CHAPITRE IV : UN DROIT DE TRAVAIL EN VOIE D'EFFRITEMENT
RÉSUMÉ DU CHAPITRE L'effritement du droit social du travail s'amplifierait. La dérégulation refléterait les politiques d'Etats témoignant de stratégies individuelles de « cavalier seul », le moins-disant social devenant le point de référence d'un droit international du travail qui peinerait à émerger. Les nouvelles normativités, à commencer par la « soft law », se développeraient de façon anarchique, sans nulle certification et ne seraient l'expression que d'un marketing généralisé dont les grandes lignes seraient décidées, à leur profit, par les grandes entreprises monopolistiques. |
I. UN DROIT SOCIAL SUBISSANT DE TOUJOURS PLUS PROFONDS CHANGEMENTS
A. UN SYSTÈME NORMATIF PROFONDÉMENT MODIFIÉ D'UN POINT DE VUE CONCEPTUEL
L'ensemble des normes juridiques du pacte social a enregistré de profondes transformations, décrites ci-avant, qui ont affecté tant les conditions de leur production que celles de leur application, ainsi que leur contenu.
1. Une production diversifiée et décentralisée
Les sources de production de normes concernant le pacte social dans l'entreprise se sont diversifiées avec la montée en régime du droit communautaire et l'émergence, encore modeste, de la « soft law ».
Mais en même temps qu'il tend à devenir « transnational », le droit applicable aux relations entre les parties prenantes concernées par les activités de l'entreprise se révèle aussi plus endogène, plus décentralisé.
Les évolutions récentes de la législation ont conféré, en effet, au droit négocié, particulièrement au sein de l'entreprise, une importance relativement plus grande qu'auparavant, dans le système normatif.
2. Une application assouplie
Avec la possibilité pour les accords de rang hiérarchique inférieur de déroger à ceux qui leur sont supérieurs, dans un sens pas nécessairement plus favorable au salarié, le système normatif social français a profondément évolué. Il est devenu plus souple, moins pyramidal, comme les groupes d'entreprises auxquelles il s'applique, organisées désormais en réseau. L'articulation entre ses différents niveaux est censée être moins hiérarchique, plus pragmatique.
3. Un contenu diversifié
Le contenu des normes du pacte social dans l'entreprise a été adapté aux changements du contexte dans lequel les entreprises exercent leurs activités : mondialisation de la production de biens et services, concurrence exacerbée, vieillissement de la population.
Le périmètre du pacte social s'est étendu. Il ne s'agit plus seulement d'un compromis entre les principales différentes parties prenantes de l'entreprise, salariés, employeurs et actionnaires mais aussi de satisfaire à des exigences éthiques et environnementales, celles de la société, des citoyens et des consommateurs, en matière de développement durable, de respect, dans le monde entier, des droits sociaux fondamentaux des travailleurs, etc.
Le droit du travail d'aujourd'hui est moins statutaire qu'hier et plus individualisé. Il s'est élargi à la préoccupation de l'exclusion et de la précarité, de l'insertion des jeunes et des handicapés, de l'emploi des seniors.
Les relations professionnelles ont profondément évolué. Ce qui prime désormais, c'est l'aptitude du salarié à exercer une fonction dans un groupe, son employabilité, plutôt que le fait, pour lui, d'occuper un emploi permanent qui trouve sa place dans une classification ou une grille prédéterminée par une convention collective. S'il est cadre, il doit gérer lui-même sa carrière, sa rémunération dépend désormais, de plus en plus, de ses propres performances et pas seulement des gains de productivité de l'entreprise. Il lui est demandé d'accepter une certaine mobilité professionnelle et géographique.
La loi s'est efforcée d'entériner ces modifications et de satisfaire ces exigences. En revanche, des évolutions restent à entreprendre s'agissant de garantir aux salariés une réelle employabilité malgré l'objectif déjà affiché par la loi du 18 janvier 2005, de programmation pour la cohésion sociale, d'une gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC).