D. CONCEPT STRATÉGIQUE, ÉVOLUTION DE L'OTAN ET RELATIONS TRANSTALANTIQUES
La commission de la défense de l'assemblée a souhaité présenté devant l'Assemblée le nouveau Concept stratégique de l'Alliance atlantique, qui préconise uen approche globale en matière de prévention des crises et de gestion post conflit. L'OTAN insiste désormais sur une meilleure coordination des efforts politiques civils et militaires. Elle noue parallèlement de nouveaux partenariats avec la Russie, en Asie et au Moyen-Orient.
Selon René Rouquet (Val-de-Marne - SRC) , co-rapporteur, le nouveau concept stratégique doit à la fois permettre de s'adapter aux nouvelles menaces mais également de renforcer le partenariat avec l'Union européenne, quelque peu délaissé :
« Préparer l'avenir, ce n'est jamais que du présent à mettre en ordre. A quoi bon discuter cet héritage. L'avenir, tu n'as pas à le prévoir mais à le permettre. » Ainsi Antoine de Saint-Exupéry envisageait-il, dans son livre Citadelle, ce qui peut en quelque sorte résumer l'action politique : permettre l'avenir.
Mes chers collègues, M. le Président, le nouveau Concept stratégique de l'OTAN s'inscrit dans ce programme, celui de permettre un avenir pacifique dans un monde dans lequel la menace militaire est de plus en plus difficile à identifier. A l'ennemi prévisible a succédé la prolifération des menaces, au monde géostratégique interprétable un maquis de structures étatiques illisibles, aux armes conventionnelles et nucléaires, les armes nouvelles, aux menaces identifiables, la possibilité de cyber-attaques.
A ce titre, le nouveau Concept stratégique de l'OTAN constitue un défi : celui d'assurer la paix dans l'espace européen et paneuropéen, défi pour une organisation régionale d'assurer quasiment la paix mondiale.
Cependant, à mon sens, ce nouveau Concept stratégique représente essentiellement un défi dans deux domaines : l'adaptation aux menaces réelles et nouvelles, et le partenariat avec l'Union européenne.
Prendre en compte l'ensemble des menaces dans le projet de défense collective auquel l'OTAN s'identifie depuis son avènement représente un projet indéniable. La défense, aujourd'hui, doit en effet se penser dans une acception élargie. Les cyber-attaques ne sont pas de la science-fiction, et la prévention des conflits revêt autant d'importance que l'intervention militaire elle-même !
Toutefois, à trop pouvoir embrasser, l'OTAN pourrait bien y laisser une part de son identité stratégique et de sa spécificité, qui est d'assurer la défense de l'Europe, parmi laquelle la dissuasion nucléaire doit rester un concept clef. La France demeure attachée à cet aspect défensif tant qu'un monde réellement dénucléarisé n'aura pas vu le jour.
Aussi, à un moment où nous avons tous conscience, ici, de tourner définitivement une page importante, l'examen de ce rapport me fournit l'occasion de réaffirmer solennellement mon attachement à un partenariat renforcé entre l'OTAN et l'Union européenne. J'aimerais dire, à cet instant, combien je déplore la disparition programmée de l'UEO, car notre Organisation permettait une véritable information des parlementaires sur la défense européenne et sur ses évolutions. A cet égard, je souhaiterai à tous les personnels concernés, pour m'être personnellement impliqué à leurs côtés, qu'une issue favorable et conforme à leurs légitimes attentes leur soit donnée. Nous y resterons vigilants.
Cette même vigilance doit nous rassembler sur ces sujets. Y a-t-il un domaine qui intéresse moins les citoyens que la garantie de leur sécurité ? J'aimerais souligner, à ce titre, que si le nouveau Concept stratégique de l'OTAN met en évidence l'importance d'un partenariat renforcé, celui-ci n'est évoqué qu'au trente-deuxième point de la Déclaration du Sommet de Lisbonne. La place occupée dans la déclaration finale n'est évidemment pas proportionnelle à l'intérêt porté à la question, mais il est à noter que le développement des missions de l'OTAN ne doit pas avoir également pour conséquence indésirable une dilution de l'identité de la défense européenne au sein de l'OTAN. A l'inverse, le développement des nouvelles missions de l'OTAN doit être l'occasion d'un renforcement de la PESD. Le Traité de Lisbonne nous en donne les moyens juridiques en facilitant l'accès aux coopérations renforcées.
Ce dernier point me permet par ailleurs d'apporter mon plein soutien à la Déclaration de Londres du 2 novembre sur la coopération de défense et de sécurité entre la France et le Royaume-Uni.
Cette coopération, pas seulement en termes de stratégies et d'objectifs communs, mais élargie à un partenariat à valeur égale sur le terrain, partenariat qui se décline notamment en termes de coopération technologique, d'industrie de défense et de mutualisation de la recherche et des moyens logistiques, n'a cependant pas vocation à devenir exclusive. Elle est un exemple de ces coopérations renforcées que nous appelons de nos voeux. Elle est un exemple de cette coopération que nous pouvons élargir à d'autres pays de l'Union européenne. Elle est un exemple du partenariat que nous pourrons établir entre l'Union européenne et l'OTAN.
Si l'identité de la défense européenne passe par l'OTAN, la réciproque est vraie : l'identité de l'OTAN passe par un partenariat renforcé avec la défense européenne.
Permettez-moi, pour conclure, de revenir à Saint-Exupéry. L'avenir, nous le permettons en rendant possible que le nouveau Concept stratégique de l'OTAN soit le terreau sur lequel puisse se développer cette Europe de la défense, pour qu'elle assure la continuité de la paix sur notre continent. »
La recommandation telle qu'adoptée par l'Assemblée insiste sur la nécessité d'élever le niveau du débat politique et militaire entre l'OTAN et l'Union européenne. Elle invite à résoudre les divergences politiques entre les États membres afin de faciliter une pleine coopération et une forme d'interdépendance.
Le rapport de la commission politique sur les relations transatlantiques dans le domaine de la sécurité et de la défense appelle l'Union européenne à intensifier ses efforts en vue de contribuer au règlement de la question chypriote. Cette question apparait en effet comme un obstacle à l'amélioration des rapports entre l'Union européenne et l'Organisation atlantique.
Le texte propose d'étudier la possibilité de mettre en place un mécanisme de planification et de gestion de crise concernant la communauté internationale, au sein duquel l'UE et l'OTAN joueraient un rôle pilote. Il invite l'Union européenne à poursuivre parallèlement le développement de ses capacités civilo-militaires afin qu'elle puisse mettre en oeuvre sa politique de gestion de crise indépendamment de l'OTAN, dans les cas où celle-ci préfère ne pas intervenir.
La discussion des deux rapports au sein de l'hémicycle a suscité notamment quelques réserves de la part de certains parlementaires sur la stratégie de la Grande-Bretagne et de la France. M. Yves Pozzo di Borgo (Paris - UC) a souhaité répondre à ces critiques et insister sur la spécificité de l'engagement de l'Union européenne en matière de défense :
« Permettez-moi, en préambule, de m'adresser à mon collègue M. Mota Amaral, qui a pris à partie les pays qui traitent sans concertation, notamment la France et la Grande-Bretagne. Si chacun des pays européens consentait à un effort financier comparable à ceux des Français et des Britanniques, la défense européenne ne serait pas où elle en est actuellement. Cela étant, je comprends qu'une concertation soit nécessaire entre tous les pays.
Au fil des années, l'Union européenne a développé des outils institutionnels et capacitaires nécessaires à la politique européenne de sécurité et de défense, et a démontré une certaine volonté de construire une politique efficace et crédible de plus en plus autonome.
Ainsi, la complémentarité formelle entre l'Union et l'OTAN a été progressivement remplacée par une autonomisation de plus en plus majeure de la PESD vis-à-vis de l'OTAN. Un processus qui, toujours respectueux des accords souscrits, a dépassé le risque d'une subordination à l'OTAN pour permettre une action extérieure et sécuritaire émancipée. Cette détermination politique de l'Union européenne s'est concrétisée par le Traité de Lisbonne qui contient des instruments d'action unifiés et des mécanismes de coopération. Mais le but final de l'intégration européenne dans le domaine sécuritaire reste ambigu.
L'objectif final de l'Union demeure incertain et oscille entre une action limitée à la « gestion des crises » externe et la possibilité d'une défense commune préconisée par les textes des traités. Néanmoins, le projet d'intégration supranationale européenne ne s'est jamais fixé de limites et la construction d'une Europe communautaire unie ne serait jamais complète sans une composante sécuritaire et défense solide.
Pour l'instant, le lien transatlantique, ce compromis entre l'Europe occidentale et l'Amérique du Nord, constitue le fondement le plus solide de la sécurité et de l'espace euro-atlantique, et l'OTAN reste encore à ce jour l'outil militaire pour la défense collective de cet espace.
L'Union européenne et l'Organisation atlantique demeurent des organisations de nature distincte, dont les buts ne coïncident pas, et doivent se développer de manière distincte. L'évolution différenciée mais coordonnée des deux structures doit néanmoins rester compatible avec le maintien de la force transatlantique.
L'Union européenne, pour développer son pilier - je rappelle que la défense européenne repose sur deux piliers : l'OTAN et la défense européenne - doit être en mesure de développer un modèle sécuritaire particulier fondé sur la valeur ajoutée européenne, un schéma de relations et d'actions fondé sur la flexibilité et les dynamismes, le multilatéralisme et l'action pluridisciplinaire. Cependant, cette autonomie ne suppose pas de divergence de fond. Le partenariat stratégique formé entre les États-Unis et l'Union européenne permet de coordonner les actions de l'Union et des États-Unis et de faire face de manière efficace aux menaces, à la sécurité globale et aux défis de l'Occident.
Il s'agit, à terme, de renouveler ce partenariat entre les deux piliers du lien transatlantique. Il convient de refonder ce lien de façon à développer un rapport stratégique permanent dans une position égalitaire, pour gérer et réguler les intérêts communs et arrêter des postures communes ou complémentaires face aux enjeux. Ce projet politique devrait permettre aux sociétés occidentales de préserver leur sécurité et leur prospérité face aux défis et aux conflits du XXI e siècle, à la mondialisation galopante pleine de risques pour l'avenir, tout en contribuant à la stabilité et à la sécurité globale. »
Invitée à intervenir au nom de la commission de la défense, Mme Françoise Hostalier (Nord - UMP) a souligné en conclusion l'importance d'une réunion interparlementaire pour échanger sur de tels sujets :
« Je profite de la présentation de ces documents pour rappeler toute l'importance - ce qui a été fait à plusieurs reprises depuis le début de la session - mais plus encore à travers un tel document, de la possibilité pour les pays représentés ici d'échanger et de s'exprimer. C'est ainsi que nous avons pu entendre les représentants de la Russie et de la Géorgie et nos collègues des pays de l'Union européenne. L'UEO est le seul lieu où l'on soit en mesure d'échanger sur des aspects aussi importants et stratégiques, notamment s'agissant de l'OTAN.
En cette période d'évolution forte de la politique de sécurité et de défense commune, objet du rapport adopté hier, et de restrictions budgétaires draconiennes dans les pays d'Europe et aux Etats-Unis - des accords bilatéraux en découlent -, il est indispensable que notre Assemblée émette un message fort, de sorte à demander une harmonisation afin de retrouver une meilleure lisibilité. »