II. LA FRANCE A FORTEMENT DIVERSIFIÉ SES SOURCES D'ÉNERGIE DEPUIS LES ANNÉES 1970, PERMETTANT AINSI UNE RÉDUCTION DES RISQUES SUR SES APPROVISIONNEMENTS
Si les ressources mondiales d'énergies fossiles (pétrole, gaz, charbon) sont d'ampleur limitée, leurs quantités disponibles sont difficiles à évaluer précisément, pour deux raisons principales :
- de nombreux gisements restent à découvrir ;
- la rentabilité économique de leur exploitation fluctue en fonction des prix mondiaux de l'énergie.
Il semble cependant avéré que les pays de l'Union européenne ne disposent pas, en dehors du charbon, de stocks significatifs d'énergies fossiles. La France, en particulier, dépend d'approvisionnements extérieurs pour le pétrole et le gaz qu'elle consomme . Ce qui a conduit le Secrétariat général à la Défense nationale à réaliser, à l'occasion de la présidence française de l'Union européenne, en 2008, une étude classifiée, sur leurs voies d'approvisionnement : oléoducs, gazoducs, voies maritimes.
Les risques pesant sur celles-ci ont donc été répertoriés, ainsi que les solutions permettant de les surmonter.
Ce rapport dresse un tableau synthétique des principales énergies fossiles nécessaires au bon fonctionnement de notre économie et, donc, à la préservation de nos intérêts vitaux.
La diversification des sources d'énergie de l'UE est retracée dans le schéma suivant.
Une structure de la consommation de l'UE transformée en 40 ans
Source : IFP - énergies nouvelles
L'Union européenne reste dépendante d'approvisionnements en provenance de pays très divers, ce qui renforce cette diversification, du point de vue géographique.
Approvisionnement énergétique de l'Union européenne en 2005
Source : IFP - énergies nouvelles
Les projections à 20 ans démontrent une accentuation de cette dépendance :
Source : IFP - énergies nouvelles
A. LES BESOINS FRANÇAIS EN PÉTROLE ONT FORTEMENT DÉCRÛ DEPUIS 1970, MAIS CETTE FORME D'ÉNERGIE RESTE INDISPENSABLE À L'ACTION MILITAIRE
Consommation d'énergie primaire par type d'énergie et par secteur |
||||||||
en millions de tep |
||||||||
1973 |
1990 |
2002 (r) |
2007 (r) |
2008(r) |
2009 (p) |
|||
Énergie |
en % |
|||||||
Charbon |
27,8 |
19,2 |
12,8 |
12,9 |
12,1 |
10,8 |
4,2 |
|
Pétrole |
121,5 |
88,3 |
93,3 |
90,1 |
88,3 |
82,7 |
31,9 |
|
Gaz |
13,2 |
26,3 |
40,2 |
40,6 |
40,7 |
39,0 |
15,0 |
|
Électricité primaire (1) |
7,7 |
83,2 |
113,5 |
116,2 |
117,1 |
110,8 |
42,7 |
|
Énergies renouvelables |
9,4 |
11,4 |
11,8 |
14,0 |
15,4 |
16,0 |
6,2 |
|
Total consommation d'énergie primaire corrigée du climat |
179,7 |
228,3 |
271,7 |
273,8 |
273,6 |
259,2 |
100,0 |
|
Total consommation d'énergie primaire non corrigée |
182,4 |
224,6 |
265,6 |
269,1 |
271,5 |
257,8 |
/// |
|
Secteur |
||||||||
Branche énergie |
35,1 |
75,2 |
95,8 |
97,4 |
98,2 |
90,5 |
/// |
|
Usages non énergétiques |
10,9 |
12,4 |
15,1 |
16,0 |
14,6 |
12,8 |
/// |
|
Consommation finale énergétique corrigée du climat |
133,6 |
140,7 |
160,8 |
160,4 |
160,8 |
155,9 |
100,0 |
|
Sidérurgie |
12,5 |
7,0 |
6,0 |
6,0 |
5,7 |
4,2 |
2,7 |
|
Industrie |
35,4 |
31,2 |
33,6 |
31,0 |
30,5 |
29,1 |
18,7 |
|
Résidentiel-Tertiaire |
56,4 |
57,7 |
66,4 |
67,6 |
69,4 |
68,7 |
44,0 |
|
Agriculture |
3,0 |
4,0 |
4,4 |
4,2 |
4,3 |
4,1 |
2,6 |
|
Transports |
26,3 |
40,8 |
50,0 |
50,9 |
50,2 |
49,8 |
31,9 |
|
p : données provisoires. |
||||||||
r : données révisées. |
||||||||
/// : absence de résultat due à la nature des choses. (1) : nucléaire, hydraulique, éolien et photovoltaïque. |
||||||||
Champ : France métropolitaine. |
||||||||
Source : Annuaire statistique de la France - INSEE |
Le tableau précédent décrit la réduction drastique de la consommation de charbon et de pétrole depuis 1970 au bénéfice du gaz, et, surtout, de « l'électricité primaire », c'est-à-dire produite à partir du nucléaire, de l'hydraulique, de l'éolien et du photovoltaïque.
Cependant, le pétrole continuera à constituer une part incompressible de la production d'énergie, d'ici à 2030, car plusieurs de ses caractéristiques en font une énergie de référence :
- C'est une matière première stratégique Notre civilisation repose en grande partie sur le transport d'individus ou de marchandises. Or, les voitures automobiles fonctionnent essentiellement avec de l'essence ou du gazole, les camions avec du gazole, les avions avec du carburéacteur. D'autres carburants existent : le gaz, les carburants issus de la biomasse, voire l'hydrogène, mais aucun de ces produits n'est actuellement compétitif face aux produits pétroliers. Les produits pétroliers couvrent 97 % des besoins de carburant. Le pétrole est donc indispensable dans le secteur du transport et, sans lui, aucune activité économique n'est possible. Le pétrole sert aussi à faire la guerre . L'importance du pétrole est apparue avant et pendant la Première Guerre mondiale. C'est vers 1910 que Winston Churchill, Premier lord de l'Amirauté Britannique, préconise d'utiliser le fuel lourd et non plus le charbon comme combustible pour les navires de guerre anglais. Si, au début de la Première Guerre mondiale, le cheval est encore la force de trait la plus importante, le rôle des tanks et véhicules automobiles va bientôt s'avérer prépondérant. Les avions de combat font même leur apparition dans les derniers mois du conflit. - Le pétrole est liquide Cette fameuse phrase de l'économiste Paul Frankel peut sembler triviale, mais cette caractéristique fait du pétrole une énergie facile à produire, facile à transporter, facile à utiliser. De plus, le pétrole est une énergie concentrée : le gaz est beaucoup plus coûteux à transporter et à distribuer, le charbon est un solide qui se prête plus difficilement aux manipulations, l'électricité est elle aussi une énergie coûteuse à produire et impossible à stocker. Cette facilité de production fait du commerce du pétrole le commerce mondial le plus important en volume et en valeur : les transactions pétrolières pèsent selon le prix du brut de 1 000 à 3 000 milliards de dollars par an. Le marché du pétrole est mondial car le pétrole se transporte facilement d'un bout à l'autre de la planète. - Le pétrole est la seule matière première dont le prix peut être très supérieur au coût de production Le pétrole ne coûte que quelques dollars à produire au Moyen-Orient et au maximum quelques dizaines de dollars dans les conditions les plus difficiles. Est-ce une conséquence de son caractère stratégique ? L'effet d'une rareté réelle ou organisée ? Toujours est-il que le prix du pétrole en ce début du XXIe siècle est en moyenne très supérieur à son coût d'extraction. On parle ainsi d'une industrie de rente : la rente est l'écart entre le prix (supposé refléter une juste valeurpour le consommateur) et le coût de production. En Arabie saoudite où le coût de production (hors investissements) est de l'ordre de 5 $ par baril pour un prix supérieur à 90 $ -en moyenne- en 2008, la rente est de l'ordre de 85 $. Cette rente revient à l'État qui en rétrocède une partie à la compagnie nationale, la Saudi Aramco, qui dispose du monopole de l'exploitation des ressources en hydrocarbures du royaume, pour financer les opérations d'exploration de production, de traitement. Dans les pays où les sociétés internationales privées (IOC : Exxon, BP, Shell, Total, Chevron...) opèrent seules ou en association avec une société nationale (cas du Nigeria, de l'Angola, voire, sur une échelle plus limitée, du Venezuela ou de l'Iran), la rente est partagée entre l'État et la compagnie pétrolière. Source : Géopolitique de l'énergie, Jean-Pierre Favennec - 2009, ed.Technip |
Le caractère indispensable du pétrole à la vie de la nation a été reconnu dès 1928, date de promulgation de la première loi instaurant des stocks stratégiques.
Les stocks français sont aujourd'hui réglementés par l'AIE et l'Union européenne : ce sont ainsi 90 jours de consommation civile, soit environ 25 millions de tonnes, qui doivent être stockées par les industries de raffinage.
Les stocks militaires portent sur des produits de nature spécifique. Les stocks stratégiques militaires sont régis par deux textes datant respectivement de 2008 et de 2011.
Deux types de stocks sont définis: les stocks de crise, dont l'utilisation est soumise à accord de l'Etat major des armées, et les stocks stratégiques, dont l'emploi requiert l'accord du ministre de la défense.
C'est le service des essences des armées qui les gère, pour les volumes suivants :
En carburéacteur
Stock crise = 100 000 m 3
Stock stratégique = 150 000 m 3
En carburéacteur marine
Stock crise = 7 300 m 3
Stock stratégique = 3 000 m 3
En gazole marine
Stock crise = 17 751 m 3 (15 000 T)
Stock stratégique = 47 337 m 3 (40 000 T)