2. Chômage et précarité : conséquences sociales et politiques
Avec plus de 20 % de la population active sans emploi, l'Espagne est confrontée à un problème majeur dont il est difficile d'évaluer à terme les incidences tant politiques que sociales.
En effet, en trois ans, plus de 2 millions de chômeurs supplémentaires ont été enregistrés. 1,3 million de foyers comptent tous leurs membres au chômage, 2,1 millions de personnes sans emploi sont des chômeurs de longue durée. Le chômage des jeunes atteint 43 % de la population concernée. La question de la reconversion des ouvriers issus du bâtiment et faiblement qualifiés est, par ailleurs, un des grands défis auxquels est confronté le gouvernement espagnol.
A ce chômage de masse s'ajoute une profonde précarité qui concerne près d'un tiers des emplois. Toute une génération de diplômés, les mileuristas , allant de bac + 3 à bac + 5, gagnent 1 000 € par mois. Cette population ne pourrait avoir d'autre avenir que l'émigration. Le salaire minimum s'élève, quant à lui, à 730 € mensuels.
Enfin, par ailleurs, alors que les banques ont saisi 300 000 biens immobiliers depuis le début de la crise économique, le nombre de logements sociaux s'avère insuffisant, des familles choisissant le retour chez les parents. La solidarité familiale est, à cet égard, un réel amortisseur social. 800 familles sont par ailleurs expulsées chaque semaine.
Le poids de l'économie souterraine, estimé à 21,5 % du PIB, tempère néanmoins toute explosion sociale. 856 000 personnes travaillaient ainsi « au noir » au quatrième trimestre 2010 contre 500 000 avant 2008. D'autres études mettent en avant le nombre de 4 millions de personnes tirant leurs revenus de l'économie souterraine.
La couleur politique du gouvernement modère également la contestation sociale, dans un pays qui semble de toute façon, peu enclin à manifester durablement contre les mesures gouvernementales. L'absence de réaction à la réforme des retraites est, à cet égard, significative. Le recours à la grève générale demeure quant à lui ciblé et limité dans le temps.
Les prochaines élections, régionales et municipales, annoncées comme perdues pour la majorité socialiste devraient constituer un test pour mesurer le mécontentement social et voir comment il se traduit dans les urnes. Si le Partido popular (PP) de centre droit semble bien placé, la tentation régionaliste est également bien présente. Il convient ainsi de noter que les deux principales formations politiques traversent une crise de leadership caractérisée. Éprouvé par la crise, José Luis Zapatero ne suscite plus l'adhésion de la majorité des électeurs socialistes, tandis que Mariano Rajoy, son principal opposant, qui dirige le Partido popular , ne semble pas considéré par les sympathisants de son parti comme la personne la plus apte à diriger le gouvernement en 2012.
Au-delà de l'alternance politique, c'est bien la question de la crédibilité de l'action politique que tend à poser la crise économique et financière en Espagne. 10 % des Espagnols seulement estiment ainsi que le gouvernement est l'autorité la plus apte à sortir le pays de la crise, 30 % d'entre eux estimant au contraire que l'Union européenne est plus efficace. L'attachement à l'idée européenne ne s'est, en effet, pas démentie avec la crise, quand bien même les mesures de rigueur qu'elle préconise fragilisent directement le tissu social.