3. Les limites des stratégies nationales d'indépendance énergétique
La Lettonie a adopté en janvier 2006 un plan de développement énergétique pour la période 2006-2016, date à laquelle Riga entend parvenir à l'autosuffisance électrique. Le document fixe notamment comme objectif la participation lettone à la construction d'une nouvelle centrale nucléaire balte, destinée à remplacer Ignalina. Cette nouvelle centrale est également au coeur de la stratégie énergétique lituanienne adoptée en octobre 2010, dont l'ambition est de parvenir à une véritable indépendance énergétique, tout en améliorant l'efficacité énergétique, celle-ci étant deux fois et demie plus faible que la moyenne de l'Union européenne. La Lituanie entend parallèlement répondre aux ambitions européennes en matière d'énergies renouvelables, celles-ci devant atteindre 23 % de la consommation totale en 2020.
La biomasse, comme les réseaux éolien et hydraulique devront, à cet égard, être développés, la Lettonie étant dans ce domaine un peu plus avancée, puisque les énergies renouvelables représentent d'ores et déjà entre 54 et 70 % de la production d'énergie électrique.
Au-delà des infrastructures mises en place dans le cadre du PIMERB, Vilnius comme Riga entendent également se connecter au réseau électrique de l'Europe de l'Ouest (ENTSO-E) et abandonner l'ancien réseau soviétique UPS. Un tel raccordement, s'il permet de désenclaver les pays Baltes, demeure néanmoins coûteux : 1 milliard d'euros, sans compter les frais liés à la déconnexion, estimés entre 174 et 261 millions d'euros.
Le PIMERB insiste, par ailleurs, sur la nécessité de créer un terminal GNL commun aux trois États baltes. L'Union européenne a indiqué, à ce titre, qu'elle ne participerait au financement que d'un seul terminal. Il conviendrait donc qu'une concertation puisse être instaurée entre les États concernés en vue de déterminer quel site pourrait être retenu, la Lettonie comme la Lituanie militant respectivement pour les ports de Ventspils ou Liepaja et Klaïpeda. De même, une telle concertation serait la bienvenue pour la construction de la nouvelle centrale nucléaire balte, appelée à remplacer Ignalina. Si Riga a annoncé son souhait de financer officiellement le projet lituanien de Visaginas, la compagnie publique lettone Latvenergo milite pour une petite centrale nucléaire située sur le territoire letton et invite, dans le même temps, les autorités à prendre en compte le projet russe à Kaliningrad.
Il appartient, de fait, aux deux États de mettre en oeuvre un partenariat stratégique en matière énergétique. Il convient en effet de s'interroger sur l'opportunité pour Riga de supporter les coûts inhérents à la mise en oeuvre de deux projets industriels de cette dimension. De plus, la Lituanie possède une certaine expérience en matière de gestion d'une centrale nucléaire, alors même que la Lettonie bénéficie d'une certaine expertise en matière d'infrastructure portuaire, un projet privé de terminal GNL a en effet déjà été élaboré dans le port de Riga. Aux yeux des lettons, ce terminal pourrait favoriser le développement concomitant de ses capacités de stockage géologique, Riga songeant notamment au réservoir de Dobele. Une répartition des chantiers apparaît donc logique.
Les autorités lituaniennes doivent néanmoins s'efforcer de rendre leur projet nucléaire plus crédible qu'il ne l'est à l'heure actuelle. Ainsi, aucun investisseur n'a pu être désigné à l'occasion de l'appel d'offres ouvert en 2010, EDF puis GDF-Suez préférant notamment renoncer devant l'apparente complexité du dossier. Le retrait du sud-coréen KEPCO , pour partie politique, contribue à renforcer le flou autour de ce dossier. Par ailleurs, le choix lituanien d'imposer la Pologne, sans concertation avec ses voisins baltes, au sein du consortium régional chargé d'étudier la faisabilité du projet, n'a pas non plus participé d'une bonne entente locale sur ce sujet. Vilnius a néanmoins annoncé que l'année 2011 devrait se traduire par de réelles avancées.
La Lituanie rencontre, de façon générale, quelques difficultés pour mettre en oeuvre sa stratégie énergétique. Les choix industriels effectués avant 2008 pèsent notamment, qu'il s'agisse de la vente du réseau de gaz à Gazprom , de la rénovation coûteuse et in fine insuffisante de la centrale thermique au gaz d'Elektrenai ou de la faiblesse du soutien à la filière biomasse. La renationalisation qu'elle opère dans le secteur électrique n'est pas non plus sans susciter d'interrogations, tant elle semble ralentir les projets de modernisation envisagés et destinés à améliorer l'efficacité de l'ensemble du système.
La difficulté pour le gouvernement de financer une telle adaptation des équipements aux nouvelles contraintes environnementales apparaît en contradiction avec ses ambitions initiales. A ce titre, les autorités lituaniennes ont déjà tenté, sans succès, d'obtenir une prorogation du délai imposé par la Commission européenne pour adapter ses outils énergétiques aux contraintes environnementales. Le risque que la modernisation du secteur énergétique lituanien ne soit in fine supportée par le contribuable européen n'est, à cet égard, pas à exclure.