouvelles et bourgs nouveaux sont définis comme des prototypes, premiers essais d'une stratégie plus globale de décentraliser et de développement des villes-supports pour l'industrie.

L'objectif affiché consiste à déplacer au moins un million d'habitants de l'intérieur du premier périphérique de Shanghai pour les reloger dans des villes satellites progressivement reliées par le réseau de transport public . Ces points d'urbanité ont la particularité de faire explicitement référence à des cultures et des modèles urbains étrangers. Afin de promouvoir l'urbanisation de ces petites entités urbaines sensées fixer le reste de l'urbanisation en périphérie, des concours d'architecture ont été lancés par le bureau de la planification de Shanghai et plusieurs architectes occidentaux ont été invités à concourir. La commande était de donner une forme visuelle à l'identité du pays d'origine. Les différents concours ont conduit à différents projets : une ville anglaise à Songjiang, mais aussi une ville canadienne, allemande, italienne, néerlandaise, scandinave, espagnole, et une ville nord américaine abandonnée

Cette démarche vise avant tout à donner une identité à des territoires en périphérie afin de rompre avec la monotonie d'une banlieue « plate » sans centralité faite d'espaces agricoles, progressivement densifiés et urbanisés depuis les années 1990 et les réformes du droit de la terre et de la propriété. L'idée, en réaction au manque d'identité dont souffre de nombreuses villes nouvelles, est que ces centres secondaires, à l'identité thématique marquée, doivent permettre le développement du reste de la ville.

Pour la puissance publique, la mise ne place de ce polycentrisme urbain hiérarchisé a donc avant tout pour but de diversifier l'image de la banlieue grâce à la transposition des codes de l'architecture occidentale . Pour le secteur privé et les promoteurs, cette architecture venue d'ailleurs permet d'attirer l'acheteur en se singularisant par rapport à l'ensemble de l'offre. Le style d'inspiration étrangère, choisi pour chaque ville ou bourg, sert ainsi une stratégie d'image et de marketing qui s'articule à deux échelles : celle de la municipalité et du développement de l'ensemble du territoire shanghaien, celle des promoteurs et de la valorisation de certains secteurs.

Pour la municipalité de Shanghai il s'agit, par les différents emprunts à des styles architecturaux occidentaux, de vendre une nouvelle modernité d'une cité ouverte sur l'occident . Dans les discours des dirigeants de la ville, cette politique d'aménagement renoue avec le passé international de Shanghai afin de rendre à la ville son statut de métropole internationale du début du XXe siècle : dans la seconde moitié du XIXe siècle, le développement des concessions internationales permet à des entrepreneurs tant étrangers que chinois de contribuer à l'industrialisation de la ville et à son internationalisation. Jusqu'aux années 1930, une réelle interpénétration entre culture orientale et culture occidentale s'opère.

C'est à cette époque que Shanghai, qualifiée parfois de « Paris de l'Orient » acquiert l'image d'une « ville des plaisirs ». Ainsi le regard porté sur l'histoire de la ville change : alors que la ville était punie sous le régime communiste où son histoire capitaliste et étrangère était considérée comme une marque d'infamie (l'histoire officielle dans les manuels scolaires décrivait, il y'a encore 20 ans, Shanghai comme le produit du féodalisme chinois et de l'impérialisme occidental), la ville se projette aujourd'hui comme une capitale cosmopolite et moderne à l'égal des grandes métropoles mondiales. Dans le coeur de la ville, les lieux hérités de l'histoire shanghaienne sont rénovés, mis en valeur et pour partie protégés ; les témoignages sur le Shanghai d'avant 1949 font l'objet d'émissions à la télévision locale ; les photos, cartes postales ou écrits des années 1920 à 1940 sont repris et largement diffusés, etc.

L'opération « Une ville, neuf bourgs » est donc dans son versant culturel, l'illustration d'un retournement historique important dans une ville marquée et produite par la colonisation . Dans un mouvement cette fois consenti, Shanghai demeure une table de mixage de modèles culturels importés. Mais ce programme a été jugé sévèrement par les urbanistes et architectes de Shanghai, et notamment certaines figures de l'université de Tongji 54 ( * ). Dans la réalité, ces bourgs peinent à devenir des centres urbains autonomes. Ainsi, à Songjiang, le nord-est de la ville est une véritable cité-dortoir de Shanghai, à l'image de Thames Town, enclave qui témoigne de la difficulté de ces villes nouvelles à devenir de véritables centres urbains.

Thames town, la ville fantôme

On entre dans l'îlot de Thames Town par l'une de ses trois entrées. Quelque soit celle qu'on emprunte, les voies routières et piétonnes conduisent, au bout de 100 mètres à une boucle interne, circuit routier desservant le centre de la ville nouvelle et chacun de ses lotissements. La planification de Thames Town, réalisée par le cabinet d'architecture anglais Atkins, transpose ainsi à la banlieue shanghaïenne le système de Radburn : les grands îlots résidentiels fonctionnent en circuit quasi-fermé et ne s'ouvrent que sur le réseau viaire interne de Thames Town.

Les franges de la parcelle sont exclusivement réservées aux lotissements : quatre grands îlots résidentiels encadrent le centre ville. Ce dernier s'articule autour de deux éléments architecturaux structurant le paysage de Thames Town, l'église et le « royal crescent ». Avant même d'entrer dans la ville, on aperçoit l'église : l'image d'Épinal du petit village de campagne avec son clocher - image que l'on retrouve dans le patrimoine paysager de nombreux pays européens - est fidèlement reproduite, comme en gage d'authenticité. Autour de l'esplanade de l'église, le centre ville se développe à l'Est jusqu'à un ensemble architectural de forme hémicyclique, inspiré du « Royal crescent » de Bath. Ce « royal crescent » moderne s'ouvre sur une place desservie par deux allées qui mènent au port du lac artificiel de Thames Town.

Le royal crescent de Thames Town (à droite)
et celui de Bath (à gauche)

Dans la ville, les différents styles architecturaux de l'Angleterre Georgienne, Victorienne ou Edwardienne ont été mêlés ce qui donne l'impression que le développement de la ville est le fruit de l'histoire (Paul Rice, architecte du projet, évoque l'idée d'une « organically grown town »). De ce point de vue, l'objectif est atteint et la ville n'est pas cet espace uniforme caractéristique de nombreux projets de planification qui ont vu le jour dans le district de Shanghaï ces dernières années. Plus encore que dans le style architectural, l'Angleterre est dans les détails du mobilier urbain : vari-faux tramway, cabines téléphoniques, boîtes aux lettres, lampadaires importés, ... tout doit rappeler la patrie de Churchill dont une statue trône dans le centre

La statue de Churchill, le « Leeds Garden »
et le pub « Ruth Bar » à Thames Town

Atkins ne semble pas s'être trompé. Plus de 95 % des villas et appartements se sont vendus dès l'ouverture de Thames Town. Et pourtant, la ville est déserte : la journée, touristes et mariés viennent y prendre des photos mais le soir, les rues sont vides et les rares habitants que l'on peut croiser sont ceux qui rentrent du travail et qui se dirigent vers les lotissements dans leurs berlines aux vitres teintées. La ville donne parfois l'impression d'avoir plus de gardiens (tous déguisés en garde rouge de Buckingham Palace) que de résidents. D'après le professeur Li Xiangning 55 ( * ) , le taux d'occupation de Thames Town avoisinerait les 20 %. Face au dynamisme démographique de la région et aux difficultés que rencontre la majeure partie des citoyens du district pour trouver un logement, l'existence d'une ville fantôme dans la banlieue de Shanghaï semble paradoxale.

En fait, les très faibles taux d'occupation et l'insuffisance de logements pour un grand nombre de personnes sont les deux aspects d'un même problème lié au fonctionnement dual du marché immobilier . Alors que le marché est saturé pour les personnes aisées qui utilisent l'immobilier comme un moyen d'investir et de spéculer , la demande de logements à bas prix reste encore largement insatisfaite. En 2010, 85 % des Shanghaïens éprouvaient des difficultés pour trouver un logement abordable dans la ville estime la Chinese Academy of Social Sciences 56 ( * ). Or, les prix pratiqués dans Thames Town classent la ville dans la catégorie de l'immobilier « haut de gamme ». Compris entre 5 000 RMB le m² et 8 000 RMB le m² pour les logements les moins chers, les prix grimpent jusqu'à 15 000 voire 20 000 RMB le m² pour les villas les plus luxueuses (entre 300 et 400 mètres carrés). La ville nouvelle est donc fantôme mais la spéculation est bien réelle, ce qui explique le très faible taux d'occupation alors que quasiment tous les logements ont été vendus. Il est encore trop tôt pour dire si ces investissements seront rentables mais la forte inflation qui affecte dans son ensemble le marché de l'immobilier shanghaïen laisse penser que les spéculateurs, eux, ne sont pas prêts de déserter Thames Town.

Thames Town, la ville pastiche

A mi-chemin du lotissement périurbain et de l'hôtel de Las Vegas, il y a donc Thames Town. Ses habitants y vivent à l'écart du bruissement de la ville et ne sont dérangés que par quelques rares touristes venus se prendre en photo dans ce décor. Des agences de photographie professionnelles ont ainsi fait de cette ville décor le lieu de leurs mises en scène kitsch pour jeunes mariés. Les séances de shooting se succèdent dans les ruelles du centre ville ou devant l'église. Ce n'est pas l'exactitude de la reproduction architecturale - le pastiche parfait - mais «le respect de l'archétype 57 ( * ) » que les populations shanghaïennes aisées et les jeunes mariés sont ici venus chercher : style architectural, détails du mobilier urbain, ou toponymes célèbres, c'est l'âme d'un bourg anglais que les visiteurs essayent de capturer avec leur appareil photo. Une âme qu'il s'est agi de faire sortir ex nihilo des terres agricoles de la grande couronne shanghaienne.

Il y'a cependant une certaine gageure à vouloir créer de toutes pièces, en l'espace de quelques années une communauté vivante dans un cadre avant tout fonctionnel, où les repères symboliques ne se créent pas sur commande. La ville est d'abord une histoire, une épaisseur, une sédimentation . Comment donner une âme à la ville nouvelle ? Comment échapper à la répétition et à la production d'un urbain aseptisé ? Comment « Faire ville » lorsqu'il n'y a pas d'histoire, lorsqu'il n'y a pas d'établissement d'une communauté de valeurs dans la durée, lorsqu'il n'y a pas de sédimentations, de références et de repères culturels communs et partageables ?

L'expérience Thames Town est une tentative de réponse à ces questions qui traversent toute l'histoire de l'urbanisme de la table rase. L'utilisation du pastiche et l'emprunt de codes architecturaux à un style d'inspiration étrangère sont des outils pour réinventer une épaisseur historique par la copie . A Thames Town, le souci d'authenticité a guidé l'essentiel de la construction : une grande part du mobilier et des matériaux a été importée directement de Londres et les promoteurs du projet ont effectué de nombreux voyages en Grande Bretagne pour s'assurer de la conformité du projet avec « la réalité ». Ce « simulacre de ville » nous invite à réfléchir avec Jean Baudrillard 58 ( * ) au sens de cet emprunt à l'intérieur d'une aire culturelle radicalement différente.

Ainsi, à Thames Town, ce n'est pas seulement l'architecture de la ville qui n'a rien de chinois, mais sa structure même : le plan de la ville est organique, formé de ruelles étroites, sans orientation globale au Sud à l'inverse des traités classiques d'urbanisme chinois et des principes du feng shui. En suivant Baudrillard, on peut dire que d'une certaine manière ce « simulacre de ville » n'est pas une fausse représentation, mais une panacée du sens, un recours aux mythes fondateurs et aux fantasmes de l'objectivité pour palier à ce qui n'existe pas (la durée, la sédimentation de repères culturels par exemple). Ce « simulacre de ville » feint de posséder le sens et la forme de ce que la ville nouvelle ne peut posséder. En ce sens, « le simulacre est la trace paradoxale de l'absence 59 ( * ) ».

Figures de Thames Town : berline noire,
cabine téléphonique londonienne et « total fitness »

Cette expérience de transposition urbaine pourrait apparaître comme une recette miracle pour développer un urbanisme de la table rase et trouver la clé de « fabrication » d'une bonne ville, une « vraie ville » humaine et animée. Cela devient même une forme de standard en Chine : les institutions gouvernementales, les banques, et les hôtels adoptent de plus en plus une forme de langage architectural à l'européenne . Ainsi à l'échelle de la métropole shanghaienne, des dizaines de rues à l'européenne ont fleuri dans la ville, bordées de centres commerciaux avec café, restaurants et pubs. Mais Thames Town, ville fantôme, silencieuse, désincarnée et sans habitant, nous montre les limites d'une telle opération qui se veut pourtant être une quête d'identité. La comparaison des rues de Thames Town avec les ruelles grouillantes de vie du centre de l'ancienne Songjiang est à ce titre très frappante. Peut-être faut-il laisser le temps à Thames Town de vieillir et de s'inventer une nouvelle identité 60 ( * ) ?

Dans son état actuel, Thames Town n'est peut être finalement qu'une nouvelle version des fantasmagories de Walter Benjamin 61 ( * ) : la production d'une inversion des valeurs entre la figure de l'habitant et celle de la ville considérée comme une marchandise. Selon cette analyse, les objets ont perdu leur valeur d'usage au profit d'une valeur d'échange et se font passer pour des êtres vivants, alors que les sujets ont été astreints au statut d'objets. Cette fantasmagorie de la ville prend les apparences d'un décor particulièrement brillant, qui fait disparaître ses habitants . Ainsi, Thames Town est une ville-marchandise sans habitant, mais peuplée de consommateurs (touristes, jeunes mariés venant se faire photographier, etc.). L'expérience des villes nouvelles n'est donc peut-être pas seulement une opération d'optimisation spatiale mais aussi une forme de tournant idéologique.

L'Eglise de Thames Town et deux touristes chinois
se photographiant dans les rues de la ville

A Thames Town, l'Occident semble se vendre comme une marchandise, un luxe. L'Occident devient dans cet urbanisme sous cloche une marque, support d'un investissement très attractif, car exotique et donc rare . Il est d'ailleurs intéressant de noter que pour les chinois, Thames Town est une ville européenne avant d'être une ville anglaise. Nombreux sont les résidents et touristes chinois à ne pas faire la différence entre une architecture italienne, française, allemande ou anglaise. Ce que propose Thames Town c'est avant tout du divers, du pittoresque, du traditionnel et du lointain. C'est de la différence mais une différence contrôlée, adaptée et aseptisée, une différence facilement réappropriable.

Pierre-Emmanuel Becherand

Bibliographie

- YANG LIU, « Shanghai : villes nouvelles et inspiration étrangère », revue Eurorient n° 33, mai 2011

- VALÉRIE LAURENS, « La nouvelle donne du logement à Shangha »", in La transition chinoise , Transcontinentales, n°3, 2006, A. Colin

- Shanghai New Towns , Harry den Hartog (ed.), 2010

- IZENOUR, SCOTT BROWN, VENTURI « Herman Melville, cité en exergue » in, L'enseignement de Las Vegas, (1977)

- WALTER BENJAMIN, « Paris, capitale du XIXe siècle » « exposé » de 1939

- JEAN BAUDRILLARD, « Simulacres et Simulation » Galilée 1981


* 49 Ce travail a bénéficié de l'aide précieuse de Pierre Lombard, compagnon de voyage dans l'univers impitoyable des peripheries shanghaiennes.

* 50 L'ensemble de la ville nouvelle de Songjiang s'étend sur 36km² à l'intérieur desquels la superficie du quartier de Thames Town ne représente qu'1km².

* 51 «Shanghai : villes nouvelles et inspiration étrangère», Yang Liu, revue Eurorient n° 33, mai 2011

* 52 Voir à ce sujet la thèse de Valérie Laurens (2008) sur les déplacés de Shanghai. Entre 1992 et 2010 entre 6 et 7 millions de Shanghaiens ont été déplacés sachant que le nombre d'habitants plafonne à 13 millions. (cf. "La nouvelle donne du logement à Shanghai", in La transition chinoise, Transcontinentales, n°3, 2006, A. Colin)

* 53 Dans ce programme, « la ville » est celle de Songjiang, et les « neuf bourgs » sont ceux de Zhujiajiao, Anting, Fengjin, Luodian, Gaoqiao, Luchaogang, Fengcheng, Baozhen et Pujiang.

* 54 L'université de Tongji est notamment connue pour le prestige de son département d'architecture.

* 55 Li Xiangning, «Heterotopias» in Shanghai New Towns, Harry den Hartog (ed.), 2010.

* 56 «Chinese Academy of Social Sciences», Economic Blue Book (2010) cité in Shanghaï New Towns.

* 57 Herman Melville, cité en exergue in Izenour, Scott Brown, Venturi, L'enseignement de Las Vegas (1977)

* 58 Simulacres et Simulation, Jean Baudrillard, Galilée 1981

* 59 Ibid

* 60 Nous pensons ici à une oeuvre de l'artiste vidéaste français Pierre Huyghe présentée au centre Pompidou lors de l'exposition Dreamlands (2010) : Streamside Day (2003). Streamside est une petite ville nouvelle au nord de New York, construite en style Nouvelle Angleterre. L'artiste a voulu lui inventer une tradition, en tentant de trouver un point commun à ses habitants. Venus d'ailleurs, ils ont cherché à renouer avec la nature. À partir de là est organisé un rituel festif qui, forgeant une sorte de mythologie, regroupe les habitants autour des thèmes de la migration et de l'environnement.

* 61 Walter Benjamin, Paris, capitale du XIXe siècle, « exposé » de 1939

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