B. UNE RELANCE DE L'AIDE EN MATIÈRE AGRICOLE BIENVENUE

Le développement agricole de l'Afrique, en général, et celui de la zone sahélienne, en particulier, constituent un enjeu majeur d'un continent qui va connaître, en 2050, 1,8 milliard d'habitant.

On a vu récemment, dans certains pays d'Afrique comme au Mozambique, des émeutes liées à la forte augmentation des prix des produits alimentaires. Ces émeutes sont aussi l'un des symptômes des tensions qui, depuis 2008, se manifestent sur les marchés céréaliers dans le contexte de la prodigieuse croissance des pays émergents et en particulier de la Chine. La population mondiale, au cours des quarante prochaines années, va augmenter d'environ 2,5 milliards d'habitants, soit l'équivalent de la population mondiale en 1950. Or cette croissance va se conjuguer avec l'enrichissement attendu de plusieurs centaines de millions de nouveaux consommateurs asiatiques pour provoquer un boom colossal de la demande directe et indirecte de céréales.

Les dysfonctionnements récents des marchés céréaliers montrent que l'avenir de la sécurité alimentaire du continent n'est pas garanti par les marchés mondiaux qui vont être soumis à de très fortes tensions. En outre, le réchauffement climatique va fragiliser l'agriculture africaine dans les zones qui sont déjà les plus difficiles. L'International Food Policy Research Institute estime ainsi que, sur la base des politiques actuelles, la production alimentaire africaine devrait diminuer d'un cinquième d'ici 2050.

Cette fragilisation des agricultures africaines sera particulièrement sensible dans les régions soudano-sahéliennes et sahéliennes, précisément là où l'accroissement de population sera le plus important.

Comme le souligne Serge Michailof : « Nous avons ici sur la base des trends démographiques et des politiques agricoles actuelles, un drame malthusien de grande ampleur en préparation » 14 ( * ) . Si rien de sérieux n'est fait pour relancer l'agriculture sahélienne, les tensions sur les terres deviendront ingérables tant dans les zones soudano-sahéliennes qu'entre pasteurs et agriculteurs sédentaires dans le Nord Sahel.

Dans ces conditions, la descente vers la côte des populations de ces régions en recherche de terres et d'emplois s'accroîtra au point de rendre dramatiques les tensions déjà très vives en Côte d'Ivoire et au Nigeria.

Or l'AFD, et plus généralement la France, ont dans ce domaine une expertise reconnue que la diminution des crédits consacrés à ce secteur n'a pas encore complètement entamée.

Vos rapporteurs, lors de leur mission au Mali, ont pu constater que la coopération française avait obtenu à la fin du XX e siècle un certain succès dans le développement de la production cotonnière dans les zones soudano-sahéliennes. En quelques années, les rendements cotonniers ont été multipliés par trois dans les vastes régions, du sud-est du Sénégal au sud du Tchad en passant par le Mali, le Burkina et le nord de la Côte d'Ivoire, du Bénin et du Togo. Les exportations de fibres qui étaient inexistantes lors des indépendances ont dépassé 2,5 millions de tonnes dans les années 2000 pour atteindre une valeur approchant les 4 milliards de dollars, faisant de cette région d'Afrique sahélienne francophone le second exportateur mondial de coton après les États-Unis.

Aujourd'hui, ce secteur a malheureusement pâti de l'évolution des marchés mondiaux, des subventions des productions américaines et européennes, mais aussi de la mauvaise gestion des entreprises publiques. Cette expérience illustre néanmoins la possibilité d'obtenir des succès dans la relance auprès des autorités africaines de l'agriculture du continent.

Des projets existent pour centrer les efforts autour des grands fleuves, qui peuvent devenir les greniers de ces pays, et pour valoriser ces bassins hydriques, dans le cadre d'une politique d'aménagement du territoire.

Ces projets nécessitent des financements importants qui ne passent pas seulement pas des dons mais également par des prêts et des garanties dans un secteur qui peut dégager à long terme une rentabilité. C'est pourquoi vos rapporteurs se félicitent du regain d'intérêt suscité par le secteur agricole.


* 14 Révolution verte et équilibres géopolitiques au Sahel, revue de l'IRIS, décembre 2010.

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