3. L'aide européenne constitue un risque politique et social
Les déclarations de l'opposition concernant une démission nécessaire du gouvernement, en cas de recours à l'aide conjointe de l'Union européenne et du Fonds monétaire international, ne sont pas non plus sans incidence sur le choix des autorités de poursuivre une stratégie en solitaire.
L'intervention du Fonds monétaire international ne trouve en effet pas beaucoup de grâce aux yeux de la population locale, marquée par les deux précédentes interventions du Fonds en 1975 et 1983. Celles-ci s'étaient traduites par une politique de rigueur extrêmement sévère, rompant avec l'espérance révolutionnaire liée à la chute de la dictature. Le recours à l'intervention internationale fragiliserait donc le gouvernement dans le cadre d'un scrutin anticipé.
La politique de rigueur est d'ores et déjà mal vécue par la population, comme en témoigne la grève générale du 24 novembre dernier, largement suivie au sein de la population. L'austérité vient renforcer un sentiment réel de précarité sociale. Il convient de rappeler que 2 millions de Portugais ont un revenu mensuel inférieur à 420 euros. Les 17 banques alimentaires portugaises nourrissent chaque jour 285 000 personnes, soit 2,5 % de la population. L'Église a, de son côté, renoué avec sa tradition sociale pour pallier les carences de l'État dans ce domaine.
De fait, le seul avantage d'une intervention du FMI réside, aux yeux de la population, dans la stimulation de la lutte contre la corruption.
Si le gouvernement s'oppose au recours à l'aide européenne, celle-ci ne rencontre pas non plus l'adhésion de l'opposition. Si le PSD estime ainsi qu'il serait en mesure de gouverner avec une aide du FMI, il n'affiche pas néanmoins de volonté particulière de recourir à celle-ci. Une intensification des réformes structurelles lui apparait à cet égard prioritaire.
La progression de l'euroscepticisme n'est pas non plus à dédaigner. L'image de l'Allemagne, voire du couple franco-allemand, souffre considérablement depuis le printemps dernier. Le large écho donné par les médias le week-end des 8 et 9 janvier aux informations de l'hebdomadaire allemand der Spiegel selon lesquelles Paris et Berlin tentaient d'imposer l'aide européenne au Portugal en atteste. Considérée jusque lors comme un soutien constant au Portugal, l'Union européenne ne bénéficie plus désormais de la même adhésion. Elle est désormais partiellement vue comme une contrainte.
Les négociations entamées par le gouvernement avec les partenaires sociaux au sujet de la réforme du marché du travail ont été l'occasion pour les syndicats de mettre en cause l'influence de la Commission sur la politique gouvernementale. La réaction de l'UGT, supposée proche du Parti socialiste, est à cet égard assez révélatrice de l'écart entre le respect des engagements de consolidation budgétaire pris envers Bruxelles par le gouvernement et le ressenti de la population.
La presse relaie quant à elle les propos d'économistes qui estiment inéluctable la demande d'aide auprès de l'Union européenne, contrastant de la sorte avec l'unanimité de la classe politique sur ce sujet. La Banque du Portugal, dont les prévisions de croissance sont en deçà des objectifs du gouvernement, a été le cadre d'une certaine cacophonie le 10 janvier dernier, un membre du conseil d'administration jugeant l'aide très probable et contredisant ainsi les propos du gouverneur de la banque centrale.