2. Une facilitation des possibilités de déroger à la hiérarchie des normes au profit, notamment, des entreprises

Par ailleurs, le droit conventionnel a été assoupli par une remise en cause des liens de subordination hiérarchique entre les accords conclus à différents niveaux.

La loi Fillon du 4 mai 2004 sur la formation professionnelle et le dialogue social a ainsi autorisé, tout d'abord, les accords d'entreprise à déroger, sous certaines conditions, aux accords de branche (qui, eux-mêmes, peuvent différer, de la même façon, des accords interprofessionnels).

La loi du 20 août 2008, a ensuite privilégié l'accord d'entreprise pour les négociations concernant l'aménagement du temps de travail pour lequel la branche n'intervient en principe que « par défaut ».

Sur toute autre question, l'accord d'entreprise ou d'établissement peut déroger à un accord couvrant un champ territorial ou professionnel plus large, sauf si celui-ci l'interdit ou lorsqu'il s'agit de certaines matières 213 ( * ) que l'entreprise ne semble pas apte à traiter.

Les partenaires sociaux peuvent décider si un accord concerne tout ou partie de entreprises constitutives d'un groupe, cet échelon étant reconnu pertinent pour négocier sur la question de la « gestion prévisionnelle de l'emploi et des compétences » (GPEC).

3. Un ensemble de normes désormais moins hiérarchisées et davantage articulées

Les normes qui régissent le fonctionnement du pacte social à l'intérieur de l'entreprise sont définies aujourd'hui plus largement au sein de cette dernière. Mais elles résultent aussi d'accord négociés par les partenaires sociaux à une plus vaste échelle, pour répondre à des besoins variés, l'accord interprofessionnel constituant un quasi règlement ou une pré-loi, à caractère national, et la branche définissant les conditions économiques et sociales de l'exercice d'une profession, notamment en ce qui concerne les PME et la concurrence.

Le tout constitue un ensemble désormais moins hiérarchisé, plus articulé, dans lequel devraient régner, dans l'idéal, la subsidiarité et la suppléance entre les différents niveaux.

En contrepartie de l'accroissement du rôle des conventions collectives en général et des accords d'entreprises en particulier dans l'élaboration des normes du pacte social, les exigences de représentativité des syndicats pour la négociation et la validation des conventions ont été renforcées à tous les niveaux.

Le tableau suivant rend compte de ces nouvelles règles et détaille la hiérarchie des normes au sein des conventions collectives.

CONVENTIONS COLLECTIVES

NIVEAU

DOMAINE

CONCLUSION

DÉROGATION/NORME SUPÉRIEURE

Qui négocie ?

Conditions de validité

Condition

Modification apportée

Interprofessionnel

(ANI : accord national interprofessionnel)

Chômage, formation au long de la vie, seniors, stress, modernisation du marché du travail, gestion sociale des conséquences économique de la crise sur l'emploi

- Jusqu'en 2013, les « cinq grands »

- Au-delà : syndicats ayant obtenu plus de 8 % des suffrages exprimés aux élections

Signataires : au moins 30 % des suffrages

Absence d'opposition de syndicats représentant au moins 50 % des suffrages (ou, jusqu'en 2013, de trois des « cinq grands »

- Conformité à l'ordre public social défini par la Constitution et par la loi

- Autorisation par une loi

- Un ANI préalable peut être transformé en loi 214 ( * ) puis modifié par celle-ci

- Principe de faveur (+)

Branche

(CCB : Convention collective de branche)

Garanties sociales essentielles et régulation économique au sein de quelques 700 branches

- Jusqu'en 2017, les « cinq grands »

- Au-delà : 8 % des suffrages exprimés au niveau de la branche

- Jusqu'en 2013, absence d'opposition de la majorité des syndicats représentatifs dans la branche.

La loi de 2004 permettait aussi à la branche d'opter pour des élections spéciales ou pour la référence aux résultats des dernières élections professionnelles.

- A partir de 2013

30 % pour, absence d'opposition de 50 %, selon les résultats des élections

- Conformité à l'ordre public social défini par la Constitution et par la loi

- Autorisation par une loi

Plus favorable (+)

Moins favorable (-) ou complémentaire (?)

Entreprise

Temps de travail + toute autre question (salaires, participation...) pour laquelle la dérogation n'est pas interdite et l'entreprise s'avère un échelon de négociation pertinent, notamment seniors, handicapés, égalité homme/femme...

Gestion prévisionnelle de l'emploi et des compétences (GPEC) du ressort des groupes.

> 10 % des suffrages

> 30 % favorables

< 50 % s'opposant à l'accord

En cas d'anomalie (carence, absence de dépouillement, ...) : référendum : = 50 %

Les mêmes que pour les ANI et les CCB (respect de l'ordre public et de la loi)

+

Interdiction de déroger aux ANI et CCB concernant :

- les salaires minima

- les classifications

- les garanties sociales

- la formation professionnelle continue (fonds mutualisé)

+

Absence de clauses d'une CCB et d'un ANI interdisant la dérogation

+

-

?

PME

TPE ( ?)

Identique à celui des autres entreprises

En l'absence de DS 215 ( * ) (200 salariés) ou de DP 216 ( * ) désigné comme tel (50) :

- Elus du CE ou DP

- Salariés mandatés

- RSS 217 ( * ) (10 salariés)

50 % des suffrages

Les mêmes que pour les autres entreprises

+

-

?


* 213 Salaires minima, classification, garanties sociales (art. L.912-1 du code de la sécurité sociale), mutualisation des fonds de la formation professionnelle continue.

* 214 Alors que l'initiative des lois appartient, normalement, au Premier ministre et au Parlement (art. 39 de la Constitution).

* 215 DS : délégué syndical

* 216 DP : délégué du personnel

* 217 RSS : Représentant de la section syndicale

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