CONCLUSION
La crise économique, l'adhésion à la zone euro, l'indépendance énergétique et la relation complexe avec le voisin russe sont autant de thématiques communes à la Lettonie et à la Lituanie. Sans gommer les différences historiques, linguistiques et religieuses qui séparent lettons et lituaniens, il apparaît important que ces deux pays renforcent leurs partenariats. Au regard des enjeux, cette nécessaire coopération apparaît plus que nécessaire tant les deux gouvernements ne disposent pas des moyens de mener une stratégie en solitaire dans les domaines de l'énergie ou de la défense par exemple. Toute duplication dans ces secteurs semble en effet particulièrement contre-productive, pour ne pas dire nuisible, au renforcement de la souveraineté de ces pays.
L'intégration au sein de l'Union européenne est, pour ces pays, le signe d'une adhésion aux valeurs occidentales et par là même du refus de demeurer sous la sphère d'influence russe. S'il n'est pas contestable que la Lettonie comme la Lituanie ont su adapter leurs structures politiques et économiques aux normes occidentales, il peut apparaître regrettable que la notion de solidarité tant européenne que régionale ne joue pas totalement à plein et qu'une certaine concurrence fragilise toute dynamique locale.
A cet égard, la mise en place d'infrastructures destinées à désenclaver les territoires baltes s'avère être un excellent test pour juger de la possibilité pour ces États de dépasser le simple intérêt national. L'Union européenne doit, à ce sujet, faire preuve de fermeté et limiter son financement aux seuls projets régionaux et condamner expressément toute concurrence en la matière. Il en va aussi de la cohérence de son action. L'Union doit cesser d'apparaître comme un guichet ouvert dans la région, destiné à combler, au cas par cas, des problèmes de financement.
Le renforcement de l'implication des pays baltes dans la politique extérieure de l'Union européenne fait également figure de priorité. S'il apparait difficile, pour des raisons historiques, de combler le déficit d'image que l'Union européenne enregistre dans le domaine militaire, par rapport aux États-Unis, il est néanmoins indispensable d'associer un peu plus les pays baltes, et en particulier la Lituanie, dans la gestion du partenariat oriental, afin de bénéficier de leur expertise dans ce domaine.
EXAMEN PAR LA COMMISSION
La commission des affaires européennes s'est réunie le mercredi 9 mars 2011 pour l'examen du présent rapport.
M. Serge Lagauche :
J'ai suivi au nom de notre commission les négociations d'adhésion puis l'intégration de la Lettonie au sein de l'Union européenne. Je me suis, à cet égard, plusieurs fois rendu à Riga au début des années 2000.
On ne peut comprendre le pays si on méconnaît son histoire au cours du vingtième siècle. Depuis sa première accession à l'indépendance en 1917, la Lettonie n'a eu de cesse de contenir la puissance russe voisine. Sa souveraineté a été progressivement rognée par l'Union soviétique durant l'entre-deux-guerres avant d'être condamnée par le pacte germano-soviétique d'août 1939, aux termes duquel les pays baltes étaient directement rattachés à Moscou.
L'invasion de l'URSS par les troupes allemandes a été, à certains égards, vécue comme une libération par de nombreux Lettons qui voyaient là une occasion de s'affranchir du joug soviétique. On trouve ainsi à Riga deux monuments aux morts de la seconde guerre mondiale, l'un concernant les Lettons morts sous l'uniforme soviétique et l'autre dédié à ceux qui ont combattu contre l'URSS et étaient considérés après la guerre comme des traîtres.
Ceux-là, comme tant d'autres Lettons, ont été victimes de l'épuration consécutive au retour des troupes soviétiques à Riga à la fin de la seconde guerre mondiale. Il n'est pas interdit de penser d'ailleurs que toutes les familles lettones ont été concernées directement ou indirectement par la déportation en Sibérie. D'ailleurs, le calme relatif avec lequel la population a accueilli les mesures de rigueur censées répondre à la crise tient sans doute à cette faculté de résignation développée durant l'occupation soviétique.
C'est à l'aune de ces événements qu'il convient d'analyser la politique européenne de la Lettonie. Cette population demeure marquée par le souvenir de cette longue occupation. Le pays n'est par ailleurs indépendant que depuis vingt ans. De fait, l'intégration au sein des structures atlantiques et de l'Union européenne en 2004 et demain au sein de la zone euro est un moyen de garantir cette souveraineté et de fixer définitivement les frontières avec la Russie.
Comme l'a rappelé le rapporteur, cette affirmation de son indépendance est rendue complexe par la situation de la minorité russophone installée dans le pays. La Lettonie a longtemps été le lieu de retraite des officiers russes. Eux comme leur descendance ont refusé, après l'accession à l'indépendance du pays, de satisfaire aux conditions d'obtention de la nationalité lettone. Celle-ci s'acquiert, en effet, après un examen tendant à démontrer l'aptitude des candidats à maîtriser la langue lettone.
Ce refus de s'intégrer est néanmoins tempéré par une réelle influence russe au sein de l'activité économique, le jeune État indépendant attirant aussi bien les capitaux russes que les pratiques douteuses des milieux d'affaires. Le développement de l'économie « grise » dans le pays tient, notamment, à ce climat particulier.
L'adhésion à l'Union européenne est donc une réelle opportunité pour dépasser cette relation délicate avec la Russie, renforcée d'ailleurs par la dépendance énergétique. Je rappellerai, à cet égard, le contournement des États baltes, opéré par La Russie dans le projet de gazoduc Nord Stream , qui doit permettre d'approvisionner l'Europe en gaz russe. L'Union européenne doit faciliter un véritable désenclavement de la région au niveau énergétique.
Concernant l'intégration au sein de la zone euro, je serais tenté de dire qu'au regard de la tutelle qu'exerce actuellement l'Union européenne sur la Banque centrale de Lettonie, dans le cadre notamment, de l'aide internationale qui a été versée au pays, l'adoption de la monnaie unique apparaît tout aussi logique qu'inexorable.
Mme Bernadette Bourzai :
Je souscris entièrement au propos de Serge Lagauche tant la question russe est viscérale dans ces deux pays, en raison du poids de l'histoire et plus particulièrement des événements qui se sont déroulés au vingtième siècle.
Aujourd'hui, je suis heureuse de constater qu'en Lituanie comme en Lettonie ce sont deux européens convaincus qui ont accédé aux plus hautes responsabilités. Mme Dalia Grybauskaité, ancienne commissaire européenne, est aujourd'hui présidente de la république en Lituanie et M. Valdis Dombrovskis, ancien parlementaire européen, est à la tête du gouvernement letton.
M. Jean Bizet :
J'ai de mon côté suivi, au nom de cette commission, les négociations d'adhésion de la Lituanie au sein de l'Union européenne. J'ai le souvenir d'une capacité extraordinaire d'assimilation de l'acquis communautaire par l'administration locale.
M. Yann Gaillard :
Je tiens, à cet égard, à saluer la qualité et le dynamisme des membres de la haute fonction publique lituanienne qu'il m'a été amené de rencontrer au cours de mon déplacement.
Dans un autre ordre d'idée, j'ai été frappé par l'absence de solidarité entre les États baltes.
M. Serge Lagauche :
Celle-ci tient là encore à des raisons historiques. Chacun des États a connu, au fur et à mesure des siècles, des influences différentes, qu'il s'agisse de la Pologne en Lituanie, de la Russie ou de la Suède en Lettonie ou de la Finlande en Estonie. En découlent des appréciations différentes de la situation locale et un développement indépendant de chacun de ces États.
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A l'issue du débat, la commission a autorisé, à l'unanimité, la publication du présent rapport.