C. UN DÉSÉQUILIBRE CROISSANT ENTRE UNE AIDE BILATÉRALE AUX MARGES DE MANoeUVRE LIMITÉES ET UNE AIDE MULTILATÉRALE AU PILOTAGE INCERTAIN

La part de l'aide au développement française programmable 3 ( * ) , qui transite par les instances multilatérales et européennes, est passée de moins de 30 % en 1990 à plus de 50 % à partir des années 2000. La France a ainsi accompagné la montée en puissance des grandes banques multilatérales et régionales, telles que la Banque mondiale qu'elle finance à hauteur de plus de 400 millions d'euros par an , afin d'orienter leur programmation vers les zones prioritaires de la France et en particulier vers l'Afrique subsaharienne. Elle a également promu le développement d'une politique de coopération européenne à travers le FED , auquel la France contribue pour plus de 800 millions d'euros par an . Elle a enfin été à l'initiative de la mise en place de nouveaux instruments comme le Fonds Mondial de lutte contre le Sida , la Tuberculose et le Paludisme auquel elle contribue désormais à hauteur de 360 millions d'euros par an , soit, depuis sa création, une contribution de près de 3 milliards d'euros.

La montée en puissance du multilatéralisme correspond sur le long terme à la mise en place de politiques globales à l'échelle mondiale grâce à des institutions qui ont la légitimité sectorielle, une neutralité politique, des compétences techniques et des capacités financières sans commune mesure avec les institutions nationales. Elle correspond, au niveau européen, à la tentative de faire émerger une politique européenne de développement qui puisse être le cadre d'une complémentarité et d'une synergie des politiques de coopération des Etats membres et de la commission.

Aujourd'hui, le quart de l'aide publique française au développement transite par le canal européen et la Commission européenne met en oeuvre près de la moitié de ses dons programmables. Mais force est de constater que si l'Europe, entendue comme l'addition des Etats membres et de l'Union européenne, est le premier bailleur au monde, représentant près de 60 % de l'aide publique au développement, son aide est encore loin de former un tout cohérent.

La part croissante de l'aide allant aux « grands guichets » multilatéraux et européens s'est traduite, dans un budget contraint, par une diminution symétrique de l'aide bilatérale réduisant considérablement les moyens des agences locales de l'AFD et des ambassades sur le terrain. Ainsi l'aide bilatérale française octroyée sous formes de subventions est passée de 2005 à 2009 de 443 à 306 millions d'euros. Cette évolution s'est également accompagnée d'une diminution des contributions volontaires aux fonds et programmes des Nations unies qui ont baissé de plus 38 % depuis 2008. En 2009, la France n'était plus que le 12 e contributeur du PNUD, se classait au 17 e rang des contributeurs de l'UNICEF, et 17 e contributeur du HCR.

Un consensus s'est dégagé ces dernières années pour opérer un rééquilibrage au profit de l'aide bilatérale . A budget constant, cette inflexion devrait en particulier se traduire par une diminution des contributions multilatérales notamment au FED et à la Banque mondiale. Toutefois, du fait de l'inertie des engagements déjà pris, ces évolutions ne devraient pas intervenir avant 2014 au plus tôt.

L'analyse du contrat d'objectifs et de moyens de l'AFD est de ce point de vue l'occasion de mesurer si le rééquilibrage est suffisant par rapport aux objectifs que se fixe la coopération française.


* 3 Flux d'aide sur laquelle les 3 ministères co-secrétaires du CICID disposent d'une capacité d'orientation significative à court ou moyen termes

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