2. La diminution des subventions et la difficulté à trouver pour les prêts des contreparties solvables expliquent la faiblesse relative des interventions dans les zones prioritaires

La faiblesse des ambitions du contrat d'objectifs et de moyens de l'AFD en Afrique s'explique d'abord par la diminution de l'effort financier consentie par l'Etat pour intervenir sous forme de dons dans des zones dont la capacité d'emprunt est limitée.

Lorsque l'on observe l'évolution des indicateurs 1 et 2, non plus en valeur relative mais en valeur absolue, on observe concrètement ce qu'on a souligné par ailleurs, à savoir une diminution des moyens attribués par l'Etat à l'AFD pour intervenir en Afrique subsaharienne.

Derrière la relative stabilité des taux de concentration vers l'Afrique, on ne peut que constater la diminution des moyens en subventions.

Cette évolution peut-elle être à l'avenir compensée par une augmentation des prêts bonifiés en Afrique subsaharienne ?

C'est en grande partie ce qui s'est passé dans la période précédente. Alors qu'en 2005 l'AFD engageait 635 millions d'euros en Afrique subsaharienne pour un effort budgétaire de 360 millions d'euros, en 2009 , elle engage 1 755 millions d'euros pour un effort budgétaire de 412 millions d'euros.

L'augmentation des engagements en Afrique subsaharienne résulte essentiellement de la croissance des prêts.

Cette croissance des prêts s'est en grande partie réalisée grâce à des prêts dans des pays à revenus intermédiaires.

Ainsi l'Afrique du Sud a cumulé 1,1 milliard d'engagements de 2005 à 2009, soit près de dix fois plus que le Mali ou Madagascar.

La croissance de l'activité de l'AFD a été d'autant plus forte qu'elle est intervenue dans des pays relativement plus riches et souvent anglophones.

L'objectif d'accroissement global de l'activité de l'AFD en Afrique subsaharienne a également été obtenu par le développement d'un portefeuille de prêts dans des pays africains non francophones d'Afrique Australe et de l'Est comme la Namibie, la Tanzanie, l'Ouganda ou le Kenya.

Cette stratégie d'extension géographique s'est doublée d'un développement sans précédent des prêts non souverains à des entreprises publiques ou des collectivités territoriales qui passent de 30 % des engagements en 2005 à 51 % en 2009, les subventions passant de 29 % à 10 %.

Source :AFD

On note, par ailleurs, la part croissante des prêts non concessionnels à travers lesquels l'AFD pratique des conditions du marché. Les prêts non souverains non concessionnels sont ainsi passés de 2 % des engagements à 32 % de l'AFD en Afrique subsaharienne.

Cette évolution est en soi le signe du dynamisme de certains acteurs en Afrique dont la situation financière est aujourd'hui suffisamment saine pour contracter des prêts dans des conditions proches du marché.

Ce développement des prêts laisse cependant souvent de côté les pays les plus pauvres et les secteurs les moins rentables dont certains ont une importante stratégique pour la France.

Le suivi des engagements de l'Agence dans les pays à faible revenu en Afrique de 2005 à 2009 montre que l'AFD est intervenue dans 28 pays, dont 24 PMA. Parmi eux figurent les 14 pays retenus comme pays pauvres prioritaires. Pour ces 14 pays, l'instrument quasi exclusif de l'Agence est la subvention 12 ( * ) .

Le faible recours aux prêts dans les zones prioritaires de la coopération française est la conséquence de la mauvaise situation macroéconomique de ces pays pour lesquels un endettement ne serait pas soutenable. En matière de prêt, la seule marge de manoeuvre de l'AFD est d'examiner les possibilités de prêt aux acteurs non étatiques (entreprises, collectivités territoriales, établissements publics industriels et commerciaux) qui ont eux-mêmes un accès malaisé aux financements bancaires.

Dés lors, les objectifs de concentration en pourcentage sont trompeurs. La concentration portant sur 10 millions d'euros par pays en moyenne, la France ne peut pas assurer une présence de premier plan au Sahel et contribuer à stabiliser ces pays.

Les objectifs d'accroissement des engagements sous forme de prêts en Afrique butent cependant clairement contre la rareté concomitante des subventions et des contreparties viables en termes d'analyse du risque bancaire dans les zones prioritaires.

L'augmentation de ces objectifs conduit clairement l'AFD à accroître ses engagements là où l'opinion publique, et dans une moindre mesure les pouvoirs publics, l'attendent moins, c'est-à-dire dans l'Afrique non francophone, plutôt plus riche, dans des secteurs souvent intrinsèquement rentables, à travers des prêts de moins en moins concessionnels.

La poursuite de ces objectifs amplifiera ces mêmes effets.

Il reste sans doute que, pour des pays qui sortent d'un processus de désendettement, des secteurs rentables, comme l'électricité ou, à un degré moindre, l'eau, un recours accru aux prêts peut se révéler pertinent. Mais il faut veiller à ce que le niveau des objectifs d'octroi ne conduise pas à une nouvelle crise de surendettement.

La France s'est engagée au respect du Cadre de viabilité de la dette (CVD) et à arrêter de prêter à un pays dont la dette franchit les seuils de viabilité à moyen et long termes afin de ne pas commettre les erreurs commises par le passé.

En conséquence, l'AFD a décidé de ne faire des prêts qu'en cas de risque faible et de continuer à prêter pendant un an dans le cas d'un pays qui passerait de risque faible à risque modéré. Il appartiendra aux pouvoirs publics de vérifier la pertinence de cette règle au regard de la situation économique des pays africains.

Votre commission, quant à elle, insiste sur la nécessité de veiller à ce que les objectifs en matière d'engagement en Afrique conduisent à explorer toutes les possibilités de financement de la croissance africaine tout en respectant un objectif de viabilité des dettes souveraines et non souveraines.


* 12 , à l'exception du Ghana pour lequel la plupart des engagements sont opérés sous forme de prêts. Le Sénégal a toutefois pu de nouveau bénéficier d'un prêt souverain de 125 M€ en 2008 (pour apurer sa dette intérieure). L'AFD consent des prêts non souverains en Mauritanie ainsi qu'au Sénégal (sociétés privées, Office de l'eau) et bientôt au Mali.

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