C. LA DIVERSIFICATION PEU CONTRÔLÉE DES SOURCES DE PRODUCTION DE RÈGLES JURIDIQUES : L'EXEMPLE DE LA « SOFT LAW »
Dans son bilan de l'année 2006, le Conseil d'Etat voit dans la multiplication des sources du droit, externes et internes, l'une des principales raisons de la complexité croissante des normes qui, selon lui, menace l'Etat de droit (voir titre II de ce rapport).
Il met en cause, notamment, les récents développements du droit communautaire et la création continue d'un réseau complexe de conventions internationales.
Ces observations générales s'appliquent aux normes juridiques relatives au pacte social dans l'entreprise.
L'importance des conventions de l'OIT et le développement d'un droit social européen ont déjà été analysés dans ce chapitre. Il reste à rendre compte de l'essor d'un droit nouveau au statut incertain, la soft law, tâche particulièrement délicate !
1. Tentative de définition
La « soft law » est un ensemble de règles et de conventions dont il est difficile de préciser les contours, le contenu et les effets juridiques. Comme son nom l'indique, c'est un droit « mou », qui trouve plus facilement sa place dans un système de « common law » que dans celui des pays de droit écrit, héritiers du droit romain, attachés, comme la France, à la clarté et à la précision des règles juridiques.
La soft law peut se définir en fonction des personnes qui l'établissent, généralement des entités non étatiques, multinationales ou organisations non gouvernementales...
On peut se référer aussi, pour préciser le concept en question, aux domaines auxquels il s'applique (droits sociaux fondamentaux, préservation de l'environnement ou respect de principes éthiques), ou à la portée des dispositions considérées, généralement dépourvues d'effet juridique direct et contraignant.
S'il s'agit seulement de caractériser par ce terme des règles imprécises, alors certains articles des conventions de l'OIT ou de lois françaises 218 ( * ) font partie de la soft law lorsqu'ils se contentent d'afficher des objectifs souhaitables ou des principes à respecter sans indiquer ni les moyens d'y parvenir ni les sanctions encourues en cas d'échec ou de manquement aux obligations définies.
La soft law fait partie des règles du pacte social, au sens le plus large de la notion, en ce qu'elle concerne les normes concernant non seulement les relations entre les « parties prenantes » de l'entreprise mais aussi les droits et devoirs de cette dernière vis-à-vis de la société, en réponse aux exigences et aux attentes nouvelles des citoyens, notamment en matière environnementale et sur le plan éthique.
En ce sens, la notion est très proche de celle de la responsabilité sociétale (ou sociale) de l'entreprise (RSE), sorte de déclinaison de ce qu'implique pour cette dernière le respect des principes du développement durable dans ses trois composantes, environnementale, sociale ou économique.
* 218 En principe, la loi a pour vocation, en France, d'énoncer des règles de droit suffisamment précises et doit être revêtue d'une portée normative. Mais certaines dispositions, qui se contentent de formuler de voeux pieux, échappent à la censure du Conseil constitutionnel.