D. UNE LOGIQUE D'OFFRE CONTESTABLE

La concentration des subventions sur trois secteurs pose plus largement une question de méthode.

Un consensus s'était dégagé pour partir des besoins des pays partenaires afin d'élaborer des stratégies pays qui correspondent aux priorités des pays en développement. Cette démarche formalisée par la déclaration de Paris à travers les principes dits d'appropriation et d'alignement 15 ( * ) semblait être le cadre général d'intervention de l'AFD.

Certes, au niveau français, l'objectif de concentration des interventions sur des secteurs prioritaires par pays pouvait déjà entrer en contradiction avec l'idée de s'insérer dans les stratégies nationales de développement. De même au niveau international, la multiplication des fonds verticaux spécialisés dans tel ou tel domaine a conduit incidemment à remettre en question cette approche par les besoins du terrain.

Il semble cependant qu'en concentrant l'ensemble des subventions sur trois secteurs dans l'ensemble de l'Afrique subsaharienne un pas de plus est franchi vers une logique d'offre qui paraît méthodologiquement contestable.

Que l'on dise que chaque fois que c'est possible, l'AFD doit s'évertuer à renforcer nos efforts dans le domaine de la santé, de l'éducation ou de l'agriculture semble en soi une bonne chose.

En revanche, les objectifs de surconcentration volontariste dans trois secteurs risquent de conduire à valider des projets sélectionnés moins en fonction de leurs intérêts comparatifs que de leur capacité à « faire monter les statistiques ».

Or il ne s'agit pas de faire de l'éducation pour de l'éducation mais bien de soutenir des projets améliorant les performances des systèmes éducatifs locaux.

La démultiplication des objectifs d'engagements sur les quelque 200 millions d'euros de subventions couplés à une absence d'objectifs d'impact conduit à craindre que des projets soient tout autant choisis pour leur capacité à assurer un bouclage statistique du tableau de bord que pour leurs résultats.

Une des difficultés propres à cette logique d'offre est en outre de ne pas prendre en compte la capacité d'absorption des pays dans des secteurs où ils ne disposent pas de moyens suffisants pour suivre et mettre en oeuvre des projets de façon satisfaisante, ni ce que font les autres bailleurs de fonds bi et multilatéraux.

Vos rapporteurs avaient été de ce point de vue frappés de constater qu'au Mali une des difficultés récurrentes des différents bailleurs de fonds était moins l'absence de financements que le manque de partenaire outillé pour mener à bien des projets dans un contexte administratif et politique difficile. Dans le domaine de la santé, la capacité d'absorption du secteur est notamment limitée par le faible nombre de médecins volontaires pour travailler en milieu rural.


* 15 La déclaration de Paris définit ces deux concepts de la manière suivante : Appropriation : Les pays en développement exercent une réelle maîtrise sur leurs politiques et stratégies de développement et assurent la coordination de l'action à l'appui du développement. Il incombe aux donneurs de soutenir et de favoriser l'appropriation par les pays en développement en respectant leurs politiques et en les aidant à renforcer leur capacité de les mettre en oeuvre. Alignement : Les donneurs font reposer l'ensemble de leur soutien sur les stratégies nationales de développement, les institutions et les procédures des pays partenaires. Les donneurs tirent autant que possible leurs conditionnalités des stratégies nationales de développement des pays partenaires au lieu d'imposer de multiples conditions découlant d'autres programmes d'action.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page