B. UNE POLITIQUE DIFFÉRENCIÉE SELON LES ZONES D'INTERVENTION

Les objectifs sont, en effet, poursuivis avec une pondération variable et des instruments différents selon les zones concernées.

La zone prioritaire de la coopération française demeure l'Afrique subsaharienne pour des raisons tant historiques que géographiques. Cette zone devrait compter en 2050 environ 1,8 milliard d'habitants, c'est-à-dire plus que la Chine ou l'Inde. Elle concentre les problèmes (gouvernance, pauvreté, conflits) mais aussi les opportunités (ressources minières et foncières).

Le document-cadre de coopération au développement (DCCD) consacre cette importance en indiquant que, pour le triennum budgétaire 2011-2013, la France consacrera plus de 60 % de l'effort financier de l'Etat sur l'ensemble de la zone et plus de 50 % des subventions sur les 14 pays pauvres prioritaires 2 ( * ) .

Dans la pratique, les objectifs de concentration des crédits sur cette zone adoptés ces dernières années ont été difficiles à atteindre en raison de la diminution des crédits de subvention de l'aide bilatérale et du fait que les pays les plus pauvres de la zone, sortant d'un processus de désendettement, sont peu éligibles aux prêts. Le montant de l'aide sous forme de dons n'a en particulier pas été suffisant pour avoir un impact significatif. De fait, les dons français consacrés aux secteurs sociaux dans cette zone « passent » de façon croissante par le biais des contributions aux institutions européennes et multilatérales qui consacrent plus de 50 % de leurs subventions à l'Afrique subsaharienne et aux pays les moins avancés (PMA) mais sans « retour politique » pour notre pays.

Comme ont pu le constater vos rapporteurs lors de leur mission au Mali, le visage de la coopération française dans l'Afrique francophone s'en trouve considérablement modifié. La France conserve une forte intimité avec ces pays et possède encore une expertise et une capacité reconnus d'entraîner les autres bailleurs de fonds. Mais la France n'est plus, loin s'en faut, ni le seul, ni le premier bailleur de fonds d'une Afrique francophone courtisée aussi bien par les autres membres de l'OCDE que par les pays émergents. Si nos contributions aux différents fonds multilatéraux qui interviennent dans ces pays sont très conséquentes, elles restent en effet peu visibles pour les populations ou les élites politiques de ces pays bénéficiaires.

Ainsi 60 % de notre aide, toutes dimensions confondues, c'est-à-dire bilatérale, européenne ou multilatérale, est destinée à l'Afrique, mais la part de l'Afrique subsaharienne dans l'aide bilatérale française est passée de 2004 à 2009 de 53,2 % à 47,7 % ; la part des PMA dans la même période, de 41 % à 17 %. Les crédits annuels en subventions consacrées aux 14 pays pauvres prioritaires de 2005 à 2009 ont diminué de 219 millions d'euros à 158 millions d'euros tout en passant dans le même temps de 49 % à 52 % du total des subventions.

Alors que l'enveloppe globale de dons diminuait, les pouvoirs publics ont cherché à concentrer l'aide sur quelques pays prioritaires d'Afrique. L'augmentation du taux de concentration n'a pas pu empêcher la diminution des moyens en valeur absolue. La coopération bilatérale française dans les pays prioritaires représente aujourd'hui environ dix millions d'euros par an, par pays. Sur une Aide publique au développement déclarée, estimée à près de dix milliards d'euros par an, 10 millions d'euros par an pour un pays prioritaire, c'est un millième par pays, autrement dit, pour le moins, une priorité relative.

La deuxième zone d'intervention de la coopération française est la Méditerranée.

Enjeu essentiel pour la stabilité et la prospérité du Sud de l'Europe et pour la préservation de cette mer commune à l'Europe, au Moyen-Orient et à l'Afrique, cette zone regroupe des pays de niveau de développement hétérogène, avec des pays à revenus intermédiaires devant relever des défis démographiques importants. La coopération française intervient dans cette zone sous forme de prêts bonifiés et, plus rarement, sous forme de dons. Le document-cadre prévoit que l'Etat y consacrera 20 % de son effort financier.

La coopération dans cette région devrait être renforcée à l'issue des événements politiques récents. La nécessité d'accompagner la transition démocratique de ces pays et les conséquences de la situation actuelle sur la stabilité de la région et la gestion des flux migratoires soulignent l'importance d'un développement harmonieux de cette région voisine de la France.

La troisième zone d'intervention de la coopération française regroupe les pays fragiles et les pays en crise , notamment les pays du Sahel, le Moyen-Orient et l'Afghanistan. Il s'agit d'utiliser l'aide au développement comme un outil de prévention des conflits ou de reconstruction des Etats. Les instruments privilégiés sont les dons et la coopération technique. Le document-cadre prévoit de consacrer 10 % des subventions pour ces pays sans que cette concentration ne garantisse qu'une masse critique sera disponible.

La quatrième zone d'intervention de la coopération française, et la plus récente, concerne les pays émergents .

Loin du pré carré africain, la France intervient depuis une dizaine d'années dans ces pays sur des projets en lien avec la préservation des biens publics mondiaux et la lutte contre le réchauffement climatique par le biais de prêts de l'AFD faiblement concessionnels. Il s'agit de financer des projets pilotes de développement, sobres en carbone, de façon à développer des coopérations avec ces nouvelles puissances, à renforcer la crédibilité des positions françaises dans les négociations internationales sur le climat, à aider les intérêts de l'expertise et des entreprises françaises et le cas échéant à influencer les politiques publiques de ces pays. Le document-cadre prévoit de limiter à 10 % de l'effort financier de l'Etat les interventions dans les pays émergents.


* 2 Bénin, Burkina Faso, Comores, Tchad, République démocratique du Congo, Ghana, Guinée, Madagascar, Mali, Mauritanie, Niger, République centrafricaine, Sénégal, Togo

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