b) Mais, une perception sans doute erronée, du moins en partie

Deux observations s'imposent toutefois .


Le différentiel de croissance entre le salaire par tête et la valeur ajoutée est principalement le résultat d'un ralentissement de la productivité individuelle du travail.

Celle-ci a été compensée par une augmentation de la quantité de travail mobilisée pour produire mais sans que le chômage de masse ne recule durablement 58 ( * ) .


Les pays dans lesquels la protection sociale est moins collective font souvent apparaître un salaire net plus élevé et plus dynamique (pas toujours car les règles de la comptabilité nationale prévoient le recours à des cotisations imputées pour mesurer le poids de certains régimes sociaux privés). Mais, étant donné l'homogénéité des préférences des individus dans les pays de développements économiques comparables, ce résultat doit être considéré comme assez largement optique. En fait, si le salaire direct est alors plus élevé et/ou plus dynamique, les utilisations du salaire consacrées à obtenir des protections contre les risques, collectivement couverts dans les autres pays, égalisent les situations réelles, aux mécanismes de solidarité près mais aussi, en sens inverse, aux coûts des protections près.

Sur ce dernier point, il est vraisemblable que le coût des assurances sociales est assez différencié selon les pays. Dans le domaine de la santé, la très grande diversité du niveau des dépenses qui y sont consacrées ne peut pas être expliquée par les seuls écarts dans les volumes consommés mais aussi par des différences de prix. De même, il est probable que les services collectifs d'éducation sont rendus à des coûts moins élevés que lorsque celle-ci est privatisée.

Dans l'hypothèse, assez réaliste, où cette situation se vérifierait, on peut en déduire que les entreprises reçoivent une subvention implicite qui leur permet de rémunérer moins leurs salariés dans les pays où l'ensemble protection sociale-santé est assurée collectivement .

D'un point de vue macroéconomique , une telle situation peut s'accompagner de processus qui viennent en neutraliser les effets au niveau du partage global de la valeur ajoutée :

- dans les pays où les protections sociales et les biens collectifs sont relativement développés, le taux de marge supplémentaire des entreprises non financières peut être compensé par le niveau relativement faible du taux de marge des administrations publiques et par un moindre développement des assurances ;

- inversement, il est logique de s'attendre à ce que du fait des taux de marge des producteurs privés de prestations privatisées, les entreprises des pays où la collectivisation est moindre soient conduites à réduire leur taux de marge puisqu'elles doivent payer des salaires plus élevés toutes choses égales par ailleurs.

Ainsi, si, globalement, le partage de la valeur ajoutée peut être indifférent aux conditions institutionnelles qui prévalent, ce n'est nécessairement pas le cas quand on se concentre sur un secteur de l'économie .

Dans ces conditions, les comparaisons dans le temps et entre pays, dont on a déjà indiqué quelques limites, peuvent être vues comme fragilisées par la diversité des structures économiques .

Par ailleurs, on doit relever que ces différences structurelles conduisent à constater que, même à niveaux de salaire comparables, il n'existe pas de concordance stricte entre le niveau relatif des salaires versés par les entreprises et le niveau de vie des salariés qui peuvent accéder à des quantités de biens très variables en fonction des prix pratiqués dans l'économie.


* 58 Cependant, l'augmentation de la quantité de travail mobilisée par l'activité économique a certainement infléchi la tendance du chômage et le niveau relativement élevé de la productivité de la main d'oeuvre en France laisse imaginer qu'il reste de la marge pour partager le travail.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page