B. LA CAPACITÉ D'INTERVENTION DE L'AFD EST AUJOURD'HUI LIMITÉE PAR L'INSUFFISANCE DE SES FONDS PROPRES PAR RAPPORT AU RATIO « GRANDS RISQUES »

Au sens du ratio de solvabilité, l'AFD dispose de fonds propres très confortables de l'ordre de 36 % en 2009 contre 8 % pour les banques privées et un plancher de 20 à 25 pour les banques de développement comme la BEI.

Toutefois dans le cadre de la réglementation actuelle et attendant l'entrée en vigueur des dispositions de l'accord Bâle III en 2014, l'AFD est soumise à une contrainte de ratios « grands risques » qui lui interdit de dépasser sur une contrepartie donnée un montant d'engagement de 25 % des fonds propres. Cette contrainte purement formelle pour les prêts souverains -qui ne constitue pas un risque pour l'AFD- devrait conduire en l'absence d'abondement de ses fonds propres à plafonner son activité au Maroc, en Tunisie, au Vietnam, et bientôt en Turquie 16 ( * ) .

La situation actuelle qui conduit l'AFD et ses tutelles à essayer de contourner cette règle par le recours à des prêts non souverains ou à la réserve pays émergents, voire à la garantie d'Etat, n'était pas satisfaisante.

C. L'ACCORD SUR LA RÉPARTITION DU DIVIDENDE EST SATISFAISANT DANS SON PRINCIPE ET INSUFFISANT DANS SES MODALITÉS

Le contrat d'objectifs et de moyens de l'AFD prévoit pour la première fois que « l'Etat fixera des règles précises et pluriannuelles de distribution du résultat net de l'AFD, calibré afin d'assurer, outre la rémunération de l'actionnaire unique, une incitation interne à la bonne gestion financière et un maintien des fonds propres de l'Agence à un niveau adapté à ses mandats et à sa stratégie ».

Votre commission se félicite que le principe d'une distribution du résultat qui assure une incitation interne à la bonne gestion financière et le maintien des fonds propres soit clairement édicté dans le contrat.

D'après les informations dont disposent vos rapporteurs l'accord envisagé prévoit que l'Etat prélèvera dorénavant 75 % jusqu'à 75 millions d'euros de résultats puis 50 % entre 75 millions et 140 millions et renvoie à une négociation ultérieure la détermination du prélèvement pour des résultats supérieurs à 140 millions d'euros.

Les prévisions de résultats de l'AFD pour les deux prochaines années se situant entre 80 millions et 100 millions d'euros, le taux moyen de prélèvement de l'Etat devrait se situer plus proche de 75 % que de 50 %. Dans ce contexte, l'AFD pourrait abonder ses fonds propres d'environ 20 à 25 millions d'euros.

Cette mesure semble insuffisante pour contenir les évolutions des ratios prudentiels dans les prochaines années.

Comme le souligne la Cour des comptes, « les besoins de fonds propres additionnels sont estimés par l'AFD entre 200 millions d'euros et  400 millions d'euros d'ici 2012 », « Il serait préférable de ne pas poursuivre sur la lancée actuelle sans baliser la trajectoire ». Lorsqu'on compare à d'autres établissements ayant un objet similaire, on constate en effet que la taille de leurs fonds propres est souvent plus importante. Ainsi la BERD a-t-elle récemment augmenté ses fonds propres de 20 à 30 milliards d'euros pour un niveau d'engagement de 8 milliards par an comparable à celui de l'AFD.

L'augmentation proposée des fonds propre appliquée au ratio « grand risque » permet une augmentation d'environ 5 millions d'engagements sur les pays proches du plafond comme la Tunisie ou le Maroc. On est donc loin du montant que réclame l'accompagnement de ces pays dans une transition démocratique.

On observera que si l'AFD avait pu intégrer dans ses réserves les 1,1 milliard d'euros distribué à l'Etat depuis 2004, la capacité d'engagement au regard des « grand risque aurait été de 275 millions d'euros », ce qui est plus en phase avec les demandes actuelles des pays comme le Maroc ou la Tunisie.

Votre commission estime que cet arrangement, fruit d'un compromis entre des positions éloignées, ne correspond à aucune logique économique et financière, sinon à celle, louable mais finalement indifférente à l'objet de l'AFD, de ne pas diminuer une source de financement d'un Etat aujourd'hui impécunieux.

Dans le contexte actuel de dégradation des finances publiques, on peut néanmoins comprendre que la direction du Budget n'accepte pas de revenir à la situation qui prévalait avant 2004 où, comme c'est le cas dans la majorité des banques de développement, l'intégralité du dividende était intégré dans les réserves de l'Agence. Sans revenir donc à un modèle de développement qui a néanmoins permis l'essor de l'AFD, une solution de compromis serait de réserver 50 % du résultat net aux fonds propres et les 50 % à l'Etat actionnaire. C'est une solution plus équilibrée et plus lisible, assez proche de celle en vigueur à la Caisse des dépôts qui reverse à l'Etat 38 % de son résultat net.

Vos rapporteurs ont longuement hésité avec un dispositif longtemps en vigueur à la Caisse des dépôts, qui consiste à réserver 1/3 pour l'Etat actionnaire, 1/3 pour les fonds propres et 1/3 à des missions d'intérêt général, en l'occurrence ici des subventions à l'Afrique subsaharienne. Ce mécanisme aurait pour vertu d'asseoir une partie du financement de l'action de l'AFD dans les zones prioritaires d'Afrique sur les résultats dégagés dans des zones plus prospères. Il aurait pour avantage de dégager des marges de manoeuvre en subventions tout en répondant aux critiques formulées à l'encontre des investissements dans les pays émergents. Ils ont, après réflexion, jugé que ce mécanisme pourrait éventuellement inciter la direction du budget à diminuer d'autant les crédits de subventions du programme 209. Dès lors, le gain en termes de subventions pourrait s'avérer limité et avoir pour résultat de faire dépendre une partie du financement des dons projets d'un revenu du résultat net de l'AFD, par nature variable.

C'est pourquoi ils estiment qu'une distribution du résultat net pour moitié pour l'Etat et pour moitié pour les fonds propres de l'AFD serait une mesure plus judicieuse. Il est par ailleurs essentiel que cette règle figure dans le COM et non dans une lettre conjointe du Ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et du Ministre du Budget.

Compte tenu de son activité de crédit, les fonds propres de l'AFD sont un élément de ses ressources. Dès lors il apparaît singulier de prévoir de définir les objectifs et les moyens de l'AFD dans un contrat et de soustraire cette ressource-là du contrat. En outre, laisser au seul ministère des finances le soin de définir cet élément essentiel de l'équilibre financier de l'AFD est en contradiction avec l'idée d'une cotutelle de l'AFD.

En conclusion, suivant l'avis des rapporteurs, la commission demande à ce que le prélèvement de l'Etat sur le résultat net soit limité à 50 % et que cette clef de répartition soit inscrite dans le contrat.


* 16 Les montants pondérés portés sur les plus gros emprunteurs, au sens du règlement CRBF 93-05 du 21 décembre 1993 et de ses amendements successifs, se situent comme suit au 31 décembre 2009 : Royaume du Maroc : 983,6 millions d'euros ; République de Tunisie : 968,3 millions d'euros ; République socialiste du Vietnam : 748,3 millions d'euros pour des fonds propres de 4.710,8 millions d'euros.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page