b) Les augmentations de salaires sont de plus en plus individualisées
La situation salariale des salariés est de plus en plus dépendante de mécanismes d'individualisation .
Les pratiques des entreprises en matière de rémunération de leurs salariés ressortent comme très diverses. Les augmentations peuvent être générales et/ou individualisées portées sur l'octroi de primes liées ou non à la performance (y compris sous forme de primes liées à l'intéressement, à la participation ou à l'épargne salariale) et autres éléments de rémunération qui complètent le salaire de base (complémentaire santé, épargne retraite, tickets restaurants...). Les entreprises utilisent de plus en plus des formes de rémunération complémentaires au salaire qui s'ajoutent à ce dernier et se substituent parfois aux augmentations du salaire de base.
RÉPARTITION DES ENTREPRISES SELON LE TYPE
D'AUGMENTATIONS
ACCORDÉES EN 2007 (EN %
D'ENTREPRISES)
Uniquement
|
Uniquement
|
Augmentations mixtes |
Total |
|
Ensemble |
37 |
20 |
43 |
100 |
Secteur d'activité de l'entreprise |
||||
Industrie |
30 |
19 |
51 |
100 |
Construction |
40 |
15 |
45 |
100 |
Services |
39 |
22 |
39 |
100 |
Taille de l'entreprise |
||||
De 10 à 19 salariés |
45 |
21 |
34 |
100 |
De 20 à 49 salariés |
34 |
22 |
44 |
100 |
De 50 à 99 salariés |
25 |
18 |
57 |
100 |
De 100 à 249 salariés |
20 |
16 |
64 |
100 |
De 250 à 499 salariés |
16 |
17 |
67 |
100 |
500 salariés ou plus |
9 |
14 |
77 |
100 |
Source : enquête « Pratiques salariales ». DARES. 2007.
Sans doute, faut-il observer que la plupart des entreprises cumulent augmentations générales et augmentations individuelles . Mais, les entreprises qui ne procèdent qu'à des augmentations générales sont très minoritaires (37 % pour l'ensemble) et, ce, d'autant plus qu'elles sont de grande dimension (9 % des grandes entreprises).
La règle est de plus en plus le cumul d'augmentations générales et d'augmentations individualisées . Là aussi c'est à mesure que les entreprises grandissent que cette coutume salariale se systématise.
L'analyse des critères pris en compte pour procéder à des augmentations générales des salaires confirme l'importance de l'existence de critères de fixation des salaires extérieurs à l'entreprise.
Il faut, à ce propos, distinguer selon la situation hiérarchique des salariés comme le révèlent les enquêtes, qui sont à la source 9 ( * ) de l'appréciation des pratiques salariales.
LES CRITÈRES D'AUGMENTATIONS
GÉNÉRALES DU SALAIRE DE BASE EN 2007
(EN %
D'ENTREPRISES)
Source : enquête « Pratiques salariales ». DARES. 2007.
Pour les non-cadres , 49 % des entreprises déclarent que la revalorisation du SMIC a constitué un critère. Il n'est pas précisé si ce fut un critère impliquant un choix ou la simple application des décisions de relèvement de SMIC. On peut toutefois induire de la différence entre cadres et non cadres que le second motif est sans doute assez fort.
Par ailleurs, le rôle joué par les conventions de branche est important , que ce soit pour les cadres ou les non-cadres.
Il est plus surprenant d'observer que, sans être négligeable, la considération des résultats financiers des entreprises n'est mentionnée que par un pourcentage minoritaire d'entre elles pour expliquer les augmentations générales des salaires.
Cette réponse des entreprises pourrait être analysée comme contrastant avec l'idée assez répandue que le capitalisme financier exerce des effets déterminants sur les politiques salariales. Mais, outre que les données ici utilisées ne sont que des données d'enquête, il faut rappeler qu'elles ne couvrent que les augmentations générales de salaires, augmentations dont l'ampleur n'est pas précisée.
Or, il existe une tendance à l'individualisation des salaires et l'analyse des critères d'augmentations individuelles des salaires semble montrer que la performance est largement prise en compte à ce stade .
LES CRITÈRES D'ATTRIBUTION DES AUGMENTATIONS
INDIVIDUELLES EN 2007
(EN % D'ENTREPRISES)
Source : enquête « Pratiques salariales ». DARES. 2007.
Ces critères confirment la place du choix de l'entreprise dans les augmentations individuelles des salaires et l'importance qu'y prennent les éléments relatifs à l'intensité des efforts et, plus généralement, à la productivité de chaque salarié . Il reste à évaluer l'affectivité de ces critères et la pertinence des évaluations dont ils procèdent.
La structure des rémunérations salariales révèle que les éléments variables du salaire représentent environ 15 % des rémunérations. Il existe ainsi une marge non négligeable de flexibilisation des salaires.
Mais, en même temps, cette décomposition de la masse salariale apparaît structurelle si bien que, d'un point de vue macroéconomique, on peut hésiter à voir dans les éléments variables une source effective de modulation.
On ne sait à quoi attribuer ce qui ressort comme une apparente rigidité. Conduit-elle à nuancer l'authenticité des revendications pour plus de flexibilité ou ces éléments de salaires doivent-ils être vus comme plus automatiques que ne l'indiquent les enquêtes ?
En tout cas, l'inertie de la structure salariale n'équivaut pas à une inertie générale des salaires non plus qu'à un défaut de variabilisation microéconomique des situations salariales.
En 2006, le salaire de base représentait 86,3 % de la masse salariale brute des entreprises du secteur marchand non agricole 10 ( * ) , le reste provenant soit des heures supplémentaires et complémentaires (1,3 %), soit des primes et compléments (12,4 %).
DÉCOMPOSITION DE LA MASSE SALARIALE
SELON
LES BRANCHES PROFESSIONNELLES REGROUPÉES EN 2006
Source : INSEE, DARES, enquête sur le coût de la main-d'oeuvre et la structure des salaires en 2006.
LES GAINS BRUTS MENSUELS MOYENS DANS LES ÉTABLISSEMENTS DE 10 SALARIÉS OU PLUS ET LEUR DÉCOMPOSITION SELON LE SECTEUR D'ACTIVITÉ EN 1998
Source : Premières synthèses. Janvier 2000. N° 01.1
Par ailleurs, le poids du salaire de base est très variable selon les branches ; il en va de même pour les éléments rémunératoires variables.
Pour ce qui concerne ces derniers, le niveau des compléments liés aux heures supplémentaires ressort comme particulièrement élevé dans les Transports et le Bâtiment. Dans ces secteurs, les heures supplémentaires jouent un rôle important dans la flexibilité salariale que le cycle (et la saisonnalité) paraît imposer.
En ce qui concerne les primes et compléments , la différenciation par branche est également assez forte. Leurs poids est plus élevé dans l'industrie que dans les services, excepté dans les activités financières et immobilières. Il est sans doute également influencé par la taille des entreprises, la démographie des entreprises de chaque branche expliquant ainsi une partie de la variabilité des primes et compléments. Il est à noter que parmi ceux-ci, la situation individuelle tend à occuper une place centrale (qu'il s'agisse d'ancienneté, de performance, ou d'autres considérations personnelles englobées dans la sous-catégorie « autres »).
De l'inertie apparente de la structure des rémunérations, on ne saurait déduire que le salaire est macroéconomiquement rigide . On verra qu'au contraire les évolutions salariales ressortent comme très corrélées, quoique de façon asymétrique, avec des variables macroéconomiques lourdes, qui conditionnent de plus en plus les dynamiques des salaires.
L'inertie de la structure des rémunérations semble plutôt témoigner d'un défaut de flexibilité des salaires à la hausse qu'à la baisse, tant la modération salariale paraît marquer structurellement l'histoire récente des salaires en France.
La relative constance de la répartition entre salaires de base et primes traduirait ainsi plutôt le fait que les éléments variables de la rémunération évoluent de concert avec le salaire de base si bien qu'ils ne jouent pas réellement leur rôle d'adaptation des salaires aux cycles, en particulier dans la phase haussière de ceux-ci.
Par ailleurs, cette tendance ne paraît pas jouer de la même manière pour tous les salariés. Quelques branches, en particulier celles des services financiers, témoignent d'évolution des primes et compléments atteignant une certaine ampleur.
La répartition de ces éléments de salaires y semble très fortement individualisée ce qui s'explique sans doute par leur concentration sur certains métiers de la banque.
De façon générale, l'individualisation des salaires est de plus en plus forte dans un panorama où les données macrosociales sur les rémunérations ne la révèlent pas toujours immédiatement 11 ( * ) .
* 9 Sans doute un peu fragile.
* 10 Entreprises de 10 salariés et plus.
* 11 Les inflexions des gains de productivité et du rythme de croissance semblent se répercuter différemment sur les salaires, selon qu'il s'agit d'accélération ou de ralentissement, et de façon inégale en fonction du niveau de salaire.