VI. UN ACCORD SUR LE DIVIDENDE QUI MET FIN À UNE HÉRÉSIE

Le contrat d'objectifs et de moyens de l'AFD prévoit que « l'Etat fixera des règles précises et pluriannuelles de distribution du résultat net de l'AFD, calibré afin d'assurer, outre la rémunération de l'actionnaire unique, une incitation interne à la bonne gestion financière et un maintien des fonds propres de l'Agence à un niveau adapté à ses mandats et à sa stratégie ».

Même si le texte renvoie à une lettre conjointe du Ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et du Ministre du budget le soin de préciser à l'AFD le taux de dividende qui sera perçu par l'Etat sur la durée du triennum 2011-2013, le dispositif rompt clairement avec la pratique systématique exercée ces dernières années de captation par l'Etat de l'intégralité du dividende.

A. LE DIVIDENDE DE L'AGENCE EST DEPUIS PLUSIEURS ANNÉES INTÉGRALEMENT CONSERVÉ PAR L'ETAT

Historiquement, les fonds propres de l'AFD proviennent de l'affectation intégrale des résultats aux réserves. Fondée sans dotation en capital en 1941, la gestion financière de la Caisse puis de l'AFD a permis la consolidation de fonds propres à un niveau adapté à ses mandats et compatible avec les exigences prudentielles.

Dans la mesure où une part essentielle de l'activité de l'AFD consiste en un rehaussement de signature, le strict respect des ratios prudentiels et le maintien de sa notation triple A est un élément clef de la gestion de l'AFD.

Réalisé
2005

Réalisé
2006

Réalisé
2007

Réalisé
2008

Réalisé 2009

Réalisé 2010

Résultat net de l'AFD (en M€)

189,1

247,8

288,5

167,2

246,5

103,7

Résultat distribué

94,5

247,8

288,5

167,2

220,0

n.d.

en % du résultat net

50%

100%

100%

100%

89%

n.d.

Part du résultat prélevée par l'Etat

94,5

247,8

288,5

167,2

220,0

n.d.

en % du résultat distribué

100%

100%

100%

100%

100%

n.d.

Part du résultat reversée à l'AFD en ressources extra-budgétaires

94,5

247,8

288,5

167,2

0,0

n.d.

Montant des fonds propres de l'AFD (en M€)

3217,4

3743,5

4425,8

4511,6

4710,8

4 625,2

Source : AFD

Le fait que, depuis 2006, l'intégralité du résultat net soit prélevé par l'Etat constitue de ce point de vue une hérésie tant au niveau des principes que d'un point de vue économique.

Sur le principe, l'Etat n'entretient pas un outil de coopération pour recevoir un dividende . Les pouvoirs publics, à travers les subventions, les bonifications, les ressources spéciales attribuées à l'AFD, lui permettent de contribuer à l'aide au développement et au rayonnement de la France. L'objet de ce dispositif n'est pas de produire un résultat net ou de renflouer les caisses de l'Etat. Si cela était le cas, il y aurait sans doute des moyens plus simples que de dépenser près d'un milliard de crédits issus des programmes 209,110 et 853 pour récupérer 200 millions d'euros. Dans le secteur de l'aide au développement, on imagine d'ailleurs mal la Banque mondiale ou la BEI distribuant des dividendes à leurs actionnaires.

D'un point de vue économique, le prélèvement de l'intégralité du résultat, motivé par des considérations d'ordre budgétaire, n'incite pas l'Agence à faire de cet agrégat un indicateur de bonne gestion . Si l'Etat actionnaire doit pouvoir bénéficier d'une rémunération, la politique de distribution du dividende devrait être redéfinie de façon à assurer une incitation interne à la bonne gestion financière et maintenir les fonds propres à un niveau adapté à sa stratégie et compatible avec les exigences prudentielles.

D'un point de vue financier, si l'on tient compte de la spécificité de l'AFD qui prend des engagements de long terme sur des produits financiers plus ou moins bonifiés, la croissance de l'encours durant ces dernières années entraîne une croissance du résultat à court terme qui doit compenser les prises de risque à long terme. Ne pas intégrer une partie de ces résultats dans les réserves et distribuer, depuis 2004, plus d'un milliard de résultat fragilise la position de l'AFD à long terme.

Du point de vue de la comptabilité publique, dans le système en vigueur jusqu'en 2009, le dividende de l'AFD était utilisé comme une ressource additionnelle extrabudgétaire pour financer les actions des programmes 110 et 209. L'apport correspondant s'est élevé à 192,4 millions d'euros en 2007, 289 millions d'euros en 2008 et 282,5 millions d'euros en 2009, montants dus majoritairement à des résultats exceptionnels.

Selon la Cour des comptes, en 2008, le dividende de l'AFD, a été partagé entre le MAEE, le MEIE et le ministère de l'outre-mer. Le MAEE a pu abonder de 227 millions d'euros le programme 209 pour financer les C2D (103 millions d'euros), le Fonds mondial sida (70 millions d'euros), l'aide alimentaire (20 millions d'euros), les dons-projets (17 millions d'euros) et l'aide à la Palestine (17 millions d'euros). En 2009, ce programme a été abondé de 154,5 millions d'euros, qui ont été utilisés pour les C2D de (98 millions d'euros), pour les dons-projets (50,5 millions d'euros) et pour la Palestine (6 millions d'euros). Le programme 110 a reçu pour sa part 128 millions, dont 100 millions pour la bonification de prêts de l'AFD et 28 millions d'euros pour des ABG à des Etats étrangers.

Cette utilisation du dividende de l'AFD pour abonder des programmes budgétaires constituait une contraction irrégulière de dépenses et de recettes. Conformément à la recommandation de la Cour, le Sénat, à l'initiative du rapporteur de la commission des finances, M. Michel Charasse, a mis fin à cette pratique par l'article 143 de la loi de finances pour 2009 à compter de l'exercice 2010. La totalité du dividende de l'AFD doit désormais être rattachée aux recettes non fiscales du budget général de l'Etat.

Cependant, au-delà d'un raisonnement strictement budgétaire, il peut être relevé que l'activité menée par l'Agence au titre de l'APD est en partie « autofinancée ». La loi de finances initiale pour 2010 a compensé par des dotations budgétaires la suppression de la possibilité de réutiliser le dividende. La compensation n'a toutefois été que partielle, le programme 209 ayant bénéficié d'une « mesure de périmètre » à hauteur de 120 millions d'euros seulement contre 154,5 millions précédemment.

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