C. LES CONDITIONS DE LA POURSUITE DES ACTIVITÉS DE L'AFD DANS LES PAYS EMÉRGENTS DOIVENT S'APPRÉCIER AU REGARD DE L'EXISTENCE D'UNE FORTE CONCURRENCE

Le contrat d'objectifs et de moyens de l'AFD prévoit que l'AFD « poursuivra le développement de son activité dans les pays émergents, en veillant à limiter ses interventions concessionnelles et en privilégiant les pays représentant des enjeux stratégiques majeurs. » Il indique que « ces instruments viseront à la promotion d'une croissance verte et solidaire en s'efforçant de valoriser l'expertise de la France et les compétences de ses entreprises. ».

Il stipule que la part de l'effort financier de l'Etat consacrée aux financements concessionnels dans les pays émergents ne doit pas dépasser 10 %. Le périmètre de calcul actuel comprend les pays suivants : Chine, Inde, Brésil, Thaïlande, Pakistan, Indonésie, Bangladesh, Colombie, Kazakhstan, Malaisie, Mexique, Mongolie, Ouzbékistan, Philippines, Sri Lanka.

Réalisé
2005

Réalisé
2006

Réalisé
2007

Réalisé
2008

Réalisé 2009

Cible 2013

Part de l'effort financier de l'Etat consacrée aux financements concessionnels dans les pays émergents

10 %

3 %

5 %

11 %

9 %

< 10 %

Effort financier de l'Etat (subventions, coût-Etat des prêts, C2D, ABG) consacré aux financements concessionnels dans les pays émergents en M€

65

38

46

90

77

Source : AFD

La croissance des activités de l'AFD dans les pays émergents a soulevé au sein de la commission de nombreux débats depuis quelques années. Elle a suscité, comme il a été souligné, d'autant plus d'interrogations que cette diversification géographique s'est déroulée parallèlement à une diminution des moyens d'intervention sous forme de subventions en Afrique subsaharienne. Cette concomitance a laissé penser que les interventions dans les pays émergents étaient la cause de la diminution des moyens en Afrique.

En outre, les raisons et les objectifs évoqués pour intervenir dans des pays dont la capacité financière et la croissance économique sont parfois supérieures à celles de la France ont pu paraître peu vraisemblables. Dire que l'AFD est en mesure par ses financements d'infléchir la trajectoire de croissance d'un pays comme la Chine ou l'Inde vers un développement plus sobre en carbone semble, au regard des sommes en jeu, peu vraisemblable.

Vos rapporteurs ont néanmoins souhaité approfondir cette question à travers une mission d'évaluation de l'activité de l'AFD en Inde. Il ressort de cette mission, qui fera l'objet d'un rapport distinct, que l'AFD mène dans ce pays, comme dans d'autres pays émergents, une activité de banque de développement qui devrait être à terme rentable et qui par ailleurs semble conforme aux intérêts de la France.

Son activité correspond bien à ce que le contrat d'objectifs et de moyens appelle le mandat de promotion d'une croissance verte et solidaire et la valorisation de l'expertise et des compétences des entreprises françaises. Il ne s'agit pas à proprement parler d'action d'aide au développement, les financements utilisés sont très peu concessionnels et s'appliquent à des secteurs rentables.

Cela ne signifie pas que ces pays n'aient pas des besoins en matière de lutte contre la pauvreté. Mais la France, conformément à la stratégie formulée par le document-cadre, a décidé de se concentrer sur les secteurs ayant trait à la lutte contre le réchauffement climatique. Une interprétation large de cette thématique permet à l'AFD d'intervenir dans le financement d'infrastructures avec des montants importants qui devraient à terme produire une marge bancaire conséquente.

Cette diversification apparaît aux yeux des rapporteurs légitime si à terme le produit de cette activité peut contribuer aux résultats de l'AFD et ainsi indirectement au financement de ses activités dans des zones plus prioritaires de la coopération française.

Au-delà de cet intérêt financier, l'accroissement des activités de l'AFD dans les pays émergents présente pour la France de nombreux avantages.

Elle nourrit des relations bilatérales avec des acteurs majeurs de l'économie mondiale. Elle légitime le discours des pouvoirs publics dans les négociations internationales sur le climat.

Elle renforce l'expertise française dans ces pays. Elle peut, dans le cadre d'une aide déliée, contribuer aux exportations des entreprises françaises dans la mesure où ces financements concernent des secteurs comme l'eau ou les transports urbains, où des entreprises françaises sont bien implantées.

Vos rapporteurs ont rappelé leur attachement au principe du déliement, c'est-à-dire le principe selon lequel le financement des projets d'aide au développement donne lieu à des marchés publics ouverts et n'est pas lié à l'obtention, par une entreprise française, du marché. Ils ont la conviction que la concurrence qui naît du déliement permet de réduire de 30 à 40 % le coût des projets. Ils jugent par ailleurs, que la constitution d'une répartition du travail entre les bailleurs de fonds, notamment au niveau européen, suppose que chaque aide soit déliée. Ils considèrent, enfin, que pour une moyenne puissance comme la France, le déliement de l'ensemble des marchés publics liés à l'aide au développement permet d'accéder à des marchés autrement plus importants que les seuls marchés financés par l'aide française. Il reste que, dans le cadre d'une aide déliée, il n'est pas illégitime d'essayer de concevoir des aides qui interviennent dans des secteurs ou des créneaux où il existe un savoir faire français.

Pour vos rapporteurs, la cohérence de ce positionnement repose néanmoins sur la rentabilité de ces interventions et le caractère limité des moyens budgétaires mis en oeuvre .

De ce point de vue, ils ne peuvent être que favorables au plafonnement de la part de l'effort financier de l'Etat consacré au financement concessionnel dans les pays émergents.

Ils soulignent que, même plafonné à 10 %, cet effort reste conséquent. Il a représenté 77 millions d'euros en 2009, ce qui correspond à la moitié des subventions reçues par 14 pays prioritaires de la coopération française. Il est probable que ces montants, qui correspondent, pour une part, à des « tickets d'entrée » sur des nouveaux « marchés » comme la Chine ou l'Inde, diminuent. En revanche, la perspective d'une disparition totale de la concessionnalité semble plus éloignée qu'à première vue.

Et s'il est vrai que le type d'opérations financées dans les pays émergents ne pourrait pas l'être en Afrique subsaharienne, en l'absence de contreparties solvables, il reste qu'il existe une forme d'arbitrage entre le budget consacré à la bonification des prêts aux pays émergents issu du programme 110 et le budget de subventions destiné à l'Afrique issu du programme 209.

Les rapporteurs se sont, en effet, interrogés sur la possibilité de supprimer toute bonification des prêts consentis dans les pays émergents.

Ils ont constaté, dans l'Inde du moins, que l'AFD exerçait son activité sur un marché où il existait une véritable concurrence entre les banques de développement. Dans le secteur des infrastructures notamment, les Etats émergents ont la possibilité de choisir entre les différentes banques de développement les conditions les meilleures.

Dans ce contexte, la suppression de tout élément de concessionnalité doit être évaluée au regard de la concurrence. En Inde, les interventions de l'AFD offraient des taux d'intérêt moins intéressants que ses concurrents japonais et allemands sur des durées souvent plus longues. Compte tenu de son implantation très récente dans les pays émergents, il apparaît donc difficile de supprimer à court terme tout élément de bonification. Dès lors, le montant de l'effort financier de l'Etat consacré au financement concessionnel dans les pays émergents ne semble pas exorbitant par rapport au montant très élevé des contrats de financement signés par l'AFD.

En conclusion, votre commission soutient la poursuite des activités de l'AFD dans les pays émergents dans la mesure où le coût pour l'Etat reste limité. Elle souhaiterait s'assurer qu'à terme ces diversifications permettront à l'AFD de s'assurer des revenus réguliers dont une partie pourra bénéficier à des pays plus proches de nos priorités.

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